Opération Yoshi Omori

J’ai eu la chance d’assister à des instants très forts qui représentent un grand cadeau dans ma vie quand j’y repense.

Le 22 novembre aura le lieu le vernissage de l’exposition 1986-1989 du photographe Yoshi Omori à la Galerie Lano au 3 rue de Lanneau dans le 5ème arrondissement de Paris (métro Maubert Mutalité). Cet événement présentera le travail jusqu’à lors inédit du photographe lors des années myhiques du terrain vague de Stalingrad et des soirées magiques du Globo. Vous y découvrirez pour la première fois de nombreux clichés jamais révélés au public mais également quelques tirages issus du livre culte Mouvement, co-écrit par JayOne et Marc Boudet. Cette exposition exceptionnelle se poursuivra en ligne sur notre site du 24 novembre au 15 décembre 2013 (voir les œuvres ici). En attendant, voici en exclusivité quelques réponses aux questions que Yoshi Omori a eu l’amabilité de nous accorder.

Down With This : Sur quelle idée te retrouves-tu en France ?
Yoshi Omori : Je suis d’abord arrivé en provenance du Japon jusqu’aux Etats-Unis. J’ai ensuite voulu voir un peu l’Europe, ses traditions, etc… et j’ai atterri à Aix-en-Provence. Un après-midi, je suis tombé par hasard sur un bouquin de photo dans une librairie. En sortant de là, après avoir regardé toute l’après-midi des livres sur le sujet, j’ai décidé de devenir photographe. J’ai cherché un peu partout pour apprendre la photographie mais je me suis vite rendu compte que l’école et les études coûtaient trop cher. Je suis monté à Paris pour continuer d’apprendre comme je pouvais. J’étais alors logé chez Marc Boudet (ancien journaliste, co-auteur du livre Mouvement) qui habitait à deux pas du terrain vague de Stalingrad. C’est dans cet endroit que Marc m’a emmené et c’est ainsi que j’ai commencé à y faire mes toutes premières photos.

J’ai eu la chance d’assister à des instants très forts qui représentent un grand cadeau dans ma vie quand j’y repense.

DWT : Comment les activistes hip hop de l’époque percevaient-ils ton travail au terrain ?
Yoshi Omori : Il y en a qui se barraient quand ils me voyaient arrivé (rires). Je les recroise maintenant et on en rigole. Mais l’accueil était très bon. Finalement, je n’avais pas trop de difficultés à prendre des photos, les gens étaient ouverts. J’ai eu la chance d’assister à des instants très forts qui représentent un grand cadeau dans ma vie quand j’y repense.

DWT : Qu’est-ce que ce lieu exprimait pour toi à ce moment alors que tu débarquais du bout du monde ? Tu étais surpris par ces gens, cette énergie, ces graffs ?
Yoshi Omori : C’était frais, très flash. Je ne connaissais pas le hip hop, je découvrais. Tout était nouveau pour moi. J’écoutais un peu de jazz au Japon mais c’est tout. Ce que j’allais découvrir allait être un peu différent ! (rires) J’ai rapidement fait la connaissance de JayOne, JonOne, Mode2…  Je les suivais ensuite dans d’autres pays comme en Angleterre, Italie ou Allemagne. J’ai photographié pendant trois ans ces moments magiques, de 1986 à 1989. Lorsque certains d’entre eux ont commencé à peindre sur toile, j’ai voulu me diriger vers autre chose et petit à petit, à partir de 1989, je m’en suis éloigné. J’avais l’envie de travailler en noir et blanc, sur des trucs plus personnels, et de voyager. J’ai alors baroudé pendant quatre ans un peu partout dans le monde.

DWT : Tu as découvert des énergies similaires à la culture hip hop lors de tes voyages ?
Yoshi Omori : C’était autre chose. Les voyages constituent déjà une forme d’énergie. Je voulais devenir photographe. A partir du moment où je photographiais de nouvelles choses, des découvertes, cela me comblait. Je ne faisais que ça, je ne pensais pas à autre chose. Je n’étais que dans les instants que je captais avec mon objectif.

DWT : L’année dernière, le livre Mouvement a enfin révélé les rares photos prises à Stalingrad et au Globo. Cette publication était-elle importante pour toi ?
Yoshi Omori : L’impulsion de cet ouvrage vient de JayOne. On a commencé en à discuter vers 2006/2007. Je suis très satisfait de ce livre et j’ai été très touché que les gens l’aient apprécié à leur tour. Il y avait eu dans le passé, au début des années 1990, une approche de Françoise Verny, ancienne directrice de Flammarion, qui était intéressé par mes photos. Cela n’avait pas abouti car le cinéaste Cyril Collard, l’auteur qui s’occupait de ce projet, est décédé du SIDA avant que ce projet se concrétise. Ce gars connaissait bien les gens du terrain de Stalingrad. Mes photos de cette époque n’ont vu le jour que l’année dernière dans le livre Mouvement et c’est très bien ainsi.

Il y avait une énergie particulière, ils créaient une autre dimension. C’est ce côté particulier qui m’avait attiré.

DWT : Tu as continué de photographier les artistes du mouvement au fil des années jusqu’à maintenant ?
Yoshi Omori : J’ai fait ce travail avec JayOne car j’ai continué, et je continue, de le voir régulièrement. Mais pour moi, ce qui était intéressant, c’était ce qu’ils faisaient dans la rue, avec le paysage urbain. Il y avait une énergie particulière, ils créaient une autre dimension. C’est ce côté particulier qui m’avait attiré. Lorsqu’ils se sont appliqués sur toile, cela devenait pour moi leur univers personnel. C’était un peu trop jeune pour moi de travailler sur des portraits d’eux et de réussir à les interpréter. Maintenant, je peux.

Propos recueillis le 16 octobre 2013 par Nobel – Photo portrait de Yoshi Omori par © Louis Bottero