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Phil Barney est certainement le premier rappeur !

Interviews
Benny B, Koma

Dee Nasty venait acheter des disques chez moi. Toujours du respect pour lui parce que c’est un DJ interplanétaire. Dans les choix musicaux, il savait qu’il pouvait trouver ce qu’il faut chez moi.

Au début, il y eut le big bang, l’univers puis la formation de la Terre. L’apparition des dinosaures, l’ère glacière, les premiers hommes et puis rien de spécial avant l’avènement du hip hop notre royaume. Bon… Nous ne sommes pas véritablement sûr que tout se soit réellement passé comme ça mais une chose est sûre : le chanteur de variétés française, Phil Barney, rappait déjà à la radio fin 1981. C’était l’époque des radios libres, des prises d’antenne folkloriques, des lancements improbables car en ce temps là : « chacun fait c’qui lui plaît« , même le groupe Chagrin d’Amour avec ses phases de rap, aussi en 1981, sous influences de Debbie Harry et du morceau Rapture (sortie en novembre 1980). Vous nous direz et alors ? Qu’après tout, tout le monde s’était mis au rap en France : Dorothée, des musclés, Bézu, Lagaf, un saucisson sec, Philippe Manœuvre, des premiers sur le rock puis sur le rap, un Gynéco et même un Pro-Prié-Taire… Chers lecteurs : c’est vous dire ! Mais Phil a ce gros truc en plus que les autres n’ont pas : il est une encyclopédie de la black music à lui tout seul et en a favorisé l’émergence en France ! « Là où tu arrives, ça fait des années qu’il y midort » dit la punchline. Pour lui, pas besoin de pseudo street credibility pour t’expliquer la grosse fonk à papa ou que Marvin Gaye ait décidé de produire son premier album. Comme au temps des radios libres, bienvenue sur l’antenne indépendante DWT, label rouge 100% AOC, élevé au béton de la Seine Saint-Denis. C’est dans un matériau similaire mais d’un département limitrophe que Phil a grandi… Le 9-4, qui deviendra quelques décennies plus tard le berceau d’une mafia africaine… Est-ce un signe ? Laissez-vous conter la merveilleuse histoire de celui qui semble être le premier MC français…

Down With This : Dans quel contexte familiale es-tu né à Annaba en Algérie ?
Phil Barney : Absolument, je suis né à Annaba en Algérie à l’époque où c’était un département français. J’ai grandi dans une famille simple, mon père était tailleur, ma mère institutrice. Comme tout bon « feuj » qui se respecte, on était dans les fringues (rires). J’ai grandi dans une famille avec une double culture très orientale. Je parle arabe couramment. Ca se ressent chez moi avec mes influences musicales, dans l’utilisation des groove, des rythmiques, ca a été vraiment un atout. Cette double culture est enrichissante, pour les parfums, la cuisine, la musique ou juste le fait de ne pas avoir peur des gens, des coutumes, d’être ouvert sur les choses, les gens, tu flippes moins. Tu sais que c’est une culture qui vient de très loin et que les gens ont grandi avec ça. Ce qui ne veut pas dire que c’est un truc barbare ou quoi. Ma grand mère m’a un peu élevée aussi et elle utilisait beaucoup la langue arabe surtout quand elle était en colère après moi (rires). La savate et les gros mots partaient très vite !

Comme tout bon « feuj » qui se respecte, on était dans les fringues (rires). J’ai grandi dans une famille avec une double culture très orientale.

Phil Barney - Interview - Fleming Bonneuil 94 - DWT Magazine - Down With This

Quartier Fleming, Bonneuil-sur-Marne (94) – D.R.

DWT : C’est en arrivant d’Afrique que tu t’installes dans le Val de Marne ?
Phil Barney : Je suis arrivé le 18 juillet 1967, j’avais dix ans. Je suis né en 1957. Je n’avais jamais vu la neige, ni d’instruments de musique à part le violon que mes parents m’avaient obligé à apprendre avec un certain Monsieur Samut qui avait beaucoup de patience. Il a du mourir depuis le pauvre. C’était quelqu’un de super. Je ne savais pas du tout vers quoi je me destinais en rentrant en France. J’ai appris la batterie et la guitare. On habitait Bonneuil-sur-Marne (94, dans le quartier Fleming) mais il n’y avait pas de lycée, ni de collège. J’ai donc suivi mes études à Créteil avec un cursus normal jusqu’à la terminale. Ensuite, j’ai fait un BTS de chimie à Saint-Maur parce qu’il fallait bien faire quelque chose après le BAC. J’avais déjà des velléités de faire de la musique. Je ne voulais faire que ça et ne pensais qu’à ça avec le football qui me mangeait le cerveau. Je ne connais d’ailleurs qu’un seul club digne de ce nom, c’est l’Olympique de Marseille. Quand je suis arrivé d’Algérie, il y a eu un passage obligé par Marseille, dans une partie de ma famille en attendant que mes parents trouvent quelque chose et travaillent. J’ai joué plus tard au Samba Football Club, un club d’artistes avec Ginola, Olmeta, Francescoli, Daniel Bravo, des mecs super. Môme, je voulais aussi faire vétérinaire… J’ai commencé par la batterie mais pour jouer, c’était compliqué dans un HLM. Au niveau nuisance sonore, c’était moyen. A la MJC de Charles Vildrac, il y avait « Au Bonheur des dames » qui cartonnait. Il y avait une pièce avec une batterie à l’intérieur qu’on me prêtait. C’est les premières fois où mes parents m’ont laissé sortir pour les répètes. Pour moi, cette batterie orange était un trésor. Je faisais super gaffe, je la rangeais super bien. C’est à ce moment là que j’ai appris à faire gaffe à ce que j’avais. La première guitare que j’ai acheté, c’était une Épiphone, une sous-marque de Guitson. Je l’avais acheté mille balles avec mon père chez Paul Beuscher. Je l’ai depuis 47 ans, c’est un collector nickel et elle sonne vraiment bien. Je la vendrai pour rien au monde.

Sugarhill Gang 1980 - DWT Magazine - Down With This

Sugarhill Gang (1980) – D.R.

DWT : C’est bien le hit Rapper’s Delight qui te fait découvrir le rap ? Tu ne connaissais pas The Last Poets par exemple ou Blowfly avant ?
Phil Barney : J’ai toujours voulu faire de la musique mais je n’avais pas de thune. Je me suis donc mis à bosser dans un magasin de disques qui s’appelait Mini Club de Nuit au 42 boulevard du Montparnasse à Paris. On fournissait 650 clubs en France. Les trucs genre Imagination et toutes ces daubes-là, je n’ai jamais voulu passer ça. On m’avait dit qu’Imagination, c’était de la funk mais ça ne l’a jamais été pour moi. Toute la disco italienne, avec les Comanchero ou autres, ça me sortais par les yeux. J’étais une sorte d’OVNI dans le truc parce que je m’occupais que la musique black et funk. J’étais en communication avec Stratford et c’est moi qui commandait les disques par téléphone. Mon truc, c’était le grand funk et les premiers trucs qui sont arrivés sous le label Tommy Boy. Rapper’s Delight mais aussi Kurtis Blow, Grandmaster Melle Mel, toute cette mouvance là. Ca peut paraître présomptueux mais j’ai toujours imagé que de parler rythmiquement, c’était un style musical. Cela ne concernait personne, que moi dans ma tête… Mais quand j’ai été mis devant le truc, je me suis dit : « mais voilà, c’est ça ! ». Et le Rapper’s Delight avec le Sugarhill Gang, c’était ça ! Après, ce qui m’a marqué comme titre balaise, c’est « The Message » de Grandmaster Flash and the Furious Five. Je me suis dit : « c’est facile à faire », c’était des ricains un peu ghetto. Il y avait l’association du son de Stevie Wonder avec une fusion de vrais musiciens.

Les rappeurs que j’ai rencontré par la suite, c’était par l’intermédiaire de Sidney parce qu’il avait un groupe : Black White and Co.

Phil Barney - Sidney Black White and Co - DWT Magazine - Down With This

Sidney et son groupe Black White and Co avec Stevie Wonder – D.R.

DWT : Connaissais-tu d’autres rappeurs autour de toi ?
Phil Barney : Pas du tout. En France, il n’y en avait pas. Les rappeurs que j’ai rencontré par la suite, c’était par l’intermédiaire de Sidney parce qu’il avait un groupe, Black White and Co, qui était un peu le Caméo français avec des super musiciens comme Fred Montabord. C’était vachement important d’avoir quelque chose de crédible et à la hauteur de ce qu’il se passait chez les ricains. A part Black White and Co, il n’y en avait pas d’autres. Ils étaient invités permanent. On a fait l’Opéra Night. Ils étaient de tous les spectacles que je faisais. Soit à La Scala, le mercredi soir, soit l’Opéra Night et dans toutes les boîtes où j’œuvrais sur Paris. Il y avait des super DJ’s comme Marco Polo. J’étais dans cette mouvance-là, bien avant Radio 7 et que Sidney ait son émission. Donc je peux dire que je suis le précurseur de cette mouvance musicale. J’étais dans le funk à fond de 1979 à 1982, j’étais dans le vrai sens de la black music. Pour moi le précurseur, c’est James Brown. C’est lui qui a tout inventé, en découvrant des rythmiques qui sont encore aujourd’hui utilisées par les mômes du hip hop et du r’n’b. Le godfather porte bien son nom. Tous les blacks sont arrivés après : Larry Blackmon, Parliament Funkadelic avec Georges Clinton. Pour moi, c’est ça la base. Le rap, c’est la continuité de ce mouvement. C’était pour moi les punks du funk. J’ai été DJ en club et j’ai ramé comme un mort parce que dès que je mettais cette musique tout le monde se barrait de la piste. Je me suis obstiné parce que je pensais que c’était bon. J’étais très élitiste. J’ai toujours passé de la qualité, On ne pouvait pas dire que ce n’était pas bien. Je n’ai jamais souscrit à la soupe de tout ce qu’on voulait entendre dans les clubs et pourtant j’étais DJ. Aujourd’hui, c’est n’importe quoi.

J’avais besoin d’écrire, je n’étais pas un improvisateur comme Lionel D ou des mecs comme ça. Les mecs faisaient des battles avec un talent fou.

DWT : Tu t’entraînais à cette discipline du MCing ?
Phil Barney : Je retrouve parfois des cassettes trente ans après en faisant des galas. Le MC, je ne savais même pas ce que cela voulait dire. Le rap, j’en faisais toute la journée sans le savoir ! J’avais besoin d’écrire, je n’étais pas un improvisateur comme Lionel D ou des mecs comme ça. Les mecs faisaient des battles avec un talent fou. J’étais déjà passé à autre chose à cette époque. Je voulais aller plus loin en créant des chansons. J’avais eu le filon des skeuds à New York, donc je les jouais. Je n’ai été qu’une goutte d’eau dans l’océan. De toute façon, la vague serait arrivée, plus tard peut-être, mais elle serait arrivé quand même.

Phil Barney - DWT Magazine - Down With This

DWT : Raconte-nous l’année que tu as passé dans la radio associative Carbone 14 à Paris…
Phil Barney : C’est ce qui m’a servi de fusil à pompe. J’étais dans cette radio pour passer de la black music et quand le rap est arrivé je me suis dit c’est un mouvement black music énorme et j’ai vraiment voulu lâcher les chiens là-dessus. J’étais responsable d’une tranche assez importante et dans cette émission je voulais absolument passer des nouveautés. J’étais imbattable avec Stratforf, j’avais les news. C’était tous les jours, une radio 24 heures sur 24, rare pour l’époque. Tout le monde pouvait intervenir sur les émissions de tout le monde. C’était un bordel énorme mais organisé. Mon émission au début s’appelait « Get up, Stand up » le matin très tôt de 6 heure à 9 heure. Après je faisais la technique sur une émission de variété française. Je vais dire une connerie mais on a vraiment tout inventé à Carbone 14. C’était une radio proche des gens avec des émissions comme « 50 millions de voleurs ». C’était des anarchistes fous furieux. On vendait du shit à l’antenne, on invitait des meufs. Un soir, je faisais la technique avec Jean-Yves Lafesse et il demande à des filles de venir en chemise de nuit à la radio. Quatre meufs arrivent en taxi et dans le lot, il y avait une rebeu qui me parle d’Annaba. Elle me dit qu’elle est de là-bas, moi aussi. Elle me parle d’une institutrice de qui elle se souvient et me dit le nom de ma mère… Je lui ai dit « mais je suis son fils ! » et elle s’est mise a pleurer. Elle n’osait plus me parler. Elle s’est dit : « je viens à Paris pour me lâcher en chemise de nuit et il y a le fils de mon institutrice ! ». Elle était de toutes les couleurs de honte. C’est un beau souvenir. Le propriétaire de la radio, c’était une sorte de mafieux corse qui tenait le truc, Dominique Fenu. Une sorte de tyran monstrueux qui avait l’intelligence de nous laisser faire ce qu’on voulait à la radio. Michel Fiszbin, un fils de député communiste dissident, avait été en charge de monter cette équipe avec des gens qui avaient tous un certain talent. Moi, c’est un copain d’enfance avec qui je rodais dans la cité qui m’a fait rentrer, Philippe Merlin, que tout le monde appelait « Perluche ». Il était imitateur avec des trucs hyper marrant. Il m’a dit : « j’ai vu une annonce dans Libé, je dois amener une cassette pour être pris à Carbone, est-ce que tu veux me faire les sons ? ». Bien sûr, j’ai envoyé le Funk ! Entre les trucs, il faisait des imitations en racontant des conneries. C’était Rires et Chansons avant tout le monde. C’était la libération de la FM, on s’est dit on va être précurseurs sur énormément de style de musique, notamment le Funk. Après mon passage, j’ai continué la musique mais quand on m’a proposé de jouer avec Marvin Gaye, je suis parti de Carbone 14, j’ai dit : « bon allez les gars, je vous écrirai, je vous raconterai ! ».

J’ai continué la musique mais quand on m’a proposé de jouer avec Marvin Gaye, je suis parti de Carbone 14, j’ai dit : « bon allez les gars, je vous écrirai, je vous raconterai ! ».

DWT : Le Slogan de Carbone 14 était « La radio qui vous encule par les oreilles » et ton émission « Salut les salauds » étaient assez vulgaires en fait…
Phil Barney : Un des slogans était « Radio Carbone 14, la radio des tronchés ». Le morceau existait, je le trouvais sympa et en rapport avec l’esprit de la radio. Je faisais tout un rap en disant : « Salut, c’est salut les salauds, bienvenue à tous ». Je trouvais ça super drôle de rester là-dessus. Je n’ai jamais étais grossier à l’antenne. Ma démarche était musicale avant tout. Ca n’a jamais été de parler de cul. J’étais content d’être là et ça me faisait marrer. Des fois, je rentrais chez moi à 5 heures du mat, je mettais la radio dans mon lit et je me rhabillais pour y retourner. C’était no limit. On était avec Fréquence Gay et Ici et Maintenant, toutes c’est radios de dingos. On a annoncé la mort de Mick Jagger à l’antenne, on s’est fâchés avec l’AFP. On n’avait pas le droit aux pubs. Il y avait aussi Nova mais c’était trop la déglingue pour nous, c’était compliqué. Si t’as pas d’aspirine, tu as mal à la tête avec Nova.

Les français ne voulaient pas produire ce genre de musique et se disaient : « de toute façon la vague américaine arrive, on ne pourra pas les concurrencer ». On n’avait pas les mêmes moyens pour le faire.

DWT : Tu connaissais Wallis Franken, le top model germano américaine qui rappe « Salut les salauds » avec le groupe Interview ?
Phil Barney : Je les ai croisé dans une soirée parisienne. Il y avait une fille et deux mecs je crois. C’est eux qui ont fait ce titre. C’était un mec qui s’occupait de la nuit qui a produit ce morceau à l’époque du Palace et des Bains. Je trouvais que le morceau en lui même était terrible. On n’avait pas suffisamment de productions françaises. Les français ne voulaient pas produire ce genre de musique et se disaient : « de toute façon la vague américaine arrive, on ne pourra pas les concurrencer ». On n’avait pas les mêmes moyens pour le faire. On n’avait pas suffisamment d’influence américaine pour avoir un vrai style en France. Le seul truc, c’était d’en passer et c’est ce que je faisais.

DWT : Parlons de ton éphéméride rappé quotidiennement sur la télévision RTL TV…
Phil Barney : J’étais présentateur télé. Je devais faire un truc sur le Saint du jour et je le faisais en rap. J’avais composé cinq titres : du lundi au vendredi. Je faisais l’éphéméride en rap ! Si tu disais « vachement », t’avais le téléphone qui sonnait pour te demander de châtier ton langage. C’était à La Villa Louvigny au Luxembourg. J’ai bossé dans une unité de production dans le 15ème arrondissement de paris avec la fille de Monsieur Grass, la fille du big boss de l’époque. Il y avait aussi deux heures d’émission à fournir en hebdo tout les dimanches. C’était un gros travail. J’avais même fait une rubrique qui s’appelait « t’as le look coco » dans laquelle je faisais un parallèle avec les fringues, où tu allais manger et ce que tu écoutais comme musique. Je suis même allé dans des cités pour le rap…

DWT : Lesquelles ?
Phil Barney : Chez moi, à Fleming, Bonneuil-sur-Marne. Ce qui a tout ruiné, c’est la dope. Les bastons, c’était encore à la main. Les vols de mobylettes, c’était juste pour changer les pièces et encore… On avait surtout peur de se faire défoncer par nos parents. Quand on rentrait à la maison, on rentrait dans le rang. A chaque fois que j’ai pu parler du rap et de cette culture, je l’ai fait. Je trouvais que c’était intéressant. Et d’ailleurs RTL ne m’a jamais fait chier pour ça. Ils étaient d’accord. Je faisais des raps sur des prénoms improbables, va faire du rap sur Cunégonde ou Eusèbe. Il faut que sa rime en plus.

A chaque fois que j’ai pu parler du rap et de cette culture, je l’ai fait. Je trouvais que c’était intéressant. Et d’ailleurs RTL ne m’a jamais fait chier pour ça.

DWT : Que pense tu des autres émissions de l’époque sur Radio 7 avec Sidney et Gangsterbeat et du Benny Show sur RDH avec Speedy Dan One et Ben ?
Phil Barney : Je trouvais ça vachement bien. Je n’étais plus dedans donc je n’étais pas en concurrence avec eux. Je suis allé le voir à L’Émeraude et au Rayon Vert, rue de la Contre Escarpe. Il fallait connaître ces deux boîtes. Et Marco Polo qui bossait au Rose Bonbon, qui était aussi une super boîte. Je connaissais aussi DJ Chabin, lui c’était du sérieux. A la limite, j’étais fier que cette idée soit semée et en même temps, pour moi, Sidney c’est la plus grande référence musicale de la black music que je connaisse. De Minnie Riperton à Rihanna, il connaît tout !

DWT : Meilleur qu’Olivier Cachin ?
Phil Barney : Olivier Cachin, il court derrière (rires). Sidney c’est le roots, le mec dans la rue avec les disques sous le manteau et qui allait chercher les trucs. Cachin, c’est juste lui qu’on invite pour parler de ça dans des endroits bien pensants. C’est le plus voyou des bien pensants on va dire… Donc il y a eu toute cette mouvance de précurseurs dont j’ai fait parti humblement sans savoir ni pourquoi, ni comment. Après toutes les émissions sur Radio 7, c’était Radio France, donc on est rentré dans les institutions… Sidney a beaucoup apporté au niveau de la programmation, de ses invités et au niveau de l’improvisation du rap, des battles. Tout ça c’était vachement bien. C’est ce qui l’a lancé pour animé ensuite l’émission H.I.P. H.O.P.

Les gens ne l’avaient pas pris comme un mouvement musical mais comme une mode où il fallait avoir les lacets, marcher comme ça avec le survêtement et se rouler par terre alors que ce n’était pas du tout ça.

DWT : Tu as juste accroché au rap ou plus globalement à ce qu’on a appelé le hip hop avec toutes ses disciplines ?
Phil Barney : J’ai accroché au rap surtout au départ. Après l’émission de Sidney, malheureusement pour moi, les gens ne l’avaient pas pris comme un mouvement musical mais comme une mode où il fallait avoir les lacets, marcher comme ça avec le survêtement et se rouler par terre alors que ce n’était pas du tout ça. C’était juste un petit satellite de la musique hip hop. Sidney s’est laissé manger par ça malheureusement. Je peux lui dire en face. Je le respecte grave, c’est mon maître, je l’aime. C’est mon poto mais il aurait du être beaucoup plus haut que ça. Malheureusement, c’était l’après-midi au même titre que le Club Dorothée alors que ça méritait une place beaucoup plus importante. Il a fait venir Afrika Bambaataa sur l’esplanade du Trocadéro, des trucs que les français ne pouvaient pas comprendre parce que ça ne correspondait à rien dans nos racines. Nous n’avons pas un problème de blacks en France. On a quoi dans l’histoire de la musique française ? Un tambour et un accordéon ? Pas de country, pas de blues, on a pas eu toute la souffrance des champs de coton qui nous ont amené jusqu’à toute cette mouvance musicale. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, on te dit : « tu veux combien pour faire un album ? ». On te donne les moyens de le faire, après à toi de prouver que tu le mérites. En France, on te donne trois francs six sous et tu dois concurrencer des gens qui sont au top niveau. Comment peux-tu avoir le niveau d’un Bruno Mars ? C’est impossible.

Stars 80 Phil Barney - DWT Magazine - Down With This

DWT : Tu as assisté à la tournée New York City Rap ?
Phil Barney : Pas du tout. Moi j’ai tourné un bouton. C’est tout ce que j’ai fait. J’ai allumé au début une chandelle dans le tunnel et puis tout les autres après sont parti. Ca a ouvert la porte. Ca a donné la parole a travers le rap et le hip hop. Certains écrivaient très bien, les Solaar, les IAM mais les NTM aussi qui avaient un vrai discours. Au début on les a pris pour des barbares mais quand on a gratté un peu le vernis en interviews, on vu qu’il y avait un vrai truc. Ils font du cinéma, ils ont de vrais gueules. Qu’ils soient allumés, ce ne sont pas les premiers, qu’ils prennent des produits, on s’en fout, ce n’est pas ça qui compte.

DWT : Tu allais au Bataclan avec Sidney ?
Phil Barney : Oui j’y suis allé. J’y ait même fais des soirées. Je n’étais plus vraiment dans le truc mais je savais que Sidney l’était. J’étais entre les deux. Honnêtement, s’il y a un mec dans ce pays qui est un phare de ça et qui brille, c’est lui. Je suis arrivé avant lui parce qu’il avait un groupe. Je suis arrivé à Carbone 14 par hasard pour faire du funk et le rap est arrivé à moi donc j’ai ouvert les robinets mais Sidney, il avait la vraie culture. Il savait déjà des choses. Il l’a popularisé de manière plus scientifique, plus intelligente. Moi j’envoyais tout ce que j’avais avec des : « ça c’est bien ! ». C’était important parce qu’il fallait y aller mais lui il a fait le truc en plantant vraiment les bases. Le Bataclan, c’était noir de monde si on veut faire des blagues racistes (rires). Le truc était là. Je faisais des soirées blacks à La Scala le mercredi soir alors qu’ils ne pouvaient pas rentrer. C’était Monsieur Molina le patron. On était obligé de demander aux blacks de venir habillé façon milord pour les laisser rentrer et ne pas avoir peur de je ne sais quoi. C’était vraiment le miroir de ma programmation radio sur un dance floor. On s’en foutait des mixes, le plus important, c’était la programmation. Après, Deenasty est arrivé !

Dee Nasty était venu au Byblos, une boîte à Mantes-la-Jolie où j’avais fait le son. Il mettait des sacs en plastiques à la place des feutrine pour que sa glisse mieux. Il a scratché avec tout ce qu’il pouvait.

DWT : Quelles étaient tes relations avec DJ Dee Nasty ?
Phil Barney : Dee Nasty venait acheter des disques chez moi. Toujours du respect parce que c’est un DJ interplanétaire. Dans les choix musicaux, il savait qu’il pouvait trouver ce qu’il faut chez moi.  Il a même fait le championnat du monde des DJ’s. Dee Nasty était venu au Byblos, une boîte à Mantes-la-Jolie où j’avais fait le son. Il mettait des sacs en plastiques à la place des feutrine pour que sa glisse mieux. Il a scratché avec tout ce qu’il pouvait. Il était livreur et je lui disais : « putain mais il ne faut pas que tu soit livreur, prend un manager et devient ce pourquoi tu es fait ! ». C’est toujours les problèmes de thune en France mais le mec a su s’imposer dans une discipline.

DWT : Et ton flow vient d’où ?
Phil Barney : J’en sais rien c’était caché derrière en fait. C’est arrivé quand c’est arrivé. J’ai de la tchatche. Je suis speed. T’es tight sur le tempo et ça vient !

J’ai rappé en studio et le medley disco a été nominé aux Discos d’Or présenté par Yves Mourousi au Casino de Paris. Premier rap, c’était tout neuf, ça n’existait pas.

DWT : Parlons de ton premier enregistrement rap avec le titre des New Paradise en 1983.
Phil Barney : C’est le mariage de la carpe et du lapin. Les New Paradise c’était un groupe de disco avec trois jolies filles, je ne suis même pas sur que c’était elles qui chantaient sur les disques. C’est un producteur qui avait signé chez Vogue, mon premier producteur avec premières chansons. Un rock west coast et en face B un reggae. Il m’avait entendu à la radio, il m’avait dit : « comme tu rappes, est-ce que tu ne voudrais pas faire une intro rap pour un medley disco qu’on va faire ? ». Je l’ai fait parce que ça me permettait de chanter sur scène et que les meufs étaient jolies. J’ai rappé en studio et le medley disco a été nominé aux Discos d’Or présenté par Yves Mourousi au Casino de Paris. Premier rap, c’était tout neuf, ça n’existait pas.

DWT : Ca va peut-être t’énervé mais il y avait eu le groupe Chagrin d’Amour avant toi (composé de Jean-Pierre Trochu aka Grégory Ken, décédé, et de Valli Timbert américaine né à New York).
Phil Barney : Ca ne m’énerve pas. Ca a été effectivement diffusé. Le morceau est bien, on le chante encore aujourd’hui mais ça n’a rien à voir. C’est du rap sans être du rap. C’est le premier qui a marché. Le mouvement rap a mis combien de temps à arriver entre Carbone 14 et les premiers titres de Solaar ? Moi j’ai amené le rap en 1981 donc neuf, dix ans avant que ça existe vraiment et qu’on considère que c’est un vrai mouvement musical. Je l’ai fait parce que c’était dans mon ventre. Moi aussi je regardais les ricains, je n’ai rien inventé. Quand j’écoute le flow de « Salut les salauds » et celui des mômes d’aujourd’hui, ça n’a rien à voir. Ce n’est plus de l’Alexandrin, ils coupent au milieu, ils font des relances sur une rime de la phrase d’avant. Je trouve ça super. C’est pour ça que j’aime bien Youssoupha, Sinik, Rohff au delà du discours qui est parfois trop hargneux. Soprano j’adore, je respecte.

DWT : Dans le même genre, que penses-tu du titre rappé « Wally Boule Noire » de François Feldman ?
Phil Barney : Je connais bien François, je suis avec lui sur tournée Stars 80. C’est une vielle histoire. On a été signé ensemble chez Mercury pendant de nombreuses années. On s’est pas mal tiré la bourre sur les trucs genre Top 50. C’est un gars qui a beaucoup de talent. C’est un vrai grooveur. Il m’a ressorti des vieux dossiers que j’ai réécouté. Il a le sens du groove. J’ai toujours était fan de François, dès le départ. Sa musique était dans l’esprit de ce que je voulais. Il faut plus d’artiste comme ça en France. Lui il faisait vraiment parti de ceux qui assuraient.

DWT : Son rap, tu en penses quoi ?
Phil Barney : Heu… Joker. Je ne veux pas dire du mal. Il toujours été un bon compositeur et un groove.

DWT : Quel rapport entretiens-tu avec le vinyle depuis l’époque de la boutique Mini Club de Nuit au 42 boulevard du Montparnasse ?
Phil Barney : C’était un tout petit bouclard. On était aussi sur les Champs-Élysées au 34, dans la galerie. On continuait de faire de l’import-export de disques américains, new yorkais avec Stratford. On fournissait les clubs par correspondance comme à l’Élysée Matignon et tous les clubs branchouilles classieux de Paris. Les mecs sortaient des liasses de billets pour avoir des cassettes de ces DJ’s. Il y avait aussi Champs Disques. Nous, on était plus pointu. J’ai environ 4 500 vinyles.

DWT : Que penses-tu des DJ’s issus du hip hop et de leurs techniques à base de mix, cut et passe passe ?
Phil Barney : Pour dire la vérité, je suis dépassé. Je les regarde faire, je suis super impressionné. Ce n’est plus du tout la même technologie. Je suis très admiratif mais je n’utilisais pas les mêmes trucs. On avait des consoles normales avec des pré-écoutes. Je mixais avec trois platines au Byblos. Mon show été surtout dans le chant avec mon rap sur les disques. Ca m’arrivait de faire du scratch. Je poussais les tirettes. Jai lâché l’affaire, aujourd’hui je suis dans un monde de musiciens. Je joue beaucoup et j’ai un studio chez moi. J’ai une structure à la maison qui me permet de faire énormément de choses. Je produis avec un anglophone, le fils de Gordon Henderson. J’ai même produit un groupe de ragga « Roots Intention Crew » et des musiques urbaines. Le mouvement hip hop a amené cette utilisation de samples.

On avait fait venir les premiers breakdancers : Rock Steady Crew avec Mister Freeze et son moonwalk. Il est venu à La Scala un mercredi soir mais tous ces gens-là sont passés totalement inaperçus car ce n’était pas l‘endroit pour ça.

DWT : On va parler de l’ambiance de la boîte de nuit ou tu mixais, « La Scala »…
Phil Barney : Il y avait un DJ, Bernie N’Guyen, à qui j’ai écris un rap qui est sorti avant Chagrin d’Amour mais comme leur titre a cartonné, c’est celui là qui est passé. Il s’appelait Bernard Givan, une histoire sordide de la nuit. Il a un imper et un chapeau, un métis black asiatique. Il était amoureux de Mathilda May à l’époque. Il mixait à l’avant soirée et moi j’amenais toute la programmation de Carbonne 14 pendant deux heures et lui reprenait après. Le but était de faire danser les gens. C’était blindé sur trois étages. On avait fait venir les premiers breakdancers : Rock Steady Crew avec Mister Freeze et son moonwalk. Il est venu à La Scala un mercredi soir mais tous ces gens-là sont passés totalement inaperçus car ce n’était pas l‘endroit pour ça. C’était des profanes, les gens n’en avaient rien à carrer. Ils voyaient des types danser hyper bien sur de la musique Funk. Ca faisait un show. C’était une vraie culture, il n’y avait pas seulement la musique. Il faut bien que des gens ouvrent les fenêtres. C’était avant le break. Ils n’étaient pas encore par terre. Ils faisaient des trucs de robots, des waves. Ca surprenait tout le monde parce que c’était neuf !

DWT : Ton fils écoute du rap ?
Phil Barney : Il a treize ans et il n’écoute que ça. Aujourd’hui, son oreille est pervertie par la radio. Il est branché Black M comme tous les gosses. Mais Black M, je suis désolé, je n’y arrive pas. C’est quinze fautes de français à la seconde, c’est des images les pieds dans le gazole. Il y a une vraie incidence sur les mômes. Je respecte ça mais je dit on peut mieux faire quand même.

Youssoupha par exemple, c’est du lourd. Il y a des formules un peu faciles mais en gros, il y a une vraie démarche d’écriture. (…) Soprano, lui, je trouve qu’il a amené de la fraîcheur.

DWT : Quels conseils pourrais-tu donner aux rappeurs actuels ?
Phil Barney : Maître Gims avec Sexion d’Assaut, je trouve ça proche du P-Funk mais tout seul, il fait du Frédéric François avec sa voix de black. Il chante super bien mais il fait le championnat du monde du plus gros portefeuille. Il est plus du tout dans la black music et encore moins dans la musique urbaine. Il fait de la variétoche de chez variétoche. Il crache sur les chanteurs de variété mais il fait exactement la même chose. J’ai beaucoup bossé avec Kore et Scalp. J’ai essayé d’écrire des punchlines avec élégance. Kore est un génie qui travaille super vite. Scalp produit sa femme Indila. C’est un killer. Ce qu’il manque à cette musique, c’est la consistance dans l’écriture. On nivelle vers le bas. Youssoupha par exemple, c’est du lourd. Il y a des formules un peu faciles mais en gros, il y a une vraie démarche d’écriture. C’est un regard lucide sur la vie de la banlieue. Ca tourne toujours un peu en rond à ce niveau là. Soprano, lui, je trouve qu’il a amené de la fraîcheur. Il y a des mecs qui ne sortent pas de leurs banlieues alors qu’avoir plusieurs cultures est d’une richesse folle.

DWT : Si tu devais partir dans une tournée Stars 80 spécial rappeur, tu choisis qui pour t’accompagner ?
Phil Barney : Sidney en rap mais aussi Solaar comme MC présentateur. NTM si on pouvait, IAM parce que c’est les plus grands mais aussi Rohff, Youssoupha, Sinik, Soprano. Mais Stars 80, c’est un OVNI au milieu de tout ça. On fait le Stade de France, toutes les dates sont complètes. Après t’es prisonnier des succès… Avec « Un enfant de toi », même mes potes d’écoles m’ont dit : « mais qu’est ce qu’il t’es arrivé ? ». Ils pensaient que c’était une histoire vraie et que j’en avais fait une chanson alors qu’ils m’ont connu dans le groove (rires).

B.E.2N, FC Brussels

Interviews
Benny B, BRC, Daddy K, Perfect, Vous êtes fou !

C’est normal et légitime que des groupes comme NTM, Assassin ou IAM voulaient ma mort, ils avaient envie de se faire connaître ! Nous, on était numéro 1 en France alors qu’on venait de Belgique, ils avaient de quoi devenir fous ! (rires)

Pour ce 1er avril, ce n’est pas un poisson mais LE gros poisson du « rap game » français du début des années 90 qui débarque sur le plus ancien média hip hop hexagonal. Son nom à lui, c’est bien Benny B ! Signe du destin, nous l’avons retrouvé à Gare du Nord, à quelques pas de Stalingrad… Déroutant, on vous l’accorde. Il ne faisait pas partie des artistes que nous souhaitions voir ou revoir en relançant notre titre sur le net. On aurait pu continuer à l’occulter ou faire un raccourci en le décrivant comme un clown grotesque caricaturant notre culture. On se le disait en 1990, au début de sa courte carrière, mais notre esprit critique s’est un peu affiné avec le temps… Nous avons donc décidé de remonter bien avant les Gynéco, Yannick, La Fouine et l’affreuse Skyrock afin d’en savoir un peu plus sur ce qui l’avait conduit au sommet de la variété française. Malgré un bon DJ à ses cotés, Benny B marquera l’histoire uniquement par son classement dans les charts mais jamais par la qualité de sa musique. Force est de constater qu’aujourd’hui, beaucoup d’autres suivent la même voie mais vocifèrent avec une attitude bien plus grotesque. Quand on y repense, sa musique avait eu au moins le mérite de ne pas nuire aux plus jeunes.
 Alors, pas assez hard-core à votre goût le belge ? Phénomène de foire ? Coup monté de maison de disque ? Vrai passionné de hip hop ? Nous avons réussi à remonter pour vous la terrible filière du rap-variété. Et nous n’avons pas eu besoin du salaire de Bernard de La Villardière pour nous motiver. Ah non, c’est vrai… à l’époque sur M6, c’était plutôt Olivier Cachin, le vendeur de cacahuètes… D’ailleurs, Rap Line avait fait l’erreur de ne pas réaliser la seule interview à la hauteur de son ex-présentateur. En voici une explicite, très exclusive.

A l’époque, quand il y avait un problème, c’était réglé avec beaucoup de respect. (…) Ça pouvait déborder mais ce n’était jamais comme aujourd’hui où il y a maintenant beaucoup de lâcheté.

Down With This : Comment se déroule ta jeunesse ?
Benny B : Je suis originaire de Tanger, Maroc. Mon père a quitté son pays avec sa femme et six enfants pour aller en Belgique. C’est important pour moi parce que ça m’a permis d’avoir une histoire. Je viens d’une classe moyenne, mon père est ouvrier. Ma mère ne travaillait pas pour pouvoir s’occuper de ses neuf enfants, six garçons et trois filles. Elle nous a donné une magnifique éducation. Il y a tout de même quelques sorties de route… un de mes frères, devenu toxicomane, est décédé d’une overdose quand j’en avais 12 ans. On a grandi dans le quartier Maritime, un quartier populaire de Molenbeek, à forte tendance maghrébine. C’est à côté de Bruxelles, là où sont regroupés beaucoup de marocains. J’en parle d’ailleurs dans mon premier texte « Vous êtes fous ! » dans lequel je raconte que c’est « un quartier mal fréquenté ». La police était tout le temps là. Il y avait de la violence, mais rien de comparable avec la violence gratuite d’aujourd’hui. A l’époque, quand il y avait un problème, c’était réglé avec beaucoup de respect. On parlait d’abord, on essayait de mettre les deux personnes concernées en face, en confrontation. Ça pouvait déborder mais ce n’était jamais comme aujourd’hui où il y a maintenant beaucoup de lâcheté. Avant, c’était avec les mains, en face-à-face, sans armes et souvent pour des raisons valables, des codes d’honneur qu’on a perdu aujourd’hui.



DWT : Ton parcours est finalement similaire à ce que beaucoup de jeunes ont vécu en France…
Benny B : Il y a des quartiers partout. Ce sont des problèmes qui concernent tout le monde. J’ai une culture de quartier. J’ai une culture de mâle, avec du machisme. Quand tu as six frères plus grands et plus costauds que toi, ça renforce. On est des hommes fiers. Mon père était aussi un homme fier. Le fait qu’il ait pris sa famille pour monter en Belgique veut dire que c’était quelqu’un de déterminer. J’ai gardé ça de lui. Dans la rue, on est respectés et on respecte tout le monde. On était surtout bien entouré, on avait pleins de potes. On n’a jamais dit du mal de quelqu’un, c’était une mentalité. Dans notre famille, on s’est toujours bien entendu.

DWT : D’ailleurs, tes grands frères te feront accéder tôt au contact de la musique…
Benny B : Certains de mes frères étaient videur de boite, portier, barman… Je suis donc parti très tôt en club, vers 14/15 ans. J’allais dans les soirées. J’ai commencé à écouter les sons de mes frères qui ont baigné dans la soul. Ca m’a aussi ouvert les yeux par rapport aux femmes. Ca m’a permis de connaître la vie et surtout le milieu de la rue.

DWT : Quel a été ton premier contact avec le hip hop ?
Benny B : L’émission française H.I.P H.O.P de Sydney en 1984. On jouait dehors, on faisait des matchs de foot, on pouvait être n’importe où… mais quand cette émission commençait, on rentrait direct à la maison pour la regarder ! Sydney, pour moi, c’est une icône. Je trouve qu’on ne parle pas assez de lui, surtout dans le milieu de la danse. Le mec a apporté beaucoup de choses dans son émission. Il a été le premier à faire des leçons de danse, faire connaître des gens d’aujourd’hui qu’on voyait déjà dans son émission. C’est le premier phénomène qui m’a attiré vers le mouvement hip hop, bien qu’à la base, j’ai commencé par tagger «Benz» sur tout ce que je voyais, les poubelles, le métro, tout. D’ailleurs, je devais changer mon nom parce que dans le quartier, Benz devenait trop connu (rires). Benny est arrivé après. J’avais vu dans les crédits d’un maxi le nom de Benny B écrit dessus et je me suis dit que j’allais m’appeler comme ça.

Une culture est la même partout si elle est bien respectée, même si elle vient d’ailleurs. C’était le même phénomène en France mais à cet âge là, on était trop jeune pour penser que d’autres faisaient ça en même temps que nous.

DWT : Comment as-tu alimenté ton attirance vers cette culture après l’arrêt de cette émission la même année ?

Benny B : Je m’intéresse à cette culture, j’écoute mes premiers Grandmaster Flash, je danse sur des cartons dans la rue. La Belgique est petite, Bruxelles aussi. On dansait debout, on faisait que ça avec Serge « Perfect » que je connais depuis l’âge de 5 ans. On était à l’école ensemble. Daddy K habitait aussi à Molenbeek, dans un quartier un peu plus résidentiel. On l’a rencontré quand on avait 14 ans, dans un endroit mythique de chez nous : une cathédrale à Bruxelles qui s’appelle la basilique de Koekelberg. C’est une des plus grandes cathédrales du monde avec une espèce de grande coupole et des escaliers en pierres bleues. Tous les entraînements de break, tous les défis se faisaient là-bas. Tant qu’il n’y avait pas trop de bruit ou de problèmes, on pouvait y danser. On y a donc rencontré Daddy K qui s’entrainait et faisait des battle là-bas. Il était membre d’un groupe, les Dynamic Three, c’étaient des champions. Daddy K était très fort en break mais c’était aussi un des meilleurs DJ de Belgique. On sortait ensemble, on allait dans les clubs, on faisait des démonstrations et surtout on choisissait des coins en ville pour aller danser. On mettait notre casquette par terre pour ramasser de l’argent et aller manger au Mc Do avec. On s’est lié d’amitié. J’ai donc commencé comme ça. Une culture est la même partout si elle est bien respectée, même si elle vient d’ailleurs. C’était le même phénomène en France mais à cet âge là, on était trop jeune pour penser que d’autres faisaient ça en même temps que nous.



DWT : Comme en France et dans d’autres pays, la danse semblait être le phénomène majeur du hip hop à ses débuts en Belgique ?

Benny B : A la base, je suis danseur. Il faut savoir qu’en ce temps-là il y a une très grande complicité entre les français et les belges. Il y avait beaucoup de battle de danse et les français venaient souvent en Belgique à l’époque. On avait une très grande avance en danse par rapport à eux. Je me souviens d’un groupe de français, les Black Blanc Beur : superbe ! Ils étaient très connu en France. Il y avait aussi les Aktuel Force. Solo aussi qui était dans l’émission H.I.P. H.O.P., très fort. Nous, on avait aussi un groupe très connu en Belgique : les Magical Band. Il y a eu des moments mémorables au temps de la danse (rires). Un jour à la basilique, on devait être entre 2000 et 3000 personnes : l’armée avait été envoyé en pensant que c’était une émeute ! Tout le monde est parti en courant dans l’immense parc d’à côté (rires). Il y avait plein de groupes. C’est bien simple quand les français ne venaient pas à nous, c’est nous qui allions à eux ! On prenait le train pour aller à Paris en fraudant. C’était des trucs de fous. Vous voyez des gars qui ont créé des mouvements de danse, vous les connaissez et vous les voyez les reproduire. C’est comme l’invention de la voiture ces mecs là. Aujourd’hui, quand tu parles à un petit, il te dit qu’il regarde des clips où il y a de la danse. Il apprend mais il n’étudie pas. A notre époque, il fallait travailler, on découvrait le hip hop, on inventait cette danse. La mentalité des battle de l’époque n’était pas comme celle d’aujourd’hui. Il y avait une espèce de rage mais aussi du respect. Aujourd’hui, c’est différent même si les danseurs sont des extraterrestres par rapport aux grandes évolutions qu’on a eu. Et puis petit à petit, en plus de la danse, j’ai été le premier à amener le rap dans un groupe, le premier à rapper sur un instrumental alors que les autres dansaient et tapaient encore dans les mains.

Perfect, Benny B & Daddy K (1991) © DR

DWT : Comment en arrives-tu précisément à glisser de la danse vers le rap et l’écriture ?
Benny B : Le fait de commencer par la danse avec Afrika Bambaataa et tout, ça entraine un premier réflexe : apprendre par cœur les textes de rap américain. Je découvre, je commence à rapper des textes en phonétiques. Comme tous les jeunes, je ne pige pas grand chose en anglais. Et d’ailleurs, vous allez avoir un scoop : à la base, j’écris mes textes phonétiquement comme je les entends ! (rires) Je commence donc à rapper comme ça, en phonétique anglais. A un moment, comme des français viennent en Belgique, j’entends parler du rap français. Il faut bien comprendre qu’on parle d’une époque où il n’y a pas d’émissions de radio ou très peu. Il n’y a pas de téléphone portable GSM. Internet n’existait pas. Il n’y avait rien. Mais des cassettes commencent à circuler et un jour, un copain m’en ramène une de Lionel D ! Je découvre en même temps DJ Dee Nasty : des références quand même ! Donc vers 1985, j’entends parler du rap français mais c’est encore un rap qui n’est pas commercialisé. On en parlait pas ou très peu. De là, je me dis pourquoi ne pas écrire un texte en français ? C’est d’ailleurs l’année où j’ai écris mon premier texte, d’une traite un soir de minuit jusqu’à six heures du matin, celui que vous connaissez tous : « Vous êtes fou ! ».

Je découvre en même temps DJ Dee Nasty : des références quand même ! Donc vers 1985, j’entends parler du rap français mais c’est encore un rap qui n’est pas commercialisé.

DWT : Le hip hop est visiblement une passion dans ton parcours, tout comme l’attitude b-boy…
Benny B : Oui. Je me dis b-boy parce que ça va jusqu’à la sape. J’économisais des sous pour les donner à un gars qui allait à New York. C’était le seul. Quand il nous disait qu’il partait aux Etats-Unis, c’était comme s’il allait à l’autre bout de la terre pour nous ! (rires) Je lui demandais de me ramener un Kangol comme dans Beat Street ou Break Street 84 pour pouvoir marcher dans la rue avec ! Ca, c’est b-boy ! Comme avoir traîné dans les métros et traversé des rails pour faire du graffiti. B-boy, c’est aussi participer à des battles sur des cartons ou à même le sol. D’ailleurs, les vrais de l’époque, tu les repérais vite parce qu’il n’avait plus de cheveux sur la tête à force de tourner dessus ! On se retrouvait le soir à trente ou quarante. Même s’il n’y avait rien à foutre, on exposait les colliers africains qu’on avait fait nous-mêmes. On était là, on faisait rien et on était bien ensemble.

DWT : A cette époque avais-tu accès à des groupes comme Blow Fly, Fat Boys ou Biz Markie ?

Benny B : Mais nous n’écoutions que ça ! Le beat box est très important, c’était la culture américaine. Il faut savoir que le personnage que j’ai créé vient de cette époque là. Mon nom vient de cette culture. Quand tu regardes aussi mon premier single, c’est Benny B featuring Daddy K qui est indiqué. On parle de featuring dans un pays francophone car on voulait vraiment garder cette culture américaine. Notre première pochette de « Vous êtes fous ! », c’est quand même une pochette où il y a des platines. On nous a souvent remercié pour ça, pour avoir amené tous les symboles du hip hop dans les médias. Le pied sur la platine de Daddy K pour montrer les Air Jordan, etc… Il y avait tous ces signes pour montrer qu’on était là, qu’on venait du hip hop et qu’on ramenait la rue dans les médias. On n’était pas fabriqué, on ne nous a pas demandé de nous changer pour s’amuser ou pour s’habiller en marque de rue. C’était nos vêtements et on les a imposé.

DWT : Le côté lover de LL Cool J est également quelque chose qui t’a inspiré…
Benny B : LL était une référence pour moi. J’ai d’ailleurs écris une adaptation de « I Need Love » qui s’appelait « Dis-Moi Bébé ». LL Cool J avait été le premier dans le slow dans le monde du rap. J’ai été le premier slow dans le rap français, bien avant Caroline de MC Solaar, sorti en 1992.

Il faut comprendre qu’en Belgique, à cette époque (1988/1989) arrive la house music, en provenance de Hollande et de Belgique (pays limitrophes) avec Confetti’s et Technotronic.

DWT : Il y a vraiment un paradoxe entre ce que tu nous racontes, à savoir un parcours très connoté hip hop et tes disques qui ne transpirent plus cette culture américaine que tu affectionnes tant. Ta musique était très house-techno-dance quand même…
Benny B : Quand tu vis en Belgique, tu vis avec une culture hollandaise et anglaise. Cet album arrive quand ? Autour de 1989. Il faut comprendre qu’en Belgique, à cette époque arrive la house music, en provenance de Hollande et de Belgique (pays limitrophes) avec Confetti’s et Technotronic. Pendant deux ans, on adore la house. C’était la révolution ! Dans les boîtes, ils ne passaient que de la house et de la new wave, pas du Eric B & Rakim. En Belgique germanophone, tu ne rentrais pas avec ta casquette et tes baskets. On devait donc s’habiller autrement. Prend un morceau techno comme « Pump Up The Jam » par exemple. La fille d’Anvers, Ya Kid K, que je connais très bien, rappait merveilleusement bien dessus. Ca a fait le tour du monde ! Tout le monde était fan et moi aussi. Pourquoi ne devais-je pas m’en inspirer, moi qui écoute du rap et qui suis dans le hip hop ?

DWT : Tu as quand même une culture musicale grâce à tes grands frères qui t’avaient mis dans la soul. Comment pouvais-tu être sensible à ça ?
Benny B : J’ai cette culture musicale mais je suis très éclectique dans ma musique. Je suis très ouvert mais je suis aussi obligé car j’arrive à un moment où dans mon adolescence, la musique n’est plus si importante pour moi. Je sors avec des potes et des meufs donc sans le vouloir, il y a un changement, une métamorphose. La musique ce n’était plus vraiment comme quand je rentrais de l’école et que je jetais mon cartable, pour après : hop, breaker sur un carton. J’avais découvert autre chose, les sorties, la musique. Quand tu arrives à rentrer dans une boîte où les arabes et les étrangers ne peuvent pas y rentrer, tu vas tout faire pour que la prochaine fois, tu puisses encore y rentrer. Donc l’astuce que tu as utilisée, tu vas la garder et tu vas toujours l’utiliser. Le rap qui frappe devenait moins important pour moi, il était toujours là mais plus autant envahissant dans ma vie. Je découvrais autre chose, d’autres priorités. J’ai quitté l’école à 18 ans et j’ai commencé à travailler comme ouvrier dans une chocolaterie. Je gagnais un salaire équivalent à 1000 € par mois à l’époque. Je donnais la moitié à mes parents. J’étais nourris, logé. Je gardais donc le reste pour les sorties. J’étais tranquille, bien. Mais au bout de trois ans dans cette chocolaterie, ça commençait à me travailler. J’avais envie de faire autre chose. Donc, je me remets à écrire des textes, à travailler, à faire mon rap, à faire des soirées. Ma mentalité avait changé. Je commençais à aimer les sons comme Technotronic et d’autres moins connus comme King Bee et tous les sons hollandais. Il n’empêche que quand je rappais, je rappais toujours sur les instrumentaux de Public Enemy et mes influences : Rob Base, Spoonie G que je suis allé voir en concert un jour. On l’avait vu arriver en training, on se foutait de sa gueule, on ne se rendait pas compte que c’était la mode là-bas.

DWT : Quel est ton meilleur souvenir à ce moment dans le hip hop ?
Benny B : Un concert d’Ice T à L’Ancienne Belgique. J’étais au balcon, c’était de la folie ! J’étais venu avec mon posse. Un moment donné j’ai gueulé tellement fort que je l’ai interrompu ! Il a dit : « Shut Up ! Pourquoi tu cries comme ça ?! » Je lui ai dit que j’avais envie de danser avec lui et il m’a dit : « allez viens ! ». Son videur m’aide à descendre par les enceintes. Il fait monter quatre autres gars sur scène et dit : « vous allez danser et celui qui gagne, je lui donne mes sneakers ! ». II faisait du 45 mais on s’en foutait, on les voulait (rires). J’ai dansé comme un dingue et j’ai gagné. Il a fait semblant de les retirer, tout le monde l’a hué. Au final, il m’a dit de rester avec lui tout le concert sur scène et quand Darlène est arrivée. J’étais comme un fou !

DWT : Comment t’y prends-tu pour qu’un producteur s’intéresse à ta musique et te propose un contrat ?

Benny B : On en arrive à ce fameux jour où un producteur venu de France cherchait des artistes. Le casting se déroulait à Top FM, une radio qui organisait des soirées funk, soul, rap dans lesquelles on allait. Je connaissais Michel Brunelli, le patron de la radio. On faisait des démonstrations de danse, juste comme ça, en 1988 début 1989. Il y avait tout les gars avec qui je rappais dont les BRC (Brussels Rap Convention) avec tout le respect que j’ai pour eux. Il faut dire que Defi J, le leader, était un gars qui rappait en même temps que moi. On sortait ensemble dans des bars. Pour te dire l’amour du rap : on allait dans des bars où tu ne rentres même pas en temps normal et on demandait aux patrons si on pouvait animer la soirée en rappant. Défi J était du même quartier que moi, de la même bande de Bruxelles. Mais personne ne m’avait prévenu pour ce casting… Je suis chez moi, à la maison tranquille. Il n’y avait pas de moyen de communication à l’époque. J’avais juste un téléphone fixe avec un cadenas dessus. Avec six garçons, tu penses bien que ma mère faisait attention ! (rires) Mon pote Serge, « Perfect », m’appelle et me dit : « B » Je lui dis « mais quel casting ? » Il me répond « un casting où tous les rappeurs sont là ». Personne ne m’avait rien dit. J’avais deux choix, soit de me dire que c’est trop tard, je reste chez moi ou soit de me dire que j’y vais direct. J’opte pour la deuxième solution et je prends alors mes vinyles d’instrumentaux de Public Enemy, Éric B and Rakim, LL Cool J, Rob Base… et je pars en courant à fond sur quatre ou cinq kilomètres avec mes vinyles sous le bras ! Dans le métro, je risque de me faire attraper parce que je ne pouvais pas payer. (rires) Je ne sais pas pourquoi, quelque chose me disait de courir. J’arrive à la radio en transpirant tellement ! Je vais voir Michel, le patron de la radio qui me dit « comment ça tu n’es pas au courant ? Tout le monde est au courant ! Bref, attends-moi là, je vais voir si le producteur est encore là ». Il n’était pas encore parti. Le patron de la radio lui dit : «tiens encore un, j’avais oublié, tu veux essayer ?». Mon cœur bat à cent à l’heure. C’est marrant parce que quand tu vois des mecs de trentre ans quand tu en as vingt, tu crois que c’est des vieux (rires). Il me dit : «vas-y rappe». Je mets mon instru et je rappe sans refrain, sur du Public Enemy, attitude de la rue. J’étais hardcore. Deuxième fois, troisième fois et le mec part discuter. Il revient et me dit «tu es celui de tous qui à la meilleure diction, sans cet accent de banlieusard qui rappe à la rebeu de Belgique». D’ailleurs beaucoup de français pensaient que Benny B était français. Il me dit «tu as envie de mettre de l’eau dans ton vin, raccourcir tes couplets et mettre des refrains commerciaux ?» Je lui dis que je suis prêt à faire ce qu’il veut pour sortir un disque. Et Bingo, je suis choisi !

DWT : Tu acceptes donc quand même de mettre de l’eau dans ton vin !
Benny B : Oui mais je ne comprenais pas cette expression à l’époque (rires). Apparemment le mec connaissait déjà le format qu’il fallait. C’était un indépendant qui avait de l’argent. Il avait certainement du faire quelques singles qui n’ont pas dû marcher mais il n’avait pas d’autres artistes. Cela devient l’histoire pour moi deux mecs qui se rencontrent : soit ils se pourrissent la vie, soit ils la changent. Il me dit qu’il faut raccourcir mes textes car il y a un format à respecter en radio. Je n’avais pas de refrain, il en fallait. J’avais 48 mesures par morceau, ce n’était pas bon. Je n’avais même pas de maquette ! Ce moment était fou ! Quand j’ai quitté la radio, je ne touchais même plus le sol (rires).

A partir de là, c’était la guerre, le clash. Quand je leur ai annoncé que c’était moi qui avait été pris, c’était le premier coup de poignard. Le deuxième, c’est lorsque Daddy K nous a rejoint.

DWT : Et comment ça se passe après avec les autres, les BRC et tes copains qui avaient « oublié » de te prévenir ?
Benny B : Attends, justement. On se réunissait tout le temps chez un disquaire parce qu’il faisait de l’import-export. Je me suis dit en sortant, je vais aller chez lui. En arrivant, comme par hasard, je vois tout le monde réunis là-bas. Je rentre. Je suis quelqu’un de franc, quelqu’un de vrai. Je ne peux pas me retenir et je leur dis : «ça va les gars ? Alors ? Il paraît qu’il y avait un casting ? Vous ne m’avez même pas prévenu. Pour se voir tous les jours, vous savez m’appeler, on ne se rate jamais et là, il y a un casting et vous ne me dites rien ?» Le ton change parce qu’il y a une sorte de code d’honneur. Je leur dis que jamais aucun d’entre eux ne va réussir et que c’est moi qui ait été choisi. Eux, avaient par la suite cru que j’avais mal parlé sur eux. A partir de là, c’était la guerre, le clash. Quand je leur ai annoncé que c’était moi qui avait été pris, c’était le premier coup de poignard. Le deuxième, c’est lorsque Daddy K nous a rejoint, Perfect et moi. Daddy K était le meilleur DJ avec DJ Kaze. On aurait très bien pu faire sans DJ mais il me fallait imposer cette culture hip-hop, avec le DJ et le danseur. C’était le côté vrai du groupe, en dehors de la musique…



DWT : Te voilà lancé dans des enregistrements qui te propulseront rapidement dans l’industrie lourde de la variété…
Benny B : A cet âge-là, chez moi, on était tous les dimanches allongés par terre sur le tapis pour regarder Jacques Martin à la télé. Trois mois après, on m’annonce que je vais faire cette émission ! Je travaillais toujours en chocolaterie. On commence à entendre mon son à la radio.  A l’usine, je disais à tout le monde : vous allez voir, je vais sortir un disque ! Mes collègues me prennaient pour un fou.

DWT : Comment faites-vous pour pour enregistrer si rapidement alors que vous n’aviez même pas de maquette ?
Benny B : Daddy K s’est occupé de tout ce qui est arrangement. Les refrains, vous savez très bien d’où ils viennent : Capitaine Flam, des trucs de Goldorak qu’on avait piqué à un mec qui faisait les jingles dans une radio. On me présente Richard, les longs cheveux, le sosie de Nirvana. Rien à voir avec le rap, un mec qui aime le rock mais qui a une bonne culture musicale. Il aime tout ce qui est funk. On me dit : dans quoi on peut partir ? On va prendre une bonne base, on va prendre «The War». Ca me plaît. Je parle d’une époque où on travaille encore avec les bandes. Un jeune comme moi, qui n’a que vingt ans, qui traîne dans la rue et qui se retrouve dans un studio bloqué six à sept heures juste pour faire un morceau avec des bandes, c’était un truc de fou ! Mais j’étais content. Puis après : tiens, on va prendre Shaft, on retourne le son. Je parle aussi d’une époque où on pouvait sampler sans problème. L’interdiction est arrivée après le morceau de Mars, « Pump Up The Volume ». Avant ça, on a eu de la chance. Heureusement pour nous parce que sinon, c’est des milliards que nous aurions du donner aux producteurs ! (rires) A la fin, on nous impose un p’tit gars, un italien, très malin, qui était dans la techno. Il nous fait le piano et on arrive donc au mix final de « Vous êtes fous ! ».

Evidemment, le producteur venait nous demander : qu’est ce que vous choisissez au niveau des vêtements ? Qu’est-ce que vous avez envie de porter ? Des skateboards, des casques ?

DWT : Et vous êtes fier du résultat ?
Benny B : Prends la première pochette de « Vous êtes fous !« , c’est une pochette de merde mais elle est tellement efficace pour l’époque. Rien que le fait de sortir la pochette, c’est comme si j’avais reçu une médaille d’or ! Je suis aux anges. Après, le produit fini, ce n’est pas ce que j’écoutais… Ce n’était pas mon hip hop mais je m’en fous parce que j’étais déjà quelqu’un de libre. Le rap en Belgique était déjà devenu commercial avec King Bee et Technotronic, donc pour moi, tout était normal. L’important, c’était l’image. Le morceau est commercial mais l’image du groupe, il ne fallait pas y toucher. Evidemment, le producteur venait nous demander : qu’est ce que vous choisissez au niveau des vêtements ? Qu’est-ce que vous avez envie de porter ? Des skateboards, des casques ? Je lui réponds : « écoute moi bien, autant je suis fan de la situation parce que tu m’as choisi mais autant je peux partir direct si tu me demandes de m’habiller comme toi tu veux. Ça, tu n’y touches pas ! Je suis habillé comme ça et c’est comme ça que je veux aller en télé ! » Et il nous a laissé faire.

DWT : Il y a la musique, qu’on peut tous aimer ou ne pas aimer… Mais il y a quand même quelque chose qui nous pose problème dans ton discours de l’époque. Ta phase sur les « jeunes qui errent dans la rue, qui restent là à ne rien foutre, que tu n’es pas comme eux » c’est limite comme discours…
Benny B : Quand tu es dans le milieu, les vrais gars savent de quoi je parle. Un mec qui va casser des voitures, qui fait des car-jacking, des home-jacking, des vols de sac à main devant moi… je parle de tout ça mais je ne fais pas dans le détail parce que sinon, je vais commencer à cibler les gens. Ceux qui ne veulent rien faire, qui n’en ont rien à cirer, qui ne veulent pas savoir, moi ça ne m’intéresse pas. C’est facile d’aller dans l’extrême. Quand je dis « pour m’en sortir, je ferais n’importe quoi », c’est dans la limite du possible. Je ne parle pas de la musique, je parle bien de sortir de cette vie-là. Quand tu es jeune, tu as des idoles, des rappeurs que tu écoutes. Quand tu grandis c’est à ton père ou à ta mère que tu cherches à ressembler. Je viens à la base d’une culture méditerranéenne où mon père, c’était l’éducation, le respect. Avant même de parler de musique, je parle d’une vie sociale. Ceux qui connaissent la rue le savent : quand tu es collé à un coin de rue, c’est très difficile d’en décoller. J’ai eu des moments où je tenais les murs jusqu’à 3 heures du matin. Je n’arrivais pas à en décoller. Tu ne fous rien, tu glandes de huit heures du soir à trois heures du matin. Les gens passent avec leurs réflexions : « vous croyez qu’ils vont tomber ? Les murs tiennent tout seul, etc… ». Je pensais à travailler, faire tout ce qu’il faut du moment que je sorte de là. Je ne parle pas de musique, ni de disque d’or. La musique m’a juste servi à m’exprimer.

DWT : Est-ce que le noyau dur du hip hop belge, BRC y compris, te reprochaient-ils le côté « ultra-commercial » de ta musique ?
Benny B : Alors ça, c’est marrant. Ils me connaissent, ils savent d’où je viens et ils me reprochent ça ? Eux même, ils ont fait un single, «Fly girls», qui est autant commercial, si ce n’est pas plus, que « Vous êtes fous ! »… D’autant plus qu’ils ont essayé de profiter de la vague bien après, à l’époque du premier album de NTM où ils commençaient à se foutre de notre gueule dans leur intro. Donc c’est devenu une mode et ils ont profité de ça pour continuer.



DWT : Tu évoques NTM qui commencent à se moquer de vous. Vous êtes sensible à ces attaques ?
Benny B : Attention, je suis fier de ce que j’ai fait. Non seulement, je le referai mais je pense que la moitié ou les trois quarts de la France le referait s’il l’avait fait. Ca me faisait rire parce que ça ne change rien. Je suis né, je suis intouchable. Rien ne me rend agressif à partir du moment où je suis sûr de moi. Je sais que si je croise le gars dans la rue, je n’ai pas de problème. J’ai cette assurance. J’ai continué à faire des trucs dans des quartiers, dans des boites chaudes. Il faut comprendre la psychologie du mec qui critique mais qui ne fait que critiquer. Ils ne passent pas à l’acte quand il te voit.

Mais si on critique la musique, pourquoi ne pas critiquer aussi le style vestimentaire ? Dans le hip-hop, NTM s’habillait en Jean-Paul Gaultier ? Pourquoi on ne va pas se moquer de ça ? Expliquez-moi !

DWT : Vous n’aviez pas de mal à proposer ce genre de morceaux au public ?
Benny B : Je me suis juste adapté à un format radio que je ne respectais pas quand j’ai commencé le rap. J’arrive en 1989 avec mon texte que j’ai écris en 1985. Bingo ! On te dit voilà tu vas faire une tournée. Je dois faire un album. Je dois le faire vite. J’écris et je triche avec un morceau comme « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » qui est le deuxième single à sortir. Tous les puristes vont te dire : chapeau !. La version qu’on connaît, tout le monde la respecte : « I Takes Two » de Rob Base & DJ E-Z Rock. Je l’ai pris, je l’ai mis en français et c’est disque d’or. Vous aimé ? Je voulais juste qu’on sache d’où je viens. J’étais malade-fan de ce morceau. Et bien, je le prends et tu sais quoi ? J’ai volé tout le monde ! Même NTM s’était aussi adapté au format radio de 3 minutes 30 avec couplets, refrain, etc…. La seule différence, c’est que leur texte était plus soutenu, plus engageant. Leur musique était totalement moins dance. Mais si on critique la musique, pourquoi ne pas critiquer aussi le style vestimentaire ? Dans le hip-hop, NTM s’habillait en Jean-Paul Gaultier ? Pourquoi on ne va pas se moquer de ça ? Expliquez-moi ! Quand je vois le clip « Le Monde De Demain », je me dis : «on se fout de la gueule de qui ?» Quand tu vois IAM avec leurs chemises et leurs coupes ! Dans le hip hop en Belgique, on se foutait de leurs gueules. Vous parlez avec quelqu’un qui est né avec les bases du hip hop. Et après, je vois des gens comme Olivier Cachin, on ne sait même pas d’où il sort et il se met à critiquer ?

Je pars avec l’esprit tranquille mais il faut savoir une chose : il y avait toujours une version hip hop sur les faces B de nos singles. On commençait nos shows avec les versions hip hop, c’était ça aussi le deal.

DWT : Tu avais pourtant du mal à écouter ta musique…
Benny B : On faisait trois shows par soir. Je n’avais pas besoin de la réécouter. J’aurai préféré faire un son comme « Le Monde De Demain » de NTM, un truc hip hop… J’aurais été reconnu mais voilà, c’est arrivé comme ça. Si j’avais été rebelle avec des phases comme « non, je ne veux pas faire ça comme ceci ou cela… », que serait-il advenu du rap ? Qui aurait commencé ? Qui aurait fait quoi ? Tout est écrit, ça devait être comme ça. Je pars avec l’esprit tranquille mais il faut savoir une chose : il y avait toujours une version hip hop sur les faces B de nos singles. On commençait nos shows avec les versions hip hop, c’était ça aussi le deal. La version commerciale était pour la radio. Ce n’est qu’à la fin, pour le rappel, qu’on faisait la version commerciale. On était fier de ramener ça sur scène : la chorégraphie, la hype, Daddy K qui faisait son show de DJ pendant des 10 minutes…

DWT : Il manque d’ailleurs à votre palmarès un passage dans l’émission Rap Line !

Benny B : On ne l’a pas fait. C’était notre ennemi. On le détestait. Le mec, à la base, il était pro-NTM parce qu’il avait peur. Il habitait sur Paris, c’était facile de le trouver. Nous étions le mouton noir qu’il fallait descendre. En 1990, le single sort. Il n’a pas fallu un an pour que le milieu du hip hop nous déteste. Au bout de deux mois, c’était bon.

DWT : Est-ce que tu as souffert de la comparaison avec Vanilla Ice ?

Benny B : Pas du tout. Vanilla Ice, c’est un carton. Mais on me comparait plus à MC Hammer parce que j’avais tout au niveau des vêtements. C’était des références à l’époque.

DWT : Tu n’as pas fait Rap Line mais tu as eu le privilège de faire un gros featuring à la télévision. C’était bien avec Dorothée ? Un peu moins hip hop quand même (rires)…
Benny B : Quand j’étais petit, je regardais Dorothée à la télé, c’est une des meilleures périodes. Quand je l’ai eu en face de moi, elle était impressionnante (rires). On touchait un public très jeune, un public à la Hergé : de 7 à 77 ans. On disait même que les bébés dansaient dans leurs berceaux. On était devenu très pote avec Dorothée. Elle nous défendait dans ses interviews. On a fait plusieurs fois son émission. On a fait aussi une fois une sitcom mais genre que deux minutes. On n’est pas des produits Dorothée. Le seul truc, c’est que quand nous invitait, on y allait les yeux fermés. On était bien reçu, Les Musclés étaient devenus des potes.

Je passais d’un jour où il me fallait six mois d’économie pour m’acheter une paire de sneakers à un jour où je peux aller à New York et m’acheter soixante paires à la minute. C’est ridicule mais j’ai vécu ça.

DWT : Tout à l’heure, tu évoquais Ice T comme étant ton meilleur souvenir et plus tard tu te mets à kiffer Les Musclés qui chantent « La fête au village » et « Merguez partie » ?

Benny B : On ne parle plus de musique. On parle de travail. J’arrive dans un endroit où j’ai rencontré François des musclés. Tu ne connais pas ce mec, il est super sympa. Quand tu es dans un milieu commercial, il faut savoir que les gens sont très sympas. Tu as une approche facile. Yannick est un bon pote par exemple, on l’appelle le Président (rires), d’ailleurs je le big Up. Il ne faut pas rester sur des clichés. Il faut savoir vivre les choses intensément parce que tu ne sais pas si ça va pas durer. Il y a trop de gens qui crache dans la soupe. Je faisais ces émissions-là parce qu’ils m’invitaient avec le sourire. Je sortais de la rue et je me retrouvais dans un jet. Je passais d’un jour où il me fallait six mois d’économie pour m’acheter une paire de sneakers à un jour où je peux aller à New York et m’acheter soixante paires à la minute. C’est ridicule mais j’ai vécu ça. Il n’y a que quand tu l’as vécu que tu peux en parler avec du recul.

DWT : Jacques Martin qui se met à breaker, c’est aussi un featuring culte. Encore un grand moment dans ta carrière !
Benny B : Il y a eu beaucoup d’anecdotes avec Jacques Martin ! Quand il se met à retirer sa cravate, déboutonner sa chemise, mettre un bonnet et danser : c’est ça qui a été le déclencheur de notre succès ! Après cette télé, tout a changé : le succès avait commencé. Les gens de son équipe venait nous voir en nous demandant ce qu’on lui avait fait. Il ne s’était jamais comporté comme ça avec des artistes. On est passé plusieurs fois dans son émission, c’est quelqu’un qu’on respecte. Un autre jour, on nous a imposé trois nanas pour la chorégraphie. La crise de nerfs ! Qu’est-ce qu’on va faire avec trois nanas ? C’est la chaîne qui l’imposait d’après ce que nous disait le producteur. Je me dis « C’est notre mort ». On arrive sur le plateau et on dit aux nanas de se mettre dernière sur les marches pour qu’elle ne sabote pas notre chorégraphie. Elles sont debout derrière, rien à voir et moi je me dis « putain ce n’est pas possible« . Et heureusement, il y a un mec qui sors de je ne sais où, apparemment le bras droit de Jacques Martin, un gay qui s’appelle Charles Sudaka, qui dit en voix off : « C’est quoi ces remèdes contre l’amour ? Foutez-moi ça dehors ! » Les meufs deviennent rouges et moi, je ne peux pas m’empêcher de rire. Grâce à lui, on a fait notre show comme on le voulait et ça a été un carton.

On a beaucoup dérangé. Quand tu arrives dans un milieu où des artistes déjà installés jouent devant un public qui nous réclame, ça fait mal (rires).

DWT : Tu étais rentré au coeur de la variété française. Tu te sentais à ta place ? Ca fonctionnait ? Qu’est-ce que tu dis à ce moment ?
Benny B : On a beaucoup dérangé. Quand tu arrives dans un milieu où des artistes déjà installés jouent devant un public qui nous réclame, ça fait mal (rires). C’était plus simple par la suite car c’est nous qui étions les têtes d’affiches ! Sur tous les podiums, tous les plateaux, tout le temps, on était les premiers partout. Avec nous, pas de prise de tête : que de l’eau et du jus d’orange dans la loge. On rigolait avec tout le monde. On était fous. On était des gamins, on ne se prenait pas au sérieux, comme chez nous, dans la rue, dans le quartier. Il faut savoir une chose aussi : c’était la première fois qu’il y avait des jeunes sur le plateau de Jacques Martin. Habituellement, c’était des chanteurs qui ne bougeaient pas, qui restaient assis sur une chaise. D’ailleurs pendant les répétitions, les caméra-mens nous demandaient de ralentir car ils n’avaient jamais vu ça. Ils n’arrivaient pas à nous cadrer ! (rires).

DWT : Vous avez cette connaissance de la culture hip hop, de ses valeurs, or les clichés qu’ils développent à ce sujet dans leurs émissions ne vous dérangent pas ?
Benny B : Je vais faire « L’école des fans », ce n’est pas pour jouer les hardcore, sinon je n’y vais pas. A partir du moment où je fais un morceau comme « Vous êtes fous ! », c’est que j’accepte ! Je n’y vais pas en tant que leader, d’ailleurs je n’ai pas de texte de leader. Je n’apporte pas de paroles revendicatrices. J’y vais juste pour faire ma chanson. A partir du moment où je n’implique personne et que je ne fais pas de promesses, je fais ce que je veux !

DWT : C’est délicat car tu représentes tout de même une culture…
Benny B : Quoi que tu dises, quoi que tu fasses, on en a la preuve aujourd’hui, il y aura des gens avec toi et d’autres contre toi. Quand Booba apparaît à la Star Ac ou quand Joey Starr fait ce qu’il fait aujourd’hui, ont-ils des ennemis ? ll n’y a rien de pire que quelqu’un qui croit être dans le bon. Entre je fais une télé avec Jacques Martin ou Dorothée qui fait « yo » et la marionnette de Joey Starr qui le fait passer pour un abruti aux Guignols de l’Info, où est la différence ? Où est le point commun ? On parle encore de nous vingt-deux ans après alors qu’au départ, on est trois gars qui dansent… Il n’y avait rien derrière, pas de marketing, pas de business…

DWT : Le business existait pourtant déjà en France dans les années 1980… Les producteurs ne misaient pas sur des artistes par charité…
Benny B : Si tu n’es pas dans les médias et que tu es un jeune de la rue, tu crois que tu sais ça ? Je ne suis pas dans les médias, je ne suis pas journaliste, je suis rien. Le producteur qui nous prend en main ne connaît rien au rap. Il pense avoir le contrôle total. Franchement, vous croyez vraiment que si ce n’était pas authentique, on aurait tenu autant de temps ? Les jeunes se sont vus en nous, on a ramené la rue à la télé. Il y a une jeunesse qui s’est reconnu là dedans.



DWT : A part certains habits, beaucoup vous ont reproché en France cet esprit clownesque, qui n’avait pas ce côté « rue »…
Benny B : Mais on n’a pas de cités ou de banlieues en Belgique. C’est le discours que je tenais à l’époque. Je n’ai pas eu de problèmes. Je suis né dans une famille ouvrière, je mange à ma faim. Je n’ai pas de problème, je n’ai pas fait de prison, je vais parler de quoi ?

C’est normal et légitime que des groupes comme NTM, Assassin ou IAM voulaient ma mort, ils avaient envie de se faire connaître ! Nous, on était numéro 1 en France alors qu’on venait de Belgique, ils avaient de quoi devenir fous !

DWT : Les artistes s’inspirent souvent de leur quotidien. A l’époque, quand la police passait les trois quart de la journée dans ton quartier, ça devait te peser à force ? Tu étais quand même au cœur d’une réalité sociale assez dure au quotidien à Moleenbek… Tu évoquais ton frère qui décède (paix à son âme) d’une overdose…
Benny B : Regarde le boycott où il arrive. J’en parle dans mon album, j’écris une chanson à ce sujet, « Frère » et personne n’en parle. Je parle de lui avec mes mots, comment il est mort. J’ai fait ce morceau à l’Olympia mais tout le monde s’en foutait. On n’a également jamais parlé de nos faces B hip-hop. Il y a des raisons à ça. Les maisons de disques se réveillent et elles veulent un artiste comme ça. Alors tu as ce petit groupe qui arrive de Belgique et qui fait de l’ombre à tout le monde ! C’est normal et légitime que des groupes comme NTM, Assassin ou IAM voulaient ma mort, ils avaient envie de se faire connaître ! Nous, on était numéro 1 en France alors qu’on venait de Belgique, ils avaient de quoi devenir fous ! C’est normal ! Alors comment faire ? Ils prennent un groupe à scandale…

DWT : Ce n’est pas aussi simple dans les faits car NTM existait déjà dans le milieu avant de rapper…
Benny B : Ils ont une existence dans le milieu, c’est sur et je ne critique pas ça. Mais on les invite dans des émissions de télé spécialement pour en faire ce qu’on veut. NTM, c’est un pit-bull qui ne sait pas mordre. Comment tu peux faire venir un groupe de jeunes et une semaine avant, tu sais que ça va être chaud ? Pourquoi on ne parlait que d’eux ? Il y avait aussi Assassin et IAM, pourquoi pas eux ? Pour moi, NTM commençait, à ce moment-là, à devenir les Benny B du rap underground. On ne voyait plus qu’eux, on entendait plus qu’eux alors qu’ils critiquaient le formatage. Ils n’ont pas fait Jacques Martin mais je t’avoue qu’ils se sont bien rattrapés depuis.

DWT : Ce côté ultra-populaire auprès des gens t’a surement exposé, comme tous les artistes, à des moments difficiles à leurs contacts. As-tu le souvenir que se soit en lien avec la qualité de ta musique ?

Benny B : Un jour, j’ai reçu une carte postale avec N.W.A. en photo dessus. C’était écrit « tu te prends pour qui ? Tu vas le regretter quand la balle sortira de mon métal pour t’atteindre en pleine tête ». C’est là où je rigole. Des gars parlent de me tuer juste parce que j’ai chanté un truc commercial, c’est ridicule. Mais je suis très diplomate même si je n’ai peur de rien. Je ne suis pas suicidaire non plus car je sens le danger arriver. Quand des gars me parlaient, j’écoutais toujours ce que ce qu’ils avaient à me dire. J’ai toujours dit que je n’imposais pas ce que je faisais et qu’ils avaient le droit de ne pas aimer. Mais il ne faut pas m’imposer des choses non plus. Il y a d’ailleurs une anecdote à ce sujet avec NTM. Début 1991, on avait fait un show au Palace et les NTM étaient venus. A un moment, le portier nous dit « il y a les NTM qui veulent vous parler ». On dit OK. Ils sont arrivés à une dizaine mais leurs propos étaient incohérents. Ils me reprochaient ce que je faisais et voulait m’interdire de jouer. C’est ça qui m’a choqué. Ils se disaient rebelles ? Mais ils connaissaient le racisme, ils se battaient contre ça je crois. Ils viennent pour m’interdire et me dire que je n’ai pas faire ça ? Ils me disent que « je fais de la musique pour les bâtards ! ». Les mecs oublient d’où je viens, ou ils ne le savent pas, mais ils avaient touché à mon intégrité en me parlant comme ça. Même mon père ne le fait pas. D’ailleurs, j’ai souvent utilisé le mot « taliban du rap » quand on en arrive à un point pareil. L’acte de faire un disque est déjà une démarche commerciale, même si tu n’as encore rien vendu. Ils voulaient sortir un album et le donner dans la rue eux ? Prenez, c’est gratuit ? Je ne comprenais pas le sens. Pour moi, c’était juste, tu as réussi et pas nous. Tu touches de l’argent et pas nous. Mais en fait, le pire, c’est que je comprenais leur langage en vérité. Je comprenais ce qu’il voulait dire mais je savais qu’ils étaient dans le faux et qu’ils allaient comprendre après. Maintenant, ils touchent des millions, ils font des concerts à deux millions d’euros chacun. Ils font des entrées à 90 €, pas un renoi, que des blancs. Tout ce que j’ai entendu, tout ce qu’ils ont critiqué, ils l’ont fait.

Quand on me posait des questions sur le groupe NTM, j’aurai été le plus grand connard si j’avais dit « moi, je n’aime pas ce qu’ils font ». C’était fort, leur album était très fort. C’était un niveau au-dessus de nous mais ce n’était pas comparable.

DWT : Vous sortiez pourtant dans les mêmes endroits, dans les mêmes soirées, aux Bains Douches notamment…
Benny B : On se croisait du regard avec Joey. Mais encore une fois, ça restait très correct. Ce n’était pas comme aujourd’hui avec les «clashs» à la Booba.  
Il y a eu une battle inoubliable aux Bains Douches contre Joey Starr et son danseur, Laser. Il nous faisait rire avec sa manière de danser. Ses bras bougeaient dans tous les sens, c’était bizarre. NTM sortait souvent en groupe là-bas. C’était les lundis des Bains Douches, en 1991, quand Sydney animait. Il faut remettre l’église au milieu du village. Joey Starr, ce n’était pas un danseur incroyable. Et Laser, leur danseur, il dansait moyen. Mais il faut savoir un truc, c’est qu’on les respectait. Quand on me posait des questions sur le groupe NTM, j’aurai été le plus grand connard si j’avais dit « moi, je n’aime pas ce qu’ils font ». C’était fort, leur album était très fort. C’était un niveau au-dessus de nous mais ce n’était pas comparable, on était dans une autre époque et à un autre endroit. J’ai aussi adoré l’album d’IAM comme celui d’Assassin. Je n’ai jamais mal parlé sur eux.

DWT : Quand tu disais que tu étais « prêt à faire n’importe quoi », est-ce que ça a été le cas avec les contrats que tu as signé ?
Benny B : Il y avait une gestion plus au profit du producteur… Je suis un jeune de 20 ans, je sors d’une chocolaterie, je signe. Il me parle de pourcentage, je dis OK. Je ne sais pas combien rapporte un disque et je m’en fous de l’argent, du contrat. Ce que je veux, c’est monter sur scène. Je veux danser, être connu. Il y avait le contrat papier et il y avait le contrat moral où le mec t’explique le chemin que tu vas prendre et ce qu’il faudra faire pour ne pas se griller. Si je n’avais pas pris une version comme Rob Base, tu crois qu’on en aurait entendu parler ? On est venu avec notre look et on a beaucoup vendu malgré le contexte de l’époque. On est allé aux Etats-Unis, on a été le premier groupe de rap français a ramené un clip américain en France. C’est un symbole, plus important que le million de disques que j’ai vendu. 50 % hip-hop, 50 % commercial et 100 % authentique. Ce n’est pas l’authenticité dans le rap mais dans ce que tu es vraiment dans la vie. Il n’y avait rien de provocateur, tout était naturel, je n’ai jamais revendiqué que je faisais du commercial. Je le savais mais je n’ai jamais rien dit, ni prétendu.

Il n’y avait rien de provocateur, tout était naturel, je n’ai jamais revendiqué que je faisais du commercial. Je le savais mais je n’ai jamais rien dit, ni prétendu.

DWT : Où en est le mouvement hip hop en Belgique ?
Benny B : Il y a des rappeurs, mais tous individualistes. Il y a aussi la Zulu Nation en Belgique. C’est mon pote Fourmi, qui était dans les BRC, qui s’en occupe. Les BRC se sont tous disputés. Il n’y a plus personne qui se parle. Je suis le seul en dehors des BRC à venir à ses événements. Si tu mets old school sur un flyer en Belgique personne ne vient, à part une centaine de personnes qui sortent en famille. Moi j’y vais. C’est ça être authentique parce que j’ai toujours su d’où je venais et pourquoi je le faisais.

DWT : Pourquoi tout ça a été si mal interprété en France et pourquoi n’as tu n’as jamais intégré le milieu du hip hop français ?
Benny B : Parce que les gens ne veulent pas savoir. Ça été très vite. Je travaille, je tourne, je ne fais que des plateaux télé. Il n’y a aucun gars qui s’intéressent. Ils s’intéressent juste au fait que tu fais du commercial. Tu ne t’expliques pas, tu fais ton truc. Je suis un mec qui ne cherche pas à se justifier. Pourquoi je serai aller chercher les médias pour leur dire : «vous savez, je suis hip hop». Je n’ai jamais cherché à le faire en vingt-deux ans. C’est d’ailleurs la première interview où je me dévoile comme ça. C’est parce que justement, je suis bien dans ma peau. Je ne regrette rien et aujourd’hui je me rends compte que j’avais raison. Ca s’entend, il y a des gens qui me le disent. Hamdoulah, je n’ai peur que de Dieu. C’est lui qui fait tout : qui me met en face de mes amis et de mes ennemis.  C’est lui qui règle tout. Aujourd’hui, un belge est toujours connu vingt-deux ans après. Mon morceau est devenu un classique, mon nom est aussi connu que Booba ou Joey Starr… Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Il y a eu Alliance Ethnik, Ménélik et c’est moi qui fait la tournée Dance Machine 90 ! Je n’ai trompé personne, je n’ai menti à personne. Je suis authentique. Des purs et durs viennent me voir en concert et me disent : « respect et merci d’être resté le même ».

DWT : A ce titre, comment perçois-tu le fait que Grodash, Disiz où Youssoupha te créditent dans leurs textes ?
Benny B : Je suis resté intègre et si ça a pu aider des mecs pour commencer dans le rap, ça me touche. J’aimerais remercier ces gens. C’est bizarre mais je ne vais pas les contacter. Quand il y a des gars comme ça qui me citent, j’ai une fierté, j’ai une reconnaissance sans l’expliquer, je ne les paie pas, je ne les connais pas. Ils ne sont pas obligés de faire ça, cela pourrai même les discréditer ! (rires)

DWT : 

Pourquoi votre carrière s’arrête nette ?
Benny B : De 1993 à 2000, j’étais fan du rap français. C’était l’époque où le rap se démocratisait. On a connu du rap humoristique que j’aimais bien comme avec Gomez et Tavarez, Disiz, Tripik avec leur titre « Bouge tes cheveux ». On commençait à écouter des choses chantée avec Matt Houston et Def Bond. A un moment donné, tu mûris. J’avais envie de dire autres chose, de travailler autrement mais le producteur n’a pas suivi. Ca ne l’intéressait pas. Et le rythme devenait fatiguant avec deux ans de tournée non-stop dans toute la France, les prime à la télé française avec Sabatier, Foucault, Drucker… On commençait à saturer, c’était trop. Un jour, j’ai demandé aux autres si on devait arrêter. « Ok, on arrête ! » et le dernier morceau qui est sorti est le slow « Je t’aime à l’infini », la suite de « Dis-moi bébé ». On s’est arrêté au bon moment. Ca m’a permis de revenir à la vie normale. Mais quand tu passes d’une vie où tu dors que dans des chambres d’hôtel avec un rythme particulier et que tu te retrouves après dans ta chambre, tu as des insomnies. Tu ne peux plus dormir à minuit, alors tu sors. Heureusement, je ne me drogue pas et je ne bois pas. Le problème, c’est que je vais chez mes potes et je leur je leur dis : « allez, on sort en boîte ! » mais ils n’avaient pas le même rythme de vie que moi… Alors, je les achète, je paie pour avoir cette espèce de transition normal : « venez, je vous invite au resto, c’est moi qui paye ! ». Plus j’arrive à ce stade là et moins j’ai envie d’y retourner. Je voulais revenir à des choses plus vraies, mes parents, ma famille, les amis et des trucs tout bêtes comme draguer une meuf normale.

DWT : Tu as tout de même tenté de revenir à un moment…
Benny B : Oui mais c’était bref (rires). Il y a trois ans, j’ai fait un single « Je suis dans la place », une reprise de Steve Hocky et Will I Am avec une partie électro. J’ai pompé à mort et donc j’ai resigné avec Happy Music. Un mois après, avec 100 000 vues sur You Tube, on a reçu quatre lettres d’avocats des États-Unis : « vous devez arrêter tout de suite sinon on vous attaque ». J’ai du tout retirer.

DWT : Y a t-il un featuring que tu aurais rêvé de faire ?
Benny B : J’ai eu plusieurs fois des occasions mais je ne l’ai jamais fait parce que j’aurai pu à nouveau être taxé de récupération. Il faut savoir une chose : faire du commercial, c’est plus difficile que faire du hip hop. Tout le monde peut faire de l’underground, du hardcore, ce n’est pas difficile. Si je voudrais refaire surface, j’aurai donné je ne sais pas combien à Booba ou à Rohff. Sinon avec Youssoupha, ça me plairait. C’est un mec intéressant. J’aurais adoré faire des featuring avec des américains comme Ice T ou LL Cool J. A l’époque, la question ne se posait même pas. Aujourd’hui un truc commercial, ça serait tout de suite dans le dirty avec Rick Ross ou Lil Wayne. Mais ça ne servirai à rien parce qu’en France, ça ne marcherait pas. Le vrai kif, ça serait avec Afrika Bambaataa pour le symbole, le retour aux sources avec un son à la « Perfect Beat » ou « Planet Rock ».

Tu peux jouer un personnage de racaille mais il faut savoir qu’à un moment donné, il y aura des comptes à rendre. Il n’y a rien de pire que de ne plus être crédible. Si tu te fais passer pour une racaille et qu’on te prend pour un bozo, c’est dur à accepter.



DWT : L’attitude de certains rappeurs actuels ne te paraît pas plus ridicule qu’à ton époque ?
Benny B : Je n’ai jamais fait de critiques sur un groupe. Chacun a apporté une pierre à l’édifice du hip hop français. Si Booba fait ce qu’il fait aujourd’hui c’est qu’il apporte quelque chose à une partie du public. Un truc bling-bling qu’ils recherchent. Aujourd’hui, il y a des rappeurs qui peuvent jouer un personnage. Ça ne me dérange pas tant qu’ils ne sortent pas du contexte. Un rappeur qui déborde du contexte musical et qui se prend au sérieux sera tout de suite recadré par quelqu’un. C’est ce qui s’est passé avec MC Jean Gab’1 après « Je t’emmerde ». Il faut juste faire attention à ne pas dépasser les limites. Tant que ça reste dans un contexte musical, on peut en rigoler. Mais ça peut très vite partir en couille. Si ce n’est pas avec un rappeur, ça peut venir du public. Tu peux jouer un personnage de racaille mais il faut savoir qu’à un moment donné, il y aura des comptes à rendre. Il n’y a rien de pire que de ne plus être crédible. Si tu te fais passer pour une racaille et qu’on te prend pour un bozo, c’est dur à accepter. Je parle souvent de génération fragile car quand on voit des jeunes qui arrêtent le rap, on ne sait plus où ils sont. Certains se font interner. D’autres se convertissent à la religion musulman. Tous ces jeunes ont joué un jeu dangereux en prenant une identité qui n’ont pas su assumer. Quand tu es sur ce terrain là, il arrive parfois des accidents dramatiques.

Ils veulent faire des featuring avec moi… Je leur dis non car ce ne serait pas forcément bénéfique pour eux avec mon passé. Je reste honnête.

DWT : Qu’est-ce qu’on peut souhaiter maintenant ?
Benny B : Aujourd’hui, j’ai la chance. J’ai de la reconnaissance. Il ne faut pas gâcher tout ça. Je ne vais pas discréditer un travail de vingt-deux ans. Au niveau professionnel, je souhaite à tout le monde de vivre ce que j’ai vécu. Je rencontre beaucoup de jeunes qui sont aigris parce que ça fait dix ou quinze ans qu’ils essayent de réussir et qu’ils n’y arrivent pas. Aujourd’hui, il y a des gens qui m’appellent pour que je les produise mais je n’ai pas cette prétention. Ils veulent faire des featuring avec moi… Je leur dis non car ce ne serait pas forcément bénéfique pour eux avec mon passé. Je reste honnête. Je ne suis pas ce que vous pensez. J’ai eu la chance, j’ai fait ce que j’ai fait. Je ne condamne personne. L’année dernière, j’ai fait tous les Zénith de France. Un truc de plus dans mon palmarès. J’étais le premier à faire l’Olympia, j’étais le premier disque d’or du rap français, j’étais le premier en tout (rires). Je suis très terre à terre. J’ai mes enfants, j’ai ma famille. On peut me souhaiter la santé pour mes enfants car leur naissance a été quelque chose qui m’a énormément marqué. Je veux juste être bien et correct. Le mieux qui puisse m’arriver, à mon âge, je le ressens. Il y a des signes. On est né pour certaines choses. La normalité, avec l’éducation que j’ai eu, serait d’arrêter la musique et de prier. Ce sont des choses fondamentales. Ceci est très important à noter. Je reconnais que ce que je fais ici n’est pas bien. Dans le sens où ce n’est pas censé être ce que l’on doit faire. A savoir, ma culture : se marier, avoir des enfants, prier. Je ne peux pas faire de musique. Je vais être cash : ce que je fais, j’ai de la chance, je le fais, hamdoulah ! Dieu me l’a mis en chemin mais je sais qu’un jour, il va falloir que j’arrête. Aujourd’hui, je ne suis pas encore prêt pour ça. Mon futur, et je ne sais pas quand, est que demain la musique s’arrête et que je me mette à prier le front sur le sol en direction de La Mecque.

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