Wanted Posse, durer pour concevoir

Il n’est pas rare que dans un battle, un juge soit amené à juger un autre danseur alors que ce juge a pu tomber contre lui dans un battle quelques mois auparavant. Humainement, il y a déjà quelque chose qui peut poser problème. On peut donc se demander si les résultats sont vraiment impartiaux…

Wanted Posse est entré dans l’histoire. La récente célébration de leur 20ème anniversaire à la Grande Halle de La villette a démontré que cette compagnie est l’une des plus novatrices du monde. Performance, partage, rigueur, respect, humilité, humour : ils ont su conquérir haut la main, deux soirs de suite, une salle bondée de plus de 1400 personnes. Deux dates mythiques aux côtés des Vagabonds, autres champions du monde et rivaux d’un temps. L’équipe originaire du 77 sait faire la différence depuis sa création. Un palmarès impressionnant : premier crew français champion international (BOTY 2001), vainqueurs à de multiples reprises du Juste Debout (2003, 2004, 2006, 2007, 2009, 2012) ou encore récemment vainqueur du World Dance Colloseum Japan (2012) et du BBoy Contest (2013). On retiendra également des battle historiques (dont Junior vs Benji – 2002). Le posse signe ainsi un parcours définitivement époustouflant, à l’image de la qualité de leurs prestations. Quoi de mieux que de finir l’année en beauté avec un crew qui fête comme nous son 20ème anniversaire ? Teneur en valeurs et transmissions garanti. Vous y découvrirez les clés de leur réussite mais également leur opinion quant au sujet ultra-polémique du moment à propos du diplôme d’Etat relatif à l’enseignement de la danse. Une rencontre à l’Atelier du cuir, situé à quelques pas du Chapiteau Annie Fratellini, à Paris qui a accueilli le 16 décembre 1989 un concert mythique durant lequel Assassin, Suprême NTM, New Génération MC’s, Timides & Sans Complexes et EJM se partageaient les micros. L’histoire continue de s’écrire.

Down With This : On va commencer par un point commun que nous avons ensemble, un 20ème anniversaire…  Alors, ça fait quoi d’avoir 20 ans ?
Yugson :
On est content d’être là, toujours ensemble. C’est fort parce que personne ne l’a fait en France. C’est rare dans la danse.
Kimson : Il y a même des mariages qui ne durent pas vingt ans. Le groupe tient et on se fait encore plaisir, comme au début.
Hagson : On est le seul groupe dans notre discipline à continuer avec le même noyau dur que celui du début. Les personnes sont là. On est une famille et c’est la particularité du groupe, la base de tout.

DWT : Pouvez-vous nous retracer dans quel contexte se crée votre compagnie ?
Yugson :
On vient pour la plupart du 77 et du 93 mais aussi de Saint-Malo, Clermont-Ferrand, Rennes, Lorient. Il s’agit au départ d’amis de quartiers, avec Badson, Jackson… C’est Amada Bahassane (Badson) qui nous a fait nous rencontrer et fait danser ensemble.
Hagson : Le noyau dur vient de Marne la Vallée, de Noisy-le-Grand.  Le groupe s’est essentiellement formé à Torcy. Amada dansait déjà entre Noisiel, Champs-sur-Marne et Torcy. Il nous a emmené à la salle pour s’entraîner, il y avait du monde et au fur et à mesure, notre groupe s’est constitué. A force de se voir et danser ensemble, on a commencé à développer des chorégraphies puis à travailler les individualités.

DWT : L’étymologie de votre nom ?
Yugson :
Dans le passé, on était un groupe qui se produisait beaucoup en soirées et qui défiait à peu près tout le monde. Quand on finissait nos battles, comme nous n’avions pas encore de nom, les gens ont commencé à nous appeler « les recherchés ». Ce nom est resté longtemps. Puis à un concours de danse, il nous fallait un nom du groupe. J’ai juste traduit « recherché » en anglais, j’ai dit « Wanted », et Amada a ajouté « Posse », un mot qu’on utilisait beaucoup au début des années 1990. La spécificité du nom des membres est qu’il se termine tous par « son ». C’est comme notre nom de famille. C’était l’argot à l’ancienne du quartier où on s’appelait tous par « son », « le fils de ».

DWT : Les influences américaines ont-elles joué un rôle dans votre danse à vos débuts ?
Kimson :
Flow Master nous a beaucoup influencé. C’était un élément spécial au sein du Rock Steady Crew, avec sa personnalité, sa folie et beaucoup de voltige. Il savait danser debout comme au sol, il avait sa signature, pourtant à l’époque, il y avait beaucoup de gens qui dansait de la même manière. Lui arrivait à se détacher, ça nous a plu. Cela a changé le break dans son histoire et amené de nouvelles tendances. Le gars connaissait ses basics mais il ne restait pas figé dessus. La musique évoluait, les mouvements et le corps aussi. Ken Swift (RSC) aussi avec sa rapidité sa précision et sa puissance. Mais nos influences ne se limitaient pas qu’au break. A l’époque de nos débuts, ce qu’on appelait la new jack swing était très présente pour les danseurs.
Hagson : Dans les Rock Steady, Prince Ken Swift et Flow Master sont les deux qui nous ont marqué. Ce sont les deux qu’on regardait. Easy Rock aussi, un peu, mais c’est tout. Crazy Legs, par exemple, ne nous touchait pas du tout.

DWT : Et parmi les danseurs français, quelques influences ?
Yugson :
On a commencé fin des années 1980, début des années 1990 donc c’était un peu plus la hype et la new jack qui dominaient. Le break, c’est venu un peu plus tard pour nous. On a commencé debout. Quand on regardait Rapline, il y avait NTM où tu pouvais y voir quelques danseurs comme Lazer, pareil avec Timide et Sans Complexe, les SRG ou Les Little MC’s.
Kimson : Nous, on avait Amada qui faisait du boucan en soirées !
Yugson : On avait notre pilier qui faisait très mal en soirée quand il rentrait ! Il y avait des groupes connus médiatiquement dans le rap mais nous, on avait Amada et déjà l’esprit de la danse.
Hagson : Il faut être très clair, à cette époque, c’était les danseurs d’Aktuel Force qui étaient les plus forts, des danseurs comme Gabin, Karim Barouche, c’est clair, c’était les numéros 1 et ont marqué l’histoire de la danse en France.
Yugson : Avant ça, il y avait les Paris City Breakers mais ce n’était pas notre époque, on était trop jeune. Il faut bien préciser aux gens que quand on a commencé, il n’y avait plus autant de breakeurs en activité.
Hagson : C’est revenu après, en 1994-1995, puis avec le Battle of the Year.
Yugson : Quand tu voyais un mec qui break, tu pouvais entendre les gens dire : « oh la la mais il break encore lui ? ».

Le challenge, c’était de gagner, comme tout le monde le voudrait, mais au delà de ça, on voulait marquer les esprits avec notre style. On vient de la danse debout, on est passé par le break par passion et parce qu’on avait l’amour du risque.

DWT : La spécificité de votre crew a été de mélanger danse debout et danse au sol. Vous avez bouleversé les codes de l’époque qui voulait qu’un crew soit spécialisé dans une danse, au sol ou debout. Vous avez ainsi créé la surprise en étant le premier crew français de l’histoire à gagner la finale internationale du BOTY en 2001. Cette diversité était-elle une stratégie pour emporter la victoire ?
Kimson :
Déjà, on se faisait plaisir, on voulait marquer une couleur,  la touche Wanted et on voulait la montrer partout ! Quand on a eu la chance d’aller à Montpellier, on a gagné la finale française. On s’était dit qu’ensuite, c’était la scène internationale qu’on allait toucher. Le challenge, c’était de gagner, comme tout le monde le voudrait, mais au delà de ça, on voulait marquer les esprits avec notre style. On vient de la danse debout, on est passé par le break par passion et parce qu’on avait l’amour du risque. On était jeunes avec tout ce qui va avec. Et on avait d’autres armes, comme l’expérience de la house. On a aussi apporté une bonne qualité de combinaison. On voulait vraiment se détacher des autres groupes et ne pas arriver qu’avec du lock ou du pop, qui était pour nous du vu et revu.
Yugson : Au début des années 1990, on essayait déjà d’être complet au niveau de la danse debout et au sol. Quand notre groupe arrivait en soirée, il pouvait défier des breakers comme des danseurs debout. Nous n’étions pas limités. A l’ancienne, les danseurs essayaient de tout faire, il n’avait pas qu’un style. Notre danse a grandi avec cet esprit, un danseur debout se devait de breaker, car au niveau des défis, tous les coups étaient permis !

DWT : D’ailleurs, Nasty (ndlr : speaker du BOTY, notamment, et membre de notre comité de rédaction) nous a expliqué que vous avez instauré un rituel, devenu maintenant un classique quasi-obligatoire dans les battle, qu’on appelle la « routine ». Pouvez-vous nous en dire plus sur cet apport novateur que vous aviez développé ?
Kimson :
Les « routines », que nous appelons des « combo » sont une spécialité de chez nous. On est les premiers. C’est né d’une entente fraternelle que nous avons, au delà de la danse. On s’est dit que notre art peut dépasser ses limites, surtout du fait qu’on bosse ensemble tout le temps. On peut faire des skills ensemble, acrobatiques ou pas.
Hagson : Je prends l’exemple du crew Style Elements (Californie) qui est arrivé en 1997 avec un style de break hors du commun. Ils ont changé la donne dans le break. Tout a changé, il n’y avait plus de règles. Il n’y avait plus forcement de base comme avec le Rock Steady, avec les six steps, etc. Ils étaient free dans leur style. Ca a inspiré beaucoup de gens pour trouver d’autres mouvements. Nous, nous avons marqué l’histoire en arrivant avec des combinaisons, de la complicité, de l’osmose et du travail d’équipe. Même au niveau des formations, on a inspiré les gens. En 2001, c’est devenu une base pour tout le monde. On a innové et tout le monde a penché dans cette direction. Le travail en groupe a fini par marquer des points dans les compétitions. On avait voulu montrer à travers ça qu’on était une équipe et pas que des individualités.
Kimson : On est fier que les gens s’en soient inspirés. On est là pour avancer et faire avancer la danse. Notre rôle n’est pas de dire « tu n’as pas le droit de faire ce que je fais ». Aujourd’hui, on peut mettre quelque chose sur la table sans pouvoir maîtriser qui va le manger. Au delà de ça, il y aura toujours des gens qui savent que cela vient de chez nous.
Yugson : Ensuite, il y avait une forme de stratégie, de la même manière qu’au foot, tu as des formations 4-4-3, etc… C’est stratégique dans l’occupation de l’espace et de la scène. C’est maintenant important pour gagner des battles. Je m’en souviens des autres crews qui dansaient contre nous, ils le faisaient en 1 contre 1 ! Alors que nous arrivions avec des combinaisons, ils  se retrouvaient bêtes ! Quand on a gagné les compétitions Battle of the Year France et international, cela a été vu au niveau mondial. Tout le monde s’est dit que pour gagner, il fallait faire comme nous. L’année d’après, tout a changé.

C’est maintenant important pour gagner des battles. Je m’en souviens des autres crews qui dansaient contre nous, ils le faisaient en 1 contre 1 ! Alors que nous arrivions avec des combinaisons, ils  se retrouvaient bêtes !

DWT : Vous avez dans votre commando un élément redoutable, individualité bien spécifique, Buanson (Junior) qui vient de Saint-Malo. Historiquement du 77, comment la famille Wanted le recueille t-il ?
Hagson : Il a apporté de la punch-line, de la force, de la puissance et de l’originalité pure. Il a choqué tout le monde.
Yugson : …Junior a aussi un cousin qui habite à Noisiel, dans notre coin, il y a donc une connexion familiale. Ces choses ont fait qu’il n’est pas venu par hasard.
Buanson (Junior) : J’ai commencé à m’entraîner avec les jeunes générations de Wanted. Je suis venu quelques années sur la région et me suis entraîné dans la même salle qu’eux. Puis on a fait un battle à Bobigny, dans un festival qu’il y avait là-bas, le festival XXL. On a vu qu’il y avait une bonne entente entre nous et on a décidé de faire ça plus sérieusement par la suite. Ca c’est fait au feeling. En côtoyant les personnes, tu t’aperçois si tu peux ou non bien te marier avec leur esprit d’équipe.
Kimson : Pour nous, les parcours solos dans la danse sont identiques aux joueurs de foot qui évoluent à l’extérieur, comme au Barça pendant l’année, mais qui reviennent en équipe de France. Ca ne fait qu’enrichir le groupe et c’est ça qui le renforce. Nous sommes une entreprise familiale. On forme des jeunes uniquement dans ce cadre là.
Yugson : Tout ce qu’on fait, sur tous les terrains, c’est au service du groupe. C’est un style de vie mais aussi une éducation. Entre nous, on s’éduque. Les grands apprennent aux plus jeunes, et pas que dans la danse, dans ce qu’il peut se passer dehors, etc… C’est une philosophie, des principes de vie qui se perdent un peu dans le hip hop.
Buanson (Junior) : On le fait naturellement. On voit des jeunes s’entraîner dans la salle avec nous, on leur donne des conseils. On ne fait pas de repérages ailleurs et on ne cherche pas à former plein de danseurs pour en faire des produits ou des clones. Chacun arrive avec sa couleur et sa force.
Kimson : Les relais sont importants comme IAM l’avait fait avec la Fonky Family. Pour ce qui est des danseurs que l’on remarque, il arrive que nous fassions une table ronde pour discuter d’un gars en se disant que « si on le prend en main, dans cinq ans… ! ».

DWT : A ce propos, et c’est un sujet très polémique, nous aimerions connaître votre point de vue sur le controversé nécessaire diplôme d’état pour prétendre à l’enseignement de la danse. Sachant qu’il y a même une pétition qui tourne contre cette initiative…
Yugson :
On ne sait pas.
Kimson : On s’en bat, franchement. Entre nous, il y a deux histoires de hip hop : celle des Etats-Unis et celle de la France. Aujourd’hui, ils veulent institutionnaliser tout ça mais quand des tables rondes sont organisées, je ne pense pas que se soit souvent les bonnes personnes qui y soient invités. Ce qui fait que les vrais sujets ne sont pas abordés : Qui va former ? Qui va délivrer ce diplôme et pourquoi ? Est-ce que l’on va y intégrer l’histoire ? Quelle place pour la musique ? Donc c’est compliqué comme question. Nous ne sommes pas pour ce diplôme dans l’immédiat car on pense qu’ils n’appellent pas les bonnes personnes pour débattre sur la question.
Hagson : On entend parler de réunions par-ci, de réunions par là, mais nous, on ne nous a jamais appelé. On connaît d’autres groupes qui ne sont même pas au courant. Le hip hop c’est quoi ? On parle de danse hip hop ? De danse debout ? De break ? On parle de quoi au juste ?
Yugson : Il faut que les gens prennent conscience qu’il y a plein de choses. Pour l’avenir, ça peut se révéler dangereux. Dangereux parce que nous n’avons pas forcément appris à danser avec un cadre. Le hip hop, c’est la vie, on danse comme on est. L’évolution, la progression et la compétition puisent leurs énergies là-dedans. Si on installe ce genre de cadre, beaucoup de monde risque de danser de la même manière. Et puis, qui peut être un bon prof ? Un diplôme ne fera pas automatiquement de bons profs. Regardez ceux qu’on a eu dans les collèges…

Aujourd’hui, ils veulent institutionnaliser tout ça mais quand des tables rondes sont organisées, je ne pense pas que se soit souvent les bonnes personnes qui y soient invités. (…) Qui va former ? Qui va délivrer ce diplôme et pourquoi ? Est-ce que l’on va y intégrer l’histoire ? Quelle place pour la musique ?

DWT : Vous qui avez de l’expérience en terme de participation télé, vous avez certainement des commentaires à faire sur le départ fracassant de Bruce Ykanji (organisateur du Juste Debout) de France O alors qu’il était jury de leur émission Dance Street. Il a d’ailleurs déclaré à ce sujet : « Je serais officiellement absent de la prochaine saison de Dance Street sur France O. STOP. NON RESPECT DU DANSEUR ET DE SON ART : (…) En gros, on se sert de nous pour faire du chiffre et appâter les téléspectateurs mais on est toujours la dernière roue du carrosse et ça c’est plus possible. Je me suis toujours battu contre ça et je ne peux pas soutenir un projet qui va dans ce sens. Je l’ai fais au début, dans l’espoir que ça allait évoluer mais… je me suis trompé… Veuillez m’excuser d’avoir échoué. »
Kimson : C’est normal que Bruce ait essayé. Nous n’avons jamais fait l’émission mais ce n’est pas qu’à la télé que notre danse n’est pas respectée. Il faut se battre partout pour la défendre et se faire respecter.
Yugson : C’est bien d’avoir une émission de danse à la télé. J’ai déjà jugé, j’ai aimé l’initiative mais on devrait pousser la chose car j’ai ressenti ça plus comme de l’animation. Il n’y a pas de truc sérieux. Au départ, on nous a très vite tué en réduisant cette danse à des mecs qui tournent sur la tête par terre sur des cartons. Des stéréotypes se sont installés dans la tête des gens. Les journalistes nous ont mis trop vite cette étiquette alors qu’il s’agit d’un art noble et puissant.
Hagson : Dans la danse en général, on est en dernier, surtout avec la danse hip hop. Contemporaine ou jazz un peu moins. Si on arrive avec des artistes, chanteurs, rappeurs, on va toujours être la dernière roue du carrosse. C’est ce qu’on a vécu pendant un moment parce qu’on dansait beaucoup avec des rappeurs. Ce n’était plus notre truc après. Quand on était dans le vrai milieu de la danse, on s’y sentait mieux respecté, car on était à la même hauteur.
Kimson : Il y a du travail. Dans le classique, ils ont institutionnalisés ces choses-là. Pour revenir à Dance Street, le gros soucis est que Bruce aurait dû dire ce qu’il avait à dire quand il avait la position de le faire et peut-être pas en partant. Qu’il le reconnaisse est une bonne chose. Ce genre d’émission va toujours pousser à l’entertainment, c’est le but d’une production. Le but de l’artiste qui est appelé pour juger ça est de recentrer le tir.
Yugson : On fait bien des émissions comme Incroyable Talents où on se fait juger par des gens qui ne sont pas danseurs… Après, quand on voit Laurent Bouneau dans cette émission, qui contrôle déjà le rap français, ce n’’est qu’un œil extérieur, comme Olivier Cachin.
Kimson : On en revient au problème du hip hop et de connaître son histoire. Qui est cette personne là ? Si je n’ai jamais vu de hip hop et que je le vois lui…
Yugson : Je dirais même plus. Qu’est ce que Bouneau pourrait faire de plus pour aider la danse hip hop à se diriger vers un autre niveau ? C’est le genre de personne qui pourrait faire quelque chose. C’est aussi à eux de nous mettre bien. Sa présence devrait faire monter le truc. Pareil pour Olivier Cachin, il n’a rien poussé dans la danse hip hop. Pour moi, ces gens n’ont jamais rien fait. Quand on regardait les Suprême NTM dans Rapline, on regardait les danseurs. Dans tous les quartiers, on était plus intéressées par les danseurs que par les rappeurs, qu’on écoutait après.
Kimson : Les rappeurs eux-même dansaient ! (rires général).

DWT : Vous parliez de manque de reconnaissance de votre danse mais vous arrivez pourtant à atteindre de gros réseaux comme Les Dix Commandements, les Folies Bergères, Bianca Li ou Madonna. Vous n’y voyez pas une forme de reconnaissance ?
Kimson :
On a été dans tous les réseaux, que ce soit télé avec la Star Académy, les Dix Commandements ou Madonna. On a ce savoir faire.
Yugson : Mais on ne voit pas les choses comme ça. Ce qui nous importe, c’est que notre danse ou que notre groupe soit présenté dans les mêmes réseaux, au même niveau et que nos spectacles deviennent à leur tour de grosses productions. Nous voulons aller plus loin que de participer. Nous voulons avoir accès à la même reconnaissance. On sait que ce n’est jamais fini et qu’on peut toujours avancer. Mais pour les danseurs hip hop, c’est très dur.
Kimson : Des portes, on en a poussé. S’il y a de la danse à la télé, c’est que certains d’entre nous se sont battus pour montrer notre savoir-faire et ont montré qu’on pouvait s’adapter facilement. On peut encaisser les chorégraphies de gens qui ont fait dix ans d’une autre danse parce qu’on connaît aussi bien notre corps. C’est notre outil, on va très loin avec, alors qu’eux ne pourraient pas forcement nous suivre.

Ce qui nous importe, c’est que nos spectacles deviennent à leur tour de grosses productions. Nous voulons aller plus loin que de participer. Nous voulons avoir accès à la même reconnaissance.

DWT : La compétition Juste Debout correspond à l’ampleur qu’un événement de danse devrait avoir selon vous ?
Hagson :
C’est bien ! (rires général). On est le crew plus titré à cet événement, il faut le dire. C’est une visibilité pour notre notre danse. Peu importe ce qu’il s’y passe à l’intérieur, c’est un événement diffèrent et il en faut pour tout le monde. Certains trouvent que c’est un battle commercial mais il faut savoir que des danseurs sont appelés à l’issue de cette compétition pour enseigner dans des stages. Il faut toute forme de battles. C’est l’événement numéro un au niveau de l’international.
Kimson : Et on est fier qu’il soit français.

DWT : Qu’est-ce que vous évoque la demi-finale 2013 franco-française du BC1 entre Lilou et Mounir ?
Wanted Posse : (tous ensemble) Pourquoi on ne parle pas de celle de 2012 ? (rires général).
Hagson : Ok on est en 2013 mais on va juste faire une touche sur 2012. Junior a participé au BC1 au Brésil et c’était déjà une demi-finale française ! Il était contre Mounir. On aurait préféré que les français se rencontrent en finale… A vrai dire, la demi-finale était plus forte que la finale. Même notre pire ennemi le dira. Deux français qui se rencontrent, on est fier car ça montre notre niveau et ça fait parler de la France. Mais ça reste le jeu. Après, pour nous, Junior passait mais bon, ça c’est une autre histoire.
Buanson (Junior) : Pour plein d’autres personnes aussi mais bon, parlons maintenant de 2013 (Mounir déclaré vainqueur contre Lilou en demi-finale BC1 2013). Ca m’a fait plaisir de voir que Mounir n’avait pas gagné l’édition précédente pour rien. Il a quand même bien représenté cette année, et sortir Lilou, ce n’est pas rien. Il l’a sorti avec 3 jurys consécutifs pour lui, ce qui fait qu’on n’a pas su ce que les 2 autres avaient décidé. Franchement respect à Mounir.
Hagson : Respect à Mounir.

Junior a participé au BC1 au Brésil et c’était déjà une demi-finale française ! Il était contre Mounir. On aurait préféré que les français se rencontrent en finale… A vrai dire, la demi-finale était plus forte que la finale. Même notre pire ennemi le dira.

DWT : Le niveau et la technique vous ont tout de même séduit dans cette édition 2013 ?
Hagson :
Il y a eu plein de choses chelou dans cette édition, plein de trucs bizarres, des votes insensés. Plein de personnes autour de nous ont constatés la même chose. Après, bon, les juges… Il y a du copinage, c’est clair et net !
Kimson : La vérité est que c’est très dur en ce qui concerne les jugements. Il n’y a pas de fédération comme au foot par exemple. C’est très subjectif. Il n’y a pas ce côté officiel.
Yugson : C’est très dur de juger dans la danse. Tu peux modifier la trajectoire d’une vie ou la vision des danseurs juste avec un jugement. D’après moi, les gens qui peuvent juger doivent faire partie de l’histoire et avoir gagné des compétitions. Ces gens doivent savoir ce qu’il s’y passe…
Buanson (Junior) : …et ne peut plus être sur le circuit en tant que danseur.
Yugson : Exactement. Le problème des gens qui jugent est qu’ils sont encore dans le circuit. Il n’est pas rare qu’un juge soit amené à juger un danseur alors qu’il a pu tomber dans un battle contre lui quelques mois auparavant. Humainement, il y a déjà quelque chose qui peut poser problème. On peut donc se demander si les résultats sont vraiment impartiaux.

Il n’est pas rare qu’un juge soit amené à juger un danseur alors qu’il a pu tomber dans un battle contre lui quelques mois auparavant. Humainement, il y a déjà quelque chose qui peut poser problème. On peut donc se demander si les résultats sont vraiment impartiaux.

DWT : Junior par exemple, penses-tu que tu as été victime de cette partialité des juges lors de ta demi-finale contre Mounir dans l’édition 2012 du BC1 ?
Yugson :
Il gagnait !
Buanson (Junior) : Il y avait une différence de danse. Après, ça dépend des personnes qui jugent. Mais comme on l’expliquait, le cinquième et dernier à juger la demi-finale 2012 entre moi et Mounir, est Neguin (Brésil). C’est lui qui a tranché car on avait 2 votes chacun. Neguin a choisi Mounir mais à mon avis, ce n’est pas trop son style. Il se trouve que j’avais fait un battle contre Neguin quelques mois avant… Qu’il vote pour Mounir, ça m’a… Par exemple, quelqu’un comme Taisuke (Japon) qui est beaucoup dans les fondations de cette danse, pas trop dans mon style de danse, a quand même voté pour moi…
Hagson : Il y a des juges qui sont évidemment neutres mais il y en a d’autres qui ne le sont pas. Ceux-là mélangent leurs goûts avec ce qu’il se passe à l’intérieur. Ce n’est pas parce que je n’aime pas le style d’un danseur que je ne voterai pas pour lui ! Ce n’est pas parce que je tombe contre un mec dont je n’aime pas le style qu’il ne peut pas me battre ! C’est ce qu’on dit tout le temps : il y a des gens qui mélangent beaucoup de choses et qui ne voteront pas pour un danseur alors qu’en vérité, il défonce l’autre. Ca a été flagrant dans cette édition du BC1. Il y en a qui se sont fait éclaté et qui sont quand même passé.

DWT : Quel regard portez-vous sur la scène coréenne ?
Hagson :
Attention, on avait accès à des vidéos de Physicx (Corée) en 2001 et le gars était déjà chaud ! Il se trouve qu’à cette époque, les coréens n’étaient pas beaucoup, c’était les derniers arrivés façon de parler. Tu as aussi maintenant pas mal de gens des pays de l’est qui se font remarquer. Il y a des tueurs de partout aujourd’hui. Mais c’est clair que quand les coréens sont arrivés, pendant un moment, ils étaient imbattables. Ils avaient une rigueur qui leur a permis d’exploser sur scène. Au niveau technique, des combis, fitness, c’était fort. En terme de break, la scène coréenne fait partie des meilleures du monde. Faut dire ce qui est. Je pense même que plein de danseurs voudraient participer à l’événement R16 en Corée. Si tu es un vrai compétiteur, ça fait partie du parcours, car là-bas, tu sais que ça rigole pas. C’est le prestige.

En terme de break, la scène coréenne fait partie des meilleures du monde. Faut dire ce qui est. Je pense même que plein de danseurs voudraient participer à l’événement R16 en Corée. Si tu es un vrai compétiteur, ça fait partie du parcours.

DWT : Que pensez-vous de la multiplication des tournois et des battle en France ces dernières années ?
Kimson :
On est plus nombreux donc c’est une bonne chose pour les jeunes. Ca leur donne les moyens de se confronter un peu plus souvent, de montrer leur niveau, d’avoir des dates butoirs. C’est comme si tu avais plusieurs examens dans l’année. Chacun peut avoir sa chance plus souvent. C’est bien car se confronter fait partie de l’évolution.
Hagson : Si je retourne des années en arrière, dans les années 1998-1999 quand il n’y avait pas beaucoup d’événements en France et qu’on regardait des VHS du BBoy Summit ou Freestyle Session, on se disait que c’est comme ça que les mecs deviennent forts. Il y a tellement de compétitions ! Du coup, maintenant qu’il y en a pas mal en France aussi, le niveau a progressé et on peut dire que la France est dans le top 3 mondial.

DWT : Le manque d’économie dans la danse a également pu poser quelques problèmes pour les danseurs. On avait fait une interview de Pokemon en 2007 qui nous expliquait qu’ils n’avaient pas de problème à danser derrière des artistes en dehors du hip hop tant qu’il y avait de l’argent à se faire. Que pensez-vous de cette philosophie ?
Kimson :
C’est leur philosophie, ils ont le droit. L’un d’entre eux était même avec Madonna donc ils ont gardé cette ligne.

DWT : C’est bien sûr leur droit, d’autant qu’il n’est pas évident de faire carrière dans la danse hip hop. Vous partagez leur point de vue ?
Kimson :
On a dansé derrière plein d’artistes. Ce sont des choix artistiques. Il faut voir plutôt dans quelles conditions se déroulent les choses. On est dans une démarche hip hop car nous sommes hip hop mais la danse est aussi notre métier.
Buanson (Junior) : A partir du moment où nous restons nous mêmes et que nous apportons quelque chose à notre manière, de positif, une plus value, pourquoi pas ? Cela ne me gène pas dans le sens où nous sommes censés être les ambassadeurs de cette culture. C’est important pour notre école, notre danse, notre discipline. Ca peut faire évoluer les choses dans le bon sens. Après, si on nous demande de se « travestir », ce n’est bien sûr pas la même chose. Quand on y va, c’est avec notre force et notre savoir-faire.
Hagson : A chaque expérience, il y a un public. Cela assure une visibilité à cette danse…
Yugson : …pour casser des barrières.
Kimson : Nos danseurs ont réalisé des prestations pour plein d’artistes : Christophe Maë, Rohff, Hélène Ségara, Bob Sinclar, Martin Solveig, etc… On est large dans nos choix mais comme dit Junior, il ne faut pas se perdre.

Nos danseurs ont réalisé des prestations pour plein d’artistes : Christophe Maë, Rohff, Hélène Ségara, Bob Sinclar, Martin Solveig, etc… On est large dans nos choix mais comme dit Junior, il ne faut pas se perdre.

DWT : Lorsque que vous êtes sur de grosses productions pour assurer les shows de ce genre d’artiste, avez-vous le sentiment d’y trouver votre place ou vous sentez des contraintes quant à vos interventions ?
Kimson : On connaît la direction artistique, il y en a chez nous dont c’est la spécialité. Quand on nous demande de se placer devant ou derrière, on n’est pas sur scène pour négocier. Quand nous prenons la décision d’intervenir, nous comprenons qu’il s’agit d’un métier. On travaille de la même manière sauf qu’il y a des caméras. Il faut connaître sa place. Il y a un chorégraphe mais on défend notre histoire. On ne peut avoir l’attitude de négocier ou dire « parce que je suis respecté dans mon quartier, je dois être devant sur la scène ! ». On est professionnel.

DWT : La défense du collectif revient souvent chez vous alors que les choses tendent à ce que les danseurs évoluent dans une démarche d’individualiste. C’est important de ramener vos projets solo à l’échelle du crew  ?
Buanson (Junior) :
C’est un truc de base pour nous. Peu importe ce qui se passe à l’extérieur, on revient toujours à la famille. On sait qu’il y a des choses qui se construisent à chaque moment.
Kimson : Quoiqu’il arrive, chaque danseur est Wanted. Dans un deuxième temps, il représente la France, et dans un troisième temps, il représente la danse hip hop.

DWT : Les projets solos de vos danseurs sont décidés en collectif ?
Kimson :
On a profondément la même vision des choses donc nous ne décidons pas forcément ensemble des volontés de chacun.
Yugson : Mais il arrive bien sûr que nous en parlions ensemble car l’avis de la famille compte toujours.

Quoiqu’il arrive, chaque danseur est Wanted. Dans un deuxième temps, il représente la France, et dans un troisième temps, il représente la danse hip hop.

DWT : La house dance est également une spécificité de votre crew. Comment avez-vous pu vous y intéresser et quelle passerelle faîtes-vous avec le hip hop ?
Yugson :
A la base, les danseurs house-dance sont des danseurs hip hop. A une période, fin 1990, il n’y avait plus trop de soirées sur Paris et les seules où l’on pouvait entrer facilement étaient les soirées dance. C’étaient les seules où l’on pouvait danser et rigoler sans se faire recaler. C’est une époque qui m’a beaucoup marqué. On dansait toute la nuit dans le même esprit qu’il pouvait y avoir à New York. On s’est lancé dedans mais on voyait ça comme du freestyle. Quand on dansait dans ces boîtes, les gens étaient vraiment free. Regarde les gens qui étaient dans les soirées hip hop, dès qu’il y en avait un qui bouge, tout le monde le regardait ! Dans les soirées house, tout le monde dansait sans aucun apriori. Ca change un peu de nos jours, les jeunes dans les soirées actuelles se remettent à danser et s’amuser.
Kimson : Il faut savoir également qu’on allait dans ces soirées house pour adapter notre style, pour y aimer la musique sur certains passages. Il y a des choses pointues partout, dans le rock, la house, le hip hop… On a d’ailleurs eu la chance d’aller dans des boîtes où il y avait des DJ’s pointus. C’était comme des terrains de jeu pour nous, on pouvait s’exprimer et expérimenter. Rythmiquement, c’était plus rapide, plus soutenu. Il y a des chanteurs qui n’ont pas le flow des rappeurs, c’est différent. Les choses plus rondes, plus organiques. Ca nous a apporté énormément.
Yugson : La house est proche de la disco car ce sont des morceaux qui durent facilement plusieurs minutes, tu as le temps de t’exprimer. Elles n’ont pas le format radio comme dans le rap.

DWT : Il est clair que le rap français n’est pas une musique dansante ou faîtes pour les breakers…
Kimson :
C’est le problème. Si tu prends ce qu’il se fait aux states, ils arrivent toujours à faire swinguer les morceaux, quoiqu’il arrive. En France, ils sont beaucoup dans le lyrique, dans le texte et le contexte.
Yugson : Les américains ont pour habitude d’entrer en studio en pensant gros tube et que leur morceau fera danser en club.
Kimson : Quant aux français, ils pensent aux bâtiments qui vont trembler quand les petits jeunes mettront play. Ils ne pensent pas aux mêmes notes.
Yugson : Je connais des beatmakers français qui ont des sons de fous mais quand les rappeurs leur demandent des sons, ils n’en veulent pas et demandent des trucs particuliers en correspondance avec le buisiness. Les rappeurs français d’aujourd’hui n’ont plus trop de technique. Ils écrivent bien mais n’ont plus de flow. Cela devient très linéaire.

DWT : On se souvient de vous lors d’un concert de Cypress Hill en 1998, à la Mutualité, durant lequel vous dansiez dans le fond de la salle. Est-ce que cela vous arrive toujours de vous retrouvez ensemble à danser comme ça en soirée juste pour le fun ?
Yugson :
Le problème est que les DJ’s sont maintenant dans des cases. Je suis moi-même DJ. J’ai mixé hier par exemple où un autre DJ n’était là que pour mixer du rap français… Ca sert à quoi ? Les DJ’s doivent jouer de tout. C’est ce qu’il se faisait avant.

DWT : Lorsque vous étiez au début, entre vous à Torcy, vous imaginiez être sur la route pour emporter autant de titres sur votre passage ?
Yugson :
Franchement, la première fois qu’on a vu le Battle of the Year, on s’était dit qu’on allait y faire quelque chose… Et c’était même 2 ou 3 ans avant qu’on le fasse.
Hagson : Ce qu’on se disait à chaque fois, et qu’on continue à dire d’ailleurs, c’est que par rapport à plein d’autres personnes qui se disent l’important, c’est de participer, nous, on se disait : « non ! L’important, c’est de tout défoncer ! ». Donc à chaque fois qu’on allait quelque part, c’était pour arracher la victoire. A partir de 2001, sur trois ans, on avait tout remporté. On avait une avance sur les autres et à partir du moment où on participait à une compétition, on se donnait les moyens de la gagner. On n’était pas du tout dans l’optique de faire de la figuration.

Par rapport à plein d’autres personnes qui se disent l’important, c’est de participer, nous, on se disait : « non ! L’important, c’est de tout défoncer ! ».

DWT : Vous avez choisi de fêter votre 20ème anniversaire aux côtés de Vagabonds Crew et Benji. Pourquoi ces choix artistiques ? (ndlr : suite à une blessure, Benji n’a pas pu être présent sur scène)
Hagson :
Ceux que nous avons invité à danser pour nos 20 ans, ce sont les gens qui nous ont marqué durant notre parcours. Par exemple, concernant les Vagabonds, certains de leurs danseurs étaient O’posse, un groupe de hyper, avec qui nous nous fightions déjà. Le battle du BOTY que nous avions fait en 2001 contre Vagabonds est entré dans l’histoire. Ca a été un des battle les plus forts, même pour nous au niveau émotion. On avait la dalle mais on se disait que s’ils passaient, on avait quand même bien charbonné. C’est notamment pour ça qu’ils sont dans le spectacle. Pour ce qui est de Benji, c’est pour des raisons underground on va dire. Le battle qu’il y a eu à Châtelet, Eddy contre Benji, il est dans l’histoire aussi ! Benji contre Junior, c’est pareil !
Kimson : Tout comme le combat de Mohammed Ali contre Joe Frazier est un classique, le combat de Junior contre Benji est un classique !
Hagson : Tous les b-boys vont s’en souvenir. C’était la guerre avant, contre Vagabonds et Benji. Mais on a grandi et ça va maintenant.

DWT : Est-ce que vous sentez un accueil favorable dans le milieu de la danse contemporaine ?
Kimson :
On a du fighter et imposer notre marque de fabrique au début. Il y a eu Black Blanc Beur qui a défendu sa troupe dans les théâtres nationaux puis plus personne. Ethadam est ensuite arrivé et est entré dans ce circuit avec une forme d’écriture contemporaine. Ce que nous voulions faire, et on est peut être les premiers à l’avoir fait, c’était d’y rentrer uniquement avec ce qu’on savait faire. Il n’était pas question pour nous de faire du hip hop sur du classique. On tenait à notre différence. Il n’était pas question de diluer ce que nous étions pour que la pilule passe mieux. On a insisté pour représenter notre musique, notre gestuel, notre savoir-faire, notre façon de s’habiller… Nous sommes des artistes à part entière et c’est pointu. Si aujourd’hui, vous pouvez voir des spectacles strictement hip hop dans les théâtres, c’est parce qu’on est passé par là et qu’on a eu l’intelligence de dire qu’on pouvait plaire à un public qui n’est pas le nôtre. C’était ça notre vrai challenge. On est capable de parler à notre communauté et d’être respecté mais faire plaisir à une grand-mère qui n’a jamais vu du hip hop ou des mecs comme nous de sa vie était le vrai challenge. Ces structures existent, pourquoi pas pour nous ? On est pro, on est arrivé, on a dit Wanted Posse et ça s’est bien passé. On tourne pas mal dans les théâtres nationaux. On représente même la France dans les consulats !
Hagson : On a un parcours dans les théâtres depuis 2003. On a tourné en Asie, au Viet-Nam, en Australie, un peu partout. On a 3 ou 4 spectacles de plus d’une heure donc on sait faire. Accéder à ce genre de structure nous a ouvert des portes et assure une autre visibilité. Ce que tu proposes aux programmateurs des théâtres ou des festivals peut fonctionner. Pour notre part, notre premier spectacle « Badmoov » nous a fait faire presque le tour du monde. On a beaucoup voyagé et à ce moment, c’était un autre ressenti, d’autres expériences, différentes de celles des battle. Nous avions pour objectif de mettre en avant notre savoir-faire.

Si aujourd’hui, vous pouvez voir des spectacles strictement hip hop dans les théâtres, c’est parce qu’on est passé par là et qu’on a eu l’intelligence de dire qu’on pouvait plaire à un public qui n’est pas le nôtre. C’était ça notre vrai challenge.

DWT : Qui occupe la place de chorégraphe au sein de votre groupe ?
Hagson :
Tous ! C’est ce qui fait aussi la richesse du groupe. Il y a plein de groupes qui sont spécialisés que break ou autre. Dans notre groupe, on fait tout. On a aussi bien des danseurs qui sont spécialisés mais aussi d’autres qui sont sur plusieurs danses. Le tout mélangé fait que cela donne une couleur différente. C’est notre originalité dans la création du mouvement. Les gens s’en rendent compte quand on est sur scène, d’autant qu’on se connaît depuis longtemps.

DWT : Pensez-vous que la destinée du jeune danseur contemporain qui a pris plus tard la direction d’un théâtre contemporain sera une destinée tout autant logique pour des danseurs de votre rang ?
Kimson :
C’est une évolution de passer derrière. Non pas pour passer décisionnaire mais pour avoir un regard artistique. Ca serait respectueux pour nous. De part notre parcours, on est un peu visionnaire. Notre place fait que nous savons ce qui pourrait plaire demain car il n’y a pas plus moderne comme danse que le hip hop. Le hip hop est en évolution permanente car il se nourrit de tout, même de ce qu’il n’aime pas. On n’écarte également pas la politique dans notre travail. Notre dernier spectacle traite d’ailleurs de l’importance qu’un peuple a à ne pas fermer sa gueule quand il est opposition avec ce qu’il vit.
Yugson : Occuper une place importante dans un théâtre ne tient pas juste à notre volonté. Ces décisions sont politiques. Le jour où l’on nous proposera un lieu, pourquoi pas ? On en rêverait mais cela ne dépend pas de nous. Ca fait 20 ans qu’on est là, qu’on fait le travail et ce n’est pas fini.