1986-1989 : c’est la première explosion de ce phénomène. Le métro, en effet, commence à être « ravagé », surtout les lignes 13 et 4. Les CTK se mettent à faire les couloirs de certaines stations et ce, avec l’aide précieuse des NTM.
Littéralement « cartonnée » à partir de la fin des années 1980, la capitale française deviendra alors européenne. Allant jusqu’à intriguer outre-atlantique par son vandalisme et sa créativité, Paris avait frappé fort. Collant au mieux à l’esprit de l’époque, la sortie de « Paris Tonkar » en 1991 en fera le premier ouvrage entièrement consacré au tag et graffiti à Paris. Ce livre culte avait brillamment retranscrit l’éclat de ce milieu durant les années 1987 à 1991. Nous en reproduisons ci-dessous une partie consacrée à l’historique du tag avec l’autorisation de l’auteur, Tarek Ben Yakhlef, que nous saluons au passage.
« D’horizons divers ces jeunes ont tous une même passion, le plaisir d’écrire, et une même envie, être reconnus par leurs pairs. La communication au sein de ce groupe est à la fois murale et orale. Les exploits, en effet, se transmettent de bouche à oreille jusqu’à la déformation absolue de la réalité créant parfois des situations compliquées. (toyage, bagarre, …)
Pour comprendre l’esprit et les motivations des tagueurs il faut tout d’abord envisager leur évolution dans le temps et dans l’espace, tout en expliquant par la suite les ruses et les techniques employées dans la tentative d’exploits toujours plus dangereux.1983 / 1986
Les premiers groupes se constituent dès cette époque tels les TCA, les CTK, ou les PARIS CITY PAINTERS. Tous sont sous l’influence du style New Yorkais : c’est un style assez lisible par tous, comportant des lettres inclinées vers la gauche. Les tags, entre 1983 et 1985, étaient peu présents dans les rues et très localisés (quai de la Seine et la Petite Ceinture). Nous retiendrons JOE, MUCK et SHEEK comme les plus « enragés » pendant cette période de gestation.
1985
Les BBC découvrent Le terrain de Stalingrad. Dès lors, le tag va s’intensifier dans la capitale sous l’impulsion des RRC, des PAW, des RKS, des URB, des CTK et des TCO.
1986 / 1989
C’est la première explosion de ce phénomène. Le métro, en effet, commence à être « ravagé », surtout les lignes 13 et 4. Les CTK se mettent à faire les couloirs de certaines stations et ce, avec l’aide précieuse des NTM (TEX, KAY, DOSE, TEE.J). Le fameux BOXER, tant recherché par la police et tant adulé par les initiés de cette époque , commence à laisser des traces visuelles le long des voies ferrées. De leur côté, BANDO et SION vont parcourir Paris à vélo tout en posant beaucoup de tags. A l’instar de PSYCKOZ et de SPIRIT, tous possèdent un bon style calligraphique. Au début de l’année 1988, des jeunes commencent à faire des dépôts de métros . Par exemple, les NTM, les 93 MC, les DCM et STURDY vont inaugurer les surfaces des « métros de la treize ». Cependant, la rue va être tatouée par ces scribes modernes armés de marqueurs et de bombes : les MST, les CWA, les CKC et les Pl 5 sont parmi les plus actifs. En outre, c’est une année charnière: les 93 NTM et les CAS voient le jour.
1989 / 1990
Les tagueurs deviennent de plus en plus entreprenants puisqu’ils n’hésitent pas à faire des descentes dans les entrepôts de la RATP et du RER. En effet, les VEP, les 4AD, les DKG, les 240ADM et les 93 NTM vont s’imposer dans le métro en très peu de temps. Les initiés torchent leur tag plus rapidement, d’où l’importance de ces écritures sur les parois du métro. MAM et SEEP sont considérés comme les plus vifs et les plus rapides. Toutefois, cette vitesse d’exécution et l’apparition de nouveaux initiés font baisser le niveau du « new style ». Ironie du sort, ce dernier s’affirme en 1990 alors que la qualité s’est détériorée : Les rondeurs des lettres deviennent des angles droits , ce qui rend le tag plus agressif et de moins en moins lisible par les personnes extérieures au mouvement. Un tagueur nous disait que maintenant « le new style c’est l’arrache totale », Adoptant cette nouvelle technique, les anciens vont rehausser la qualité du lettrage utilisé. Ainsi, cette recherche stylistique remet totalement en cause toute forme de calligraphie stricte ou monotone. L’influence de New York disparaît après ce changement qui, notons-le, permet à Paris de devenir et de s’affirmer comme un centre vivant et créatif, poussant le tag à l’extrême.
1990 / 1991
A partir du mois de Septembre de l’année 1990, la RATP intensifie son réseau de surveillance – en particulier dans les entrepôts – en tentant une opération de lavage continuel et quotidienne de toutes les rames décorées. Le résultat est très rapide puisqu’en deux mois on constate qu’il y a de moins en moins de tag dans le métro et que les extérieurs deviennent propres. Toutefois, MAO, DEGRE, DEFUN, ERY 2 et AZYLE deviennent célèbres en « posant » dans les rues et dans le métro sachant pertinemment les risques importants que cela comportait. Apparemment, ce n’est ni la mort ni la fin du mouvement. Bien au contraire, les nouveaux venus s’associent aux plus anciens pour faire « avancer le mouv ». A titre d’exemple, en 1990, EXPER est encore très actif au sein des TCP. Cependant, on peut avouer que les amendes, les brutalités de la police et la surveillance du métro par les « COSMONAUTES » découragent quand même beaucoup de personnes à s’y mettre. Tous ces jeunes qui ont adhéré au mouvement sont à l’origine d’un nouveau type de communication et ont contribué à l’affirmation de cette culture sauvage ou plutôt de cette culture du béton. Ils ont engendré de nombreux graffeurs qui forment aujourd’hui une nouvelle « école artistique » radicalement opposée aux dogmes du Ministère de la Culture et plus généralement à toutes sortes de règles, de préceptes, dispensés dans les écoles d’art. »
Ouvrage introuvable, une réédition anniversaire de Paris Tonkar en tirage limité deluxe est en cours avec une sortie annoncée pour fin 2012. A noter également pour début 2013, une nouvelle édition de Paris Tonkar «avec de nombreuses photos inédites, des textes et des documents dévoilant l’histoire des premières années du graffiti en France de 1983 à 1995». En attendant, retrouvez la version magazine dès maintenant en kiosque ou leurs infos sur le site Paris Tonkar