Les grands de la cité organisaient des soirées. Salim (Fat) en faisait partie. C’était le premier mec que je voyais faire du beat box, je pétais un câble ! On était petit à l’époque. (…) C’est comme ça qu’on a commencé à connaître le rap, à en écouter et à en faire…
MC controversé au flow particulier, haineux au micro et dangereux en impro, Sheryo continue de frapper sec et revient à la rentrée avec «Ghetto Trip 2». Invité sur un nombre incalculable de featuring et de mix-tape, celui qui a décidé de rester underground dans sa plus pure définition, revient sur son parcours dans une interview exclusive et nous fait part de quelques révélations sur des «éclats» historiques…
Down With This : Ton premier contact avec le hip hop et tes débuts dans le rap ?
Sheryo : Quand j’étais petit, fin des années 1980 au «212» à Blanc-Mesnil, les grands de la cité organisaient des soirées. Salim (Fat) en faisait partie. C’était le premier mec que je voyais faire du beat box, je pétais un câble ! On était petit à l’époque. Il était tout le temps là. Il y avait aussi Pablo Master qui sortait des baffles en plein dans la cité. Il mettait son sound system à fond la caisse et boum ! C’est eux qui m’ont donné envie. D’ailleurs la première fois que je suis parti en studio, c’était avec Pablo Master. C’est des mecs que je suis content de recroiser, on se rappelle des souvenirs à l’ancienne, même s’ils ont bougé de la région parisienne maintenant. Pareil, des mecs comme Ricky et Ramsès des Saï Saï, c’était des «reusta» ces mecs-là pour moi avec leur chanson « les rouleurs à l’heure sont durs à cuire…« . Je ne comprenais pas pourquoi les gens ne les reconnaissaient pas dans la rue ! Je crois bien que le premier concert de rap français où je suis allé, c’était à Blanc Mesnil, au stade Jean Bouin, il y avait NTM et IAM sur la même scène, avec IAM qui passait en premier… C’est comme ça qu’on a commencé à connaître le rap, à en écouter et à en faire…DWT : Pendant de nombreuses années, tu as fais pas mal de featuring sur des mixtapes…
Sheryo : Oui, parfois il y avait aussi des plans avec des petites scènes. A un moment, je rappais avec un groupe de musiciens. Ça a duré un an ou deux. On avait fait un petit trip, on avait enregistré une maquette, on faisait des concerts. Après, quand j’ai commencé à faire de plus en plus de mix-tapes, j’avais moins de temps pour le groupe. Dès qu’on m’appelait : on fait une mixtape ! Tu viens ? Ok, je me mange une amende et j’arrive ! Je ne me rappelle pas quelle était la première (rires), ni combien j’en ai fait mais je sais que chez moi, j’en ai une trentaine., mais beaucoup oublie de te la donner…Au début, je traînais souvent avec des mecs qui faisaient des sound systems, Pablo Master et tout. Quand on faisait des répéts, ça se terminait souvent en clashs à la fin. C’était normal.
DWT : Tu as fait pas mal exploser ta notoriété en participant à des clashs mythiques également…
Sheryo : Les gens me parlent toujours de celui avec LIM qui est sur Daily Motion et You Tube (ndlr «Combat de rappeurs», La Contrebande, 1999). Au début, je traînais souvent avec des mecs qui faisaient des sound systems, Pablo Master et tout. Quand on faisait des répéts, ça se terminait souvent en clashs à la fin. C’était normal. Quand ça a commencé sur scène, j’ai eu l’occasion dans faire un puis un deuxième et on m’a invité sur un autre truc. Après, j’ai arrêté quand ça a commencé à devenir un peu trop commercial ou que c’était trop à celui qui ramenait le plus de potes pour gagner au vote. Il n’y avait plus vraiment d’impro.DWT : Quel est ton meilleur souvenir dans ce domaine ?
Sheryo : C’est justement celui avec LIM. Les mecs de sa cité étaient montés et m’avaient dit : t’as gagné ! C’était mortel. A la fin, on a fumé avec LIM, tranquille. Il m’a invité ensuite sur sa mix-tape « Violences Urbaines ». C’était dans l’esprit, dans le truc. Le clash en lui même ? LIM, il a un niveau. Pour moi, c’était le meilleur souvenir.DWT : Ca avait pas mal chauffé à un moment quand même…
Sheryo : Oui, mais on s’était mis d’accord dès le début : tu peux dire ce que tu veux, je ne prendrai pas la haine. Solo (ndlr : arbitre du combat à l’époque) avait même arrêté le clash quand ça avait chauffé un peu trop pour que, justement, tout soit bien clair. J’ai dis à LIM, vas y tu peux insulter. Lui m’a dit : ok toi aussi. A la finale, il n’y en a pas d’insultes tant que ça.… Franchement, la soirée était grave bon esprit et les mecs de sa «téci» super cool.On s’était mis d’accord dès le début : tu peux dire ce que tu veux, je ne prendrai pas la haine. Solo avait même arrêté le clash quand ça avait chauffé un peu trop pour que, justement, tout soit bien clair.
DWT : Que penses-tu du niveau actuel des clashs ?
Sheryo : J’ai regardé «Rap Contenders» parce que les petits de ma cité ne regardent que ça. Ils m’en ont montrés deux ou trois. J’en ai vu un avec Guizmo. Je trouve ça pas mal comme concept. Mais je trouve que savoir contre qui tu tombes deux semaines avant te laisse trop le temps de préparer des «zefas»… C’est plus un concours de punch line qu’un concours d’impro. Dans ceux que j’ai regardé, je trouve que les mecs ont tous le même flow. Ils se ressemblent grave. Et ils laissent les gens rigoler à la phase avant de repartir avec des «attends». Quand il n’y a pas d’instrus, tu es un peu plus libre. Après le truc pour moi, faut qu’il y ait une instru. Quand tu as la pression du battement, de la caisse claire et du pied, tu ne peux pas te permettre… Je pense même qu’ils n’arriveraient pas à poser leurs phases préparées comme ils le voudraient. Sinon, c’est pas mal, les mecs ont du level.DWT : Ce n’est pas pareil que de s’adapter à un beat…
Sheryo : Ouais. J’ai même du rapper sur une instru à IAM, tu te rends compte ?! (rires). C’était un mauvais moment à passer (rires).DWT : Justement, il y a des critiques sur ta manière de te poser. Tu n’es pas toujours dans les temps…
Sheryo : Je n’essaie pas spécialement d’être dans les temps. J’essaie d’être dans une ambiance. Mon flow justement, c’est de rapper off beat. Je ne rappe pas sur la caisse claire. Je n’aime pas ça. Les gens trouvent ça bizarre parfois mais je rappe comme ça depuis long time. Je ne vais pas changer ou me plaindre d’avoir un style. J’essaie plus de réfléchir à des rimes, de les placer d’une manière un peu flow. Même mes potes sur scène n’arrivent pas à me backer parce que je ne fais jamais la rime au même endroit (rires).DWT : Les répétitions, ça doit être galère par contre ?
Sheryo : Je ne répète jamais de toute façon. Ça tue le truc.DWT : Pour finir avec les clashs mythiques, comment s’est déroulé l’enregistrement en studio de la mix-tape « Sang d’encre » (2000) avec Sadik Asken ?
Sheryo : Personnellement, je trouvais que le montage du clash me désavantageait. On avait fait le clash et on devait revenir le lendemain. Moi, vu que j’avais gagné, j’arrive, je suis un prince, je lui dis « coupe ce que tu veux, fais comme tu veux ». En sortant de l’enregistrement du clash, Casey m’avait dit bien, tu l’as niqué et tout. Mais je voulais avoir un autre avis, plus impartial, donc j’avais demandé à Jean-Pierre (des frères Seck, producteur) et il m’avait dit aussi que je l’avais niqué, donc c’est bon. Au montage, ça m’avait saoulé au bout de dix minutes, alors je lui ai dit qu’il fasse ce qu’il veut. Il y avait des passages que Sadik Asken trouvait trop hard core mais que Jean-Pierre a décidé de mettre car lui les trouvait trop mortel. Il y avait un petit coupon à renvoyer dans la mix tape pour voter. J’avais gagné genre à 70 ou 75 %, c’était cool. A l’époque, je commençais un peu à aller sur internet : pareil. Donc je me disais ok c’est bon, j’ai gagné. Après ça, je vois une interview d’Asken où il sort une phase qui m’avait grave véner. C’est Mouloud qui l’avait chauffé. Je me disais quand même il manque pas d’air le type. Je l’avais recroisé à Châtelet et lui avais demandé « attends mec, c’est quoi ton problème ? » Il me réponds « je pensais qu’on s’envoyait des trucs par presse interposée, ça nous faisait du buzz« . Je lui ai dis que je n’en avais pas besoin : «j’ai gagné, t’as perdu ! Ne dit plus mon nom, ne parle plus de moi !». J’étais un peu véner ce jour là. Après je l’ai recroisé, super cool, tranquille. Il a mixé des trucs pour des potes à «ouam».Je lui avais demandé « attends mec, c’est quoi ton problème ? » Il me réponds « je pensais qu’on s’envoyait des trucs par presse interposée, ça nous faisait du buzz». Je lui ai dis que je n’en avais pas besoin : «j’ai gagné, t’as perdu ! Ne dit plus mon nom, ne parle plus de moi !».
DWT : Ta signature chez Virgin est assez charismatique en 2001… Comment tu atterris chez eux ?
Sheryo : Nous étions en train d’enregistrer «Ghetto Trip». Nous n’avions pas tous les morceaux. Mon beatmaker, Hery, travaillait aussi sur la compilation Hexagone, un projet sur Renaud qui sortait chez eux. Il avait fait écouter un mix du titre Ghetto Trip a un des mec de Virgin qui a voulu signer direct. Il ne savait pas qu’il y avait d’autres morceaux. On l’a rencontré et je lui ai dit : «t’es un ouf, le truc qui sort, c’est un EP. Ca fait une pige que j’y réfléchi donc ce n’est pas au dernier moment que ça va changer !». Il voulait me signer en artiste mais ça, c’était hors de question. On avait commencé à tout faire nous même, on avait le budget pour le sortir. On lui a gentiment expliqué que se serai uniquement en licence. On allait donc pouvoir le sortir en mode underground mais en le faisant distribuer par Virgin et se faire un petit peu de thunes. Virgin avait acheté le droit de distribuer «Ghetto Trip» plus une option sur la sortie d’un album. Je pouvais leur faire écouter le disque fini et ils avaient le droit de refuser deux fois. Après je récupérais le droit de le faire distribuer par quelqu’un d’autre. On s’est pas mal démerdé pour avoir un contrat plus ou moins honnête puisqu’on a eu 25%. Ca se passait plutôt bien. Et puis il y a eu l’idée de faire un maxi et ça a été le début des ennuis…DWT : …suite à l’affaire « Je reste underground », le fameux morceau qui brossait les Marseillais ?
Sheryo : Virgin était d’accord pour sortir ce morceau en maxi. A l’arrivée, on a été obligé de le sortir nous même. De Buretel avait reçu un ultimatum de la part d’Akhenaton. A partir de là, c’était devenu un peu plus tendu avec eux. Ils voulaient écouter les morceaux avant de les sortir alors que le contrat stipulait que je n’avais rien à leur faire écouter. Je le comprends, De Buretel, je suis là, j’insulte Akhenaton, le mec qui lui rapporte le plus d’oseille dans le rap français. De l’autre coté, t’as Akhenaton qui lui dit «si Sheryo fait son morceau chez Virgin, je signe les Psy 4 de la Rime autre part». De Buretel : «Bon, ben on va arrêter les conneries Sheryo…». Il m’a ensuite sorti des trucs de ouf : je te paie l’enregistrement, le studio, le pressage, la distrib mais il faut que ça sorte en white label, un truc tout blanc où il a juste écrit Sheryo. C’était ça le deal. On lui a dit «t’es un ouf, on va faire une belle pochette et on va le sortir nous même». Depuis, ça n’a plus jamais était pareil…Je le comprends, De Buretel, je suis là, j’insulte Akhenaton, le mec qui lui rapporte le plus d’oseille dans le rap français. De l’autre coté, t’as Akhenaton qui lui dit «si Sheryo fait son morceau chez Virgin, je signe les Psy 4 de la Rime autre part».
DWT : Tu penses carrément qu’il y a eu un avant et un après avec ce morceau ?
Sheryo : Mais bien sur. Le morceau était enregistré, mixé par Reptile. C’était une face B, il y avait en face A « Le Salaire de la Galère ». Le mec du marketing qui taffait avec nous à l’époque me dit que c’est chaud en ce moment et qu’il y avait une réunion prévue avec les mecs d’Hostile pour faire écouter le morceau afin que tout le monde le valide. J’arrive, super matinale, 9 heures du matin, un truc de ouf. J’ai raté une série à cause de ça (rires). Je fais écouter le morceau, il y avait l’autre Benjamin Chulvanij le DG d’Hostile, le DG de Virgin, des chefs, des responsables, le marketing, la distrib, etc… Tout le monde disait que c’était super bien. Deux jours après on me dit que finalement le morceau ne pourra pas sortir sur Virgin, Benjamin avait fait un petit caca nerveux. Il n’était pas du tout d’accord et avait grave les nerfs. Après différentes manigances en coulisses, De Buretel nous donne rendez-vous pour nous dire qu’on le prend en otage et qu’Akhenaton disait de lui qu’il lui avait planté un couteau dans le dos en signant Sheryo… Akhenaton pensait que De Buretel pouvait claquer des doigts pour que ce disque ne sorte pas. Il a eu une super surprise quelque temps après quand il l’a vu dans tous les magasins ! Il pensait que moi, je suis comme lui et que j’ai besoin des maisons de disques pour sortir des titres. On a pressé nos CD, nos vinyles et avec nos petits bras, on est parti les déposer à la FNAC, à Virgin, dans tous les magasins indépendants. Pour la province, on arrivait à Virgin, on prenait un bureau et on faisait nos envois de chez eux ! On allait même faire des radios. Résultat et ironie du sort : on a été mieux classé au top des ventes qu’un single de Janet Jackson qui était sorti chez Virgin !DWT : Tu as pu t’expliquer avec Akhenaton avant d’en arriver à faire vos attaques respectives sur disque ?
Sheryo : J’ai essayé au téléphone. J’avais eu Akhenaton, son frère (manager) et un autre mec. Au début, il ne voulait pas décrocher. Il a pété un câble parce que j’avais le numéro de chez lui, de son portable, de sa meuf et le numéro du studio. Avant que les morceaux soient enregistrés, je lui avais expliqué que je ne le lui permettais pas d’insulter ma démarche dans ses interviews, que je m’étais fait connaître par le micro et les impros alors que lui, c’était parce que Joey Starr avait ramené ses maquettes de Marseille à Paris. Il s’était calmé tout de suite… « C’est quoi le truc ? On a le droit de ne pas t’aimer. Avant quand j’achetais son premier album, sa première K7, ses maxis, j’étais un gars génial ? » Maintenant qu’il sort des trucs tout pourris comme Electro Cypher ou La Garde, je n’ai pas le droit de dire que c’est nul ? Il a fait sous entendre que j’étais téléguidé par NTM alors que je ne les connais même pas ! Je les croise de temps en temps mais vite fait. Même si Joey Starr m’avait dit « bien le morceau ! » un jour quand je l’avais croisé (rires). Puisqu’Akhenaton était si fort en rap, je lui avait proposé de faire un clash. Il avait refusé en disant qu’il était au dessus de ça. Attends, deux semaines avant, j’avais vu RZA faire une Battle à New York… À ce que je sache RZA est plus respecté que lui ! C’est un monument du hip hop, lui, et il n’est pas au dessus des battles. Je lui avais dit qu’il était hip hop que quand ça l’arrange, qu’il se rappelle des graffs et des breakeurs que quand ça revient à la mode. Sinon tout le reste du temps, il est en chemise et ses concerts bizarre en Égypte. Ça s’est calmé, ça s’est énervé. C’est là qu’il me dit que de toute façon il avait fait un morceau pour les gars comme moi et Ekoué qui s’appelle « C’est Ca Mon Frère ». Ah bon ? Bah d’accord fais ton morceau et nous on va faire le notre. On laissera les gens décider. À l’époque, en plus, il ne fallait pas me chauffer en mode clash…Je ne permettais pas à Akhenaton d’insulter ma démarche dans ses interviews. Je m’étais fait connaître par le micro et les impros alors que lui, c’était parce que Joey Starr avait ramené ses maquettes de Marseille à Paris. Il s’était calmé tout de suite…
DWT : On se souvient aussi de ta rime concernant un autre mc : « j’suis pas wack, j’suis pas Rockin’ Squat… » ?
Sheryo : C’était par solidarité avec mon pote Ekoué. Ils étaient en bif alors moi aussi j’étais en bif. Je ne le connais même pas Rockin’ Squat…DWT : Et puis ça a été au tour de Mc Jean Gab1 de mal parler sur toi dans « J’t’emmerde »…
Sheryo : Il avait dit qu’il m’avait appelé pour me prévenir que le morceau « J’t’emmerde » allait sortir et que j’étais dedans mais qu’il ne fallait pas que je le prenne mal. Il ne l’a pas fait ! En vérité, moi, je m’en fous. Ce que je n’ai pas compris, c’est qu’il citait mon nom au milieu de mecs qui vendent grave des disques alors que je n’en étais pas là… C’est Less du Neuf qui a écrit ses textes. Ca, surtout, il ne le dit pas. Sur le coup, j’ai arrêté de leur parler. J’ai coupé les ponts avec eux et j’ai dit à Ekoué d’en faire de même mais il était pote avec Vasquez… Ce qui me fait rigoler, c’est que Less du Neuf sortent des phases sur les gens que eux n’auraient pas pu dire directement. Ils préféraient être pote avec tout le monde dans le «peura». Mais, ça ne leur a pas réussi.DWT : Comment résumes-tu la période du label Anfalsh ?
Sheryo : Avec Casey, on se voyait souvent à la cité, au «212». C’est la cousine d’un mec qui habitait dans ma cité. Elle habitait vers Fort d’Aubervilliers je crois. Elle avait déjà un groupe, Spécial Homicide et moi j’avais le mien, DSP. C’est à partir de la qu’on a commencés à faire des trucs ensembles. Quand on a eu l’opportunité de signer en licence à Virgin, on a fait le délire Anfalsh. Au début, il n’y avait pas de nom. C’était moi et Casey. Après il y a eu B James, Navea, Prodige, Acto, notre DJ Cool A et aussi Hery le beatmaker.DWT : Vos rapports ont été tendus par la suite…
Sheryo : Chacun fait ses trucs de son coté. Par expérience, je peux te dire qu’un groupe, ça ne dure jamais longtemps. Les gens qui pensent qu’un groupe va durer jusqu’à la mort, c’est qu’ils ne connaissent rien à la musique, ni au groupe. Tu ne veux pas tout le temps, au même moment, la même chose que le mec qui est avec toi. Après, il y a des trucs personnels qui se greffent à ça. Tu vois les gens moins souvent. Moi, j’ai choisi de me mettre sur le côté. Il y a pleins de trucs qui m’avaient soulé.DWT : Ton absence est visible ces dernières années… comment se fait-il que nous t’ayons perdu de vue ?
Sheryo : A un moment donné, j’ai fait un vrai break avec le « peura ». Je faisais des trucs alternatifs, une compil à gauche, une compil à droite. Deux, trois mix-tapes vite fait…A un moment, c’est vrai que ça m’avait super saoulé. J’avais remarqué qu’il y avait plein de truc qui était grave « fake » dans le peura.
DWT : Le rap t’avait saoulé ?
Sheryo : Ce qui m’avait saoulé, c’était tout le temps d’avoir à me justifier. Alors que quand je faisais des trucs dans les sound system ou avec des militants, personne ne venait me casser la tête en me disant « tu as dit ça sur ci, tu as dit ça sur ça…» Je n’avais plus ce truc de me dire « il faut que je sorte un truc !». Et là, je suis revenu un peu dans ce trip de vouloir sortir quelque chose car j’ai des nouveaux textes… et puis on va pas se mentir, c’est le seul truc que je sache faire plus ou moins ! (rires) Mais à un moment, c’est vrai que ça m’avait super saoulé. J’avais remarqué qu’il y avait plein de truc qui était grave « fake » dans le « peura ». Tu connais un mec depuis 3 mois et quand tu le croise en «résoi», il te checke comme si tu le connaissais depuis douze piges ! Moi j’ai toujours eu un peu du mal avec ce genre de délire. J’ai déjà des potes, j’ai pas besoin du « peura » pour en avoir. Et puis quand je ne fais pas de « peura », je ne suis pas triste. Bon c’est vrai que, quand j’en fais, je suis content.DWT : On t’avais entendu dire il y a quelques années que tu préférais faire des interviews pour les médias alternatifs plutôt que des magazines en kiosque. Peux tu nous en donner les raisons ?
Sheryo : Parce que déjà, j’ai eu plus de proposition d’interview de ce genre (rires)…DWT : Tu avais dit ça à une époque où tu étais un peu plus exposé…
Sheryo : Par exemple Groove, Radikal ou L’Affiche, à chaque fois j’ai fait des interviews pour eux, c’était parce que c’était des mecs que je connaissais. C’était soi Mouloud, Jean-Pierre ou Vincent Courtois, j’avais pas l’impression que c’était des gros trucs. Après, c’est vrai que je préférai faire des interviews dans les fanzines parce que l’interview reste en général en entier et tu sens que ça ne change pas trop. Parce que des fois, je ne disais pas les choses comme elles étaient écrites. Ou des fois, on essayait de me faire passer pour Rimbaud alors que je ne sortais que des conneries.DWT : Tu marques ton retour à la rentrée, tu peux nous en donner des détails ?
Sheryo : Il y a « Ghetto Trip 2 » avec sept ou huit morceaux qui arrive et qui devrait sortir vers novembre/décembre 2012. Sinon, on doit poser un truc sur les « Cool Sessions » que Jimmy Jay prépare. C’est toute une galère, c’est pas nous qui avons choisi l’instru…. Je connais son cousin, je ne savais même pas que c’était le sien. C’est lui qui nous a proposé et Jimmy Jay a accepté. Normalement, je devrais poser un morceau s’il l’accepte, car il ne faut pas dire de gros mots…DWT :…il faut être cool quoi ! (rires) tu vas y arriver ?
Sheryo : Je vais essayer (rires) mais j’ai rien promis. Je ne sais pas si c’est le cas mais il devrait y avoir Lino, le Rat Luciano, et tout… Mais je me suis dit qu’ils ont du dire des gros mots eux (rires) ! Pourquoi il n’y a que moi qui n’ait pas le droit d’en dire ! C’est quoi ce truc (rires). Je fais aussi un truc avec Papi Frédo, qui sort avec Lion Scot : « Les Boss du Rap». Il y a aussi pas mal de monde qui pose dessus, Daddy Lord C…Il y a « Ghetto Trip 2 » avec sept ou huit morceaux qui arrive et qui devrait sortir vers novembre/décembre 2012. Sinon, on doit poser un truc sur les « Cool Sessions » que Jimmy Jay prépare.
DWT : De quelle manière te mets-tu à l’écriture ? Comment choisis-tu tes thèmes ?
Sheryo : Un morceau comme celui sur le conflit israélo-palestinien que j’ai fait, je me prends grave la tête. Je ne voulais pas faire un morceau où tu dis « c’est pas bien, c’est pas juste… » où il y aurait un parti pris, même si je prends partie dans le conflit. J’ai essayé de faire un truc plus ou moins objectif. Ca m’a pris grave du temps. Un texte comme ça demande beaucoup plus de temps qu’un texte freestyle ou un texte sur le 9.3. par exemple qui vient direct et qui est vite fait. Alors que quand tu fais un truc sur la Palestine où des trucs un peu plus sérieux, tu ne peux pas te permettre de dire aussi n’importe quoi. J’essaye d’être irréprochable sur ce genre de thème, au niveau des sources et tout. Je l’avais fait un jour en concert et le « big up » qui m’avait fait le plus plaisir venait d’un mec qui habitait en Israël. Il m’avait dit que le morceau défonçait et qu’il fallait le sortir là-bas ! Il aimait bien le fait que ce ne soit pas antisémite. Evidemment, il y avait aussi plein de mecs qui me disaient « wouallah ça déchire, il est trop bien ton morceau » mais ces avis ne sont pas assez constructifs. Sinon, je ne fonctionne pas spécialement par thème dans mon écriture. C’est plus des impressions. Quand j’ai commencé le « peura », j’écrivais tous les jours au moins un couplet. Après au fur et à mesure, j’écrivais de temps en temps. Après, j’écrivais que quand il y avait un truc à faire. Et là, récemment, j’écris que quand il y a un truc urgent à faire. Par exemple, je vais trouver une rime, je ne vais l’écrire tout de suite, je vais essayer de m’en rappeler. D’ailleurs, il faut que je me rappelle d’une rime que j’ai trouvé hier… Si je m’en rappelle et qu’elle est bien, je vais peut être écrire un truc dessus. Revenir dessus 15 jours, 1 mois après pour essayer de finir le truc. S’il y a un thème qui se dégage, je vais essayer de tenir le fil. Si j’ai une idée qui viens, je l’écris. S’il n’y a rien qui vient, j’écris rien.DWT : Ton appartenance au 93 est très marquée dans tes textes, voir très revendicatif. Tu places la Seine-Saint-Denis au dessus de la mêlée ?
Sheryo : On a quand même les rappeurs les plus anciens. Et puis, c’est clair le 93 est un département à part, les gens le savent. Je le dis tout le temps aussi parce que j’aime bien la rime. Ce n’est pas non plus un truc super réfléchi. Quand j’ai commencé dans le «peura», j’entendais toujours les «kainris» dirent «Represent ! Represent !» Après je me suis dis que c’était un truc normal dans le rap. Il faut représenter d’où tu viens. Bon après j’avoue, je ne veux pas manquer de respect aux autres mais c’est plus facile de représenter le 9-3 ! (rires) Il fallait représenter la cité, la ville même si elle pue la merde comme la mienne. Tu es obligé de représenter un minimum. On a été obligé de changer Blanc-Mesnil par « Blankok » car ça faisait vraiment naze (rires). Je l’ai fait parce que pour moi c’est une figure imposée du « peura ». Et puis il y a toujours un truc à dire sur le 9-3.…C’est un truc normal dans le rap, il faut représenter d’où tu viens. Bon après j’avoue, je ne veux pas manquer de respect aux autres mais c’est plus facile de représenter le 9-3 ! (rires)
DWT : D’ailleurs, que fais-tu quand la « misère t’accable et que le diable s’invite à ta table » ?
Sheryo : Je mets un peu de sel et aussi un peu de piment, j’ai l’impression de manger plus ! On rajoute toujours du piment quand c’est la misère… (rires)DWT : Tu as des regrets sur tes positionnements ? Tu n’as pas eu quelque fois un comportement « suicidaire » au niveau de ta carrière ?
Sheryo : Vu que je n’ai jamais fait exprès de faire ces «ketrus»… Comme je disais, je n’ai jamais fait exprès de signer à Virgin, de faire des clashs et tout. Je ne peux pas avoir de regret puisque je n’ai jamais fait exprès. Je n’ai jamais fait de plan. J’aurai des regrets si j’en avais fait et qu’ils auraient foirés ou trop bien réussis, mais ce n’est pas le cas du tout. Je n’étais pas dans un mode carrière sinon j’aurai essayé de me faire plus de potes dans le rap ! Je regrette plus des trucs de la vie que des trucs du rap en fait.