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Ali, accords de paix

Société
Flynt, L'Indis

Ca m’a tellement touché que ça fait partie des éléments déclencheurs qui m’ont permis de me remettre en question.

« Si tu en tues un, protège ton dos, il en reste un ». Ali est celui-là. Il est l’artiste rescapé du label 45 Scientific, historiquement composé du « métisse café crème, MC cappuccino criminel au M.I.C. », d’Ali, de Jean-Pierre Seck et du général Géraldo toujours aux ordres des productions du 45. Ali, personnage atypique et charismatique du rap hexagonal, vient de signer son troisième album solo, un cap important dans la carrière d’un artiste. L’encre a bien coulé depuis ses débuts sous les noms de Daddy Ali et Poète Musulman. Le R.A.P. et son game ne sont pourtant pas sa première préoccupation. C’est avant tout l’Islam et sa pratique qui rythme sa vie. Avec un fort attachement aux valeurs de sa religion, prônant paix, amour et unité, Ali nous livre son rapport à la musique et ses sentiments sur son parcours. Il tombe à pic. C’est en ces heures troubles pour l’opinion publique mondiale que nous le rencontrons. Ali déclare dans l’interview « Avant de vouloir défendre quelque chose, il faut le vivre pleinement ». Alors nous l’accueillons volontiers dans les colonnes du média qui vit pleinement le hip hop français depuis plus de 20 ans !

Down With This : Ton vrai prénom est Yassine. Ali est l’acronyme d’ « Africain Lié à l’Islam », parle-nous du lien que tu entretiens avec ce continent.
Ali : A un certain moment, il y a eu un mouvement qui consistait à jouer avec les mots, comme avec C.R.E.A.M. de Wu Tang. A cette époque c’était Daddy Ali, Daddy Yod, Daddy Lord C… Ce n’était pas « Africain Lié à l’Islam » dès le départ. C’est venu avec le temps, avec un mouvement et une culture de l’époque. Et même, ce n’est pas parce que Wu Tang avait fait C.R.E.A.M. que je l’ai fait de mon côté. Il y avait une globalité à faire ça. Le premier lien, c’est celui avec le Maroc, avec mes oncles, mes tantes présentes dans ce pays. Ensuite, j’ai pu voyager au Sénégal et en Guinée, donc c’est vraiment un lien fraternel qui est très important pour moi. On va dire que c’est un rapport de fraternité, tout simplement. Plus jeune, j’étais très attaché à ce continent, j’y suis toujours, mais ayant voyagé, je le vois autrement. Je vais maintenant plus m’attacher à l’individu et aux rencontres. Je peux avoir de très bons souvenirs avec des personnes rencontrés en Europe. Ce n’est plus réellement un attachement centré uniquement sur le côté « afro-centrique ». Au contraire, c’est plus un sentiment d’ouverture. C’est vrai que je suis panafricain mais ce n’est pas un panafricanisme de retrait, de clôture… Au contraire, je suis humain et j’ai appris par le voyage à avoir le même rapport avec des frères africains, des frères européens, nord américains ou asiatiques.

DWT : Tu vis en Indonésie, le pays musulman le plus peuplé au monde, es-tu en contact avec des artistes de la scène hip hop Indonésienne ?
Ali : Je suis entre la France et l’Indonésie. En Indonésie, je suis à la capitale, Jakarta. Ma femme et mes enfants sont là-bas. La plus grande a 15 ans et les deux petites dernières ont 5 et 8 ans. J’ai un rapport familial très fort, et on va dire très intime. Pour ce qui est du hip hop en Indonésie, j’ai déjà vu du graffiti à Jakarta. L’univers hip hop est présent dans ce pays mais comme je suis très souvent en déplacement en France, je n’ai pas encore approfondi cela. C’est très récent.

DWT : Pourquoi ne pas avoir choisi le Maroc, pays de tes parents ?
Ali : C’était un choix de vie. A un moment, ma femme qui vivait en France a voulu retourner vivre en Indonésie. Par amour, j’ai suivi ce qu’elle voulait faire.

Il y avait donc ce rapport d’enfants, d’amitié, d’aventure mais aussi de voir les plus grands faire déjà du rap et faire tourner des cassettes de funk ou de rap entre eux. Certains d’entre eux dupliquaient des cassettes, d’autres graffaient.

DWT : Quels souvenirs gardes-tu des Epinettes à Issy-les-Moulineaux (92) ?
Ali : C’est un souvenir très léger parce que j’étais petit. On cherchait à se réunir avec les plus grands et les jeunes de notre âge. C’est des souvenirs de début d’adolescence. C’était agréable, les premières rencontres. Dans un texte je dis que « ça commence par vouloir ressembler aux aînés, le grain de café au cou, à la peau de lézard aux pieds, on finit engrainé« . C’était la mode des Weston, de la funk et de s’habiller d’une certaine façon. Il y avait donc ce rapport d’enfants, d’amitié, d’aventure mais aussi de voir les plus grands faire déjà du rap et faire tourner des cassettes de funk ou de rap entre eux. Certains d’entre eux dupliquaient des cassettes, d’autres graffaient. On marchait en sortant de l’école, on parlait de tout, on rappait, c’était ça les Épinettes.

DWT : Peux-tu nous resituer brièvement ta provenance sociale ?
Ali : Je suis né à Paris 14ème. Mon père a effectué beaucoup de travaux difficiles avant de pouvoir ouvrir un commerce. Il a eu une intégration compliquée. À ma naissance, il était déjà commerçant. Ma mère était professeur de langue marocaine à Colombes.

DWT : Certains pratiquants se revendiquent d’un courant ou d’un autre de l’Islam. Te réclames-tu de cela et est-ce que tu en suis un plus particulièrement ?
Ali : Je ne me définis d’aucun courant religieux, je suis musulman. L’Islam étant un, malgré les différentes écoles, groupe et confrérie. Le socle de l’Islam est vraiment un. On reconnaît tous les prophètes depuis Adam, Abraham, Moïse, Jésus. Ce sont nos prophètes. Le prophète Mahomet, que la paix de Dieu soit sur lui, est le dernier prophète. On est tous d’accord là-dessus. On a une révélation sur laquelle on est tous d’accord : celle de Gabriel. On a aussi le Dieu unique, qui nous relie avec nos frères juifs sur ce plan là et à nos frères chrétiens qui le définissent en tant que père. Je garde donc vraiment l’essentiel et le socle premier qui sont ces éléments. Je ne m’éloigne pas de l’essentiel. Les groupes, les divergences sont des portes que je ne franchis pas. Le premier repère que j’ai, c’est mon père, tout simplement, et ma mère. La famille étant très importante, c’est ce chemin que je suis : celui de l’héritage. Le fait de voir son père pratiquer et de vivre ça sereinement, c’est le premier des repères.

DWT : Beaucoup de rappeurs ont, ou ont eu, des positions divergentes sur la pratique de l’Islam vis à vis du rap. On pourrait citer à ce propos des artistes comme Kéry James, Abd Al Malik, Médine ou Fabe. En ce qui te concerne, comment concilies-tu les deux ?
Ali : Tout est lié, vraiment. Ma foi, c’est mon moteur, ma locomotive. Il y a un très beau verset du Coran que dieu nous donne : Dieu parle à David et lui rappelle par rapport au psaume que David avait la plus belle voix et que ses merveilleuses psaumes étaient psalmodié. On était dans le chant. Dieu lui rappelle : « Oh David, ne suis pas le chemin de tes passions, elles peuvent t’égarer du sentier de Dieu ». Cela veut dire que quand il y a un rapport passionnel, il ne faut pas mettre sa passion, sa locomotive au dessus de son obéissance aux commandements, à partir du moment où le rapport avec Dieu est par l’intention, que j’espère sincère, propre et éclairé, la machine est en marche et le reste va suivre cette direction. Il y a des choses évidentes. Les formes d’art ont toujours fait partie des cultures humaines. Je décris la culture comme de la végétation qui pousse avec de la mauvaise herbe. Et l’Islam, c’est tout simplement : « retirons la mauvaise herbe intérieure » !

DWT : A chaque sortie d’album, tu nous sors un classique. 2005 : « Préviens les autres » (featuring Hi-Fi), 2010 : « Positive Énergie »… Tu fais le pari sur quel titre en 2015 ?
Ali : Je ne parie pas, déjà. Je suis content de tout : l’album, les 14 titres. Dans la globalité, le bonheur pour moi, c’est d’avoir fait un titre dans ma vie qui s’appelle « Que la paix soit sur vous ». C’est très important et j’espère pouvoir diffuser ce message de paix. J’ai une phrase très importante avec un mot clé : « Avant de parler de paix, je me dois de parler en paix ». On a souvent parlé de paix dans les thématiques mais émotionnellement, on n’est pas en accord avec ce qu’on dit. Avant de vouloir défendre quelque chose, il faut le vivre pleinement. Pareil pour les rapports humains. A un moment, ça ne servira à rien de rentrer dans des débats intellectuels et interminables tant que la source même n’est pas paisible. On ne trouvera jamais de solution. C’est pour cela que le titre important de mon album est tout simplement « Que la paix soit sur vous ». C’est ce qui relie les autres, ce qui définit l’essentiel de cet album.

Dieu merci, on est notre libre arbitre. Mais on fait des choix en respectant une certaine obéissance. On a alors de meilleurs résultats que ce qu’on aurait pu espérer.

DWT : Tu viens de signer ton troisième album solo, un cap important, comment le perçois-tu ?
Ali : Mes albums sont cohérents par rapport à un certain âge. Souvent, quand je parle avec des gens proches de la trentaine, ils mettent la musique dans des cases, soit noir, soit blanc. C’est comme ça ou comme ça. Souvent, une fois marié, on commence à se poser les vraies questions. On revient sur soi-même, sans vouloir nécessairement être dans un repli. Je pense que c’est essentiellement des accompagnements de vie et d’âge. Je comprends mieux ce que j’ai voulu faire à l’époque et je m’y retrouve aujourd’hui. J’espère encore m’épanouir et m’améliorer. C’est des cheminements qui, avec le temps, sont pour moi logique. Dans « Chaos et harmonie », même dans le graffiti, on voyait le côté chaotique en train d’exploser dans l’écriture. A un moment, c’est devenu un choix de vie plus évident. Inconsciemment l’album suivant, « Le Rassemblement », regardait vers le côté harmonieux de l’album précèdent. Il y a des logiques. C’est ce qui est beau dans le rapport à Dieu. Ce n’est pas nous qui faisons tout à certain moment. Dieu merci, on est notre libre arbitre. Mais on fait des choix en respectant une certaine obéissance. On a alors de meilleurs résultats que ce qu’on aurait pu espérer. C’est ce qui est très bon en l’Islam. La foi, c’est ce qui nous permet d’éclairer nos lendemains. Je pense que c’est ça, c’est un parcours de foi sur le long terme à travers ces trois albums. Rien qu’à l’écoute, « Chaos et Harmonie », c’est vrai que c’était très lourd, très sombre à l’époque. Avec « Le Rassemblement » ça s’est éclairci d’un point de vue personnel. Sur le troisième, c’est un juste milieu. Comme on dit, en l’Islam, se marier c’est la moitié de sa religion. Je le ressens vraiment. C’est un épanouissement, un élargissement du cœur. C’est une très belle chose que de se marier. Après, avoir des enfants, c’est magnifique, cela nous rappelle, une fois de plus, Dieu. Malheureusement, aujourd’hui, les gens ne croient plus au miracle. Pourtant le fait de voir un bébé naître est le plus beau miracle. Cette vision adoucit le cœur.

DWT : Ton travail est emprunt de mélancolie ; comment la ressens-tu au quotidien ?
Ali : C’est vrai qu’à une certaine époque, il y avait énormément de mélancolie dans mon écriture, surtout dans « Chaos et Harmonie », vers 2005. Ça fait partie de la culture française avec l’accordéon et le côté parisien. C’est une beauté avec de la tristesse dedans. Je me suis détaché de cette mélancolie car elle est dangereuse. C’est une porte ouverte à la tristesse, voir à la déprime. C’est très dangereux. Le côté noir et blanc, je l’ai cassé car il y a des couleurs dans la vie. Le danger de l’obscurité, c’est de rester enfermé dedans. Quand on parle de grisaille, on voit tout en gris. Alors que non, il y a de la couleur dans la vie et je suis très heureux de pouvoir en mettre dans mes albums.

Je n’ai pas envie d’être un rat de laboratoire enfermé dans des zones qui n’existent pas dans la réalité de la vie. Les zones, les frontières n’existent réellement que sur le papier.

DWT : Explique-nous cette habitude que tu as dans tes textes à citer des lieux ou des villes ?
Ali : Les villes c’est des rattachements. C’est ce que je disais dans un album précédent : « Les murs de mon 92 n’ont pas muré mon esprit ». Je n’ai pas envie d’être un rat de laboratoire enfermé dans des zones qui n’existent pas dans la réalité de la vie. Les zones, les frontières n’existent réellement que sur le papier. C’est très dangereux de vivre dans des cases et je n’ai pas envie de rester enfermé. Il faut faire des rappels et ne pas être dans le nombrilisme.

DWT : Donc plus de « 9.2.i » ?
Ali : J’ai 39 ans maintenant. Mais à un certain moment, oui… A un certain âge, tu veux représenter. Comme quand tu fais tes premières radios et que tu ne parles que de tes copains et tes amis. C’est dans la culture hip hop que de représenter mais à un moment, on a la chance de grandir, de voyager et de voir quelque chose de plus grand. Il faut élargir son champ de vision. C’est ce que les gens oublient à chaque fois. A différents âges, le cerveau n’est pas pareil. Heureusement, il évolue. Tu as périodes très sensorielles comme quand tu vas apprendre à marcher par exemple.

DWT : On sent que tu rêves d’unité. Vois-tu cela de manière anecdotique dans le hip hop et plus sérieusement dans l’Islam ?
Ali : Ça commence déjà par soi-même. L’union commence par la sincérité qu’on a envers ceux à qui on croit. Prends un parti politique, ils vont splitter rapidement, au bout d’un an ou après des élections par exemple, car la plupart fonctionnent par intérêt. La famille est très importante aussi mais même au sein de celle-ci il y a des cas de divorce, des mésententes entre frères et sœurs. On en revient à Abel et Caïn. Je veux être qui ? Ce n’est pas spécifique au hip hop ou à l’Islam. C’est spécifique à l’individu et son rapport à l’autre.

Je me souviens d’un frère de La Brigade qui s’appelle Davis. Il était venu me voir avec une douceur que je n’oublierai jamais. (…) Ca m’a tellement touché que ça fait partie des éléments déclencheurs qui m’ont permis de me remettre en question.

DWT : Un ex-rappeur, Fabe, converti à l’Islam depuis, avait critiqué à une autre époque les paroles du groupe Lunatic auquel tu appartenais. Irais-tu dans son sens aujourd’hui ?
Ali : Je vais dans son sens avec la compréhension qu’un jeune reste un jeune. Quand je vois un adolescent avec quelque chose de négatif, avant d’être dur avec lui, je vais essayer de lui faire comprendre. Je me souviens d’un frère de La Brigade qui s’appelle Davis. Il était venu me voir avec une douceur que je n’oublierai jamais alors que le gars est un « placard ». Il m’avait dit : « Frère, ce n’est pas bon ». Quand tu es fort et que tu n’es pas dur, que tu as la possibilité de l’être mais que tu ne l’es pas, c’est ça la véritable force. La manière dont il m’a transmis quelque chose m’a tellement touché que ça fait partie des éléments déclencheurs qui m’ont permis de me remettre en question. C’est par des rencontres qu’il y a des cheminements. Ce ne sont pas des choses hasardeuses. C’est encore une fois un rapport de cœur. Il m’a parlé avec son cœur et ça a porté ses fruits avec le temps. Donc j’essaie d’avoir ce rapport là avec les plus jeunes en me disant « c’est des ados » il faut avoir une certaine manière de leur parler. Chez nous, on nous met dans des cases « délinquance » en oubliant qu’on parle d’adolescents. Quand tu as des adolescents de bonnes familles, venus de milieux sociaux très favorables et qu’ils font quelque chose de mauvais, tout de suite on va trouver un psychologue pour qu’il y ait un suivi et une compréhension. Mais nous, non. Les animaux restent des animaux. On va les civiliser donc il y a un rapport très hautin avec lequel il faut faire très attention. Il y a un rapport humain sur lequel il va falloir revenir et pouvoir se dire qu’un enfant reste un enfant et qu’un ado se cherche entre l’enfance et l’âge adulte. C’est pareil pour tout le monde. Donc oui, j’ai suivi cette direction mais de façon plus douce.

Je n’avais rien à prouver à qui que se soit. Je ne l’avais pas pris personnellement et ça ne m’avait pas touché. Par contre, les faux durs, c’était les bouffons qui à l’époque aimaient envenimer ce truc. C’est toujours ces lâches là qui attendent qu’il y ait une embrouille pour parler.

DWT : Tu trouves donc que Fabe avait été trop dur avec vous à l’époque ?
Ali : Avant de critiquer quelqu’un, il faut d’abord essayer de le connaître, de comprendre son cheminement et pourquoi il dit ça. Fabe est quelqu’un que j’aimais beaucoup, que j’appréciais artistiquement quand j’étais plus jeune et que j’apprécie aussi humainement. Dans mon cœur, j’étais dans mon monde. La preuve : quand on est touché, on répond. J’étais dans un tempérament où tu remets les choses à leur place, pas par interférences mais en relation direct. Quand ça arrivait, on rencontrait la personne et on en parlait. On s’est vu à la mosquée une fois, après qu’il ait quitté le rap. C’est mon frère, il n’y a aucun problème là dessus. Et même avant, c’était déjà mon frère. Le problème, c’est les gens qui mettent de l’huile sur le feu. C’est chaud pour celui qui va mal le prendre. Je n’avais rien à prouver à qui que se soit. Je ne l’avais pas pris personnellement et ça ne m’avait pas touché. Par contre, les faux durs, c’était les bouffons qui à l’époque aimaient envenimer ce truc. C’est toujours ces lâches là qui attendent qu’il y ait une embrouille pour parler.

DWT : Que penses-tu de la stratégie des clashs dans le rap ?
Ali : Je n’aime pas ça. On en revient encore à Abel et Caïn. Je n’en fais pas, ça ne m’intéresse pas. Je l’observe une fois de plus mais ce sont deux choses différentes de faire et d’observer. Le clash, c’est une culture comme avec Mohammed Ali avant de monter sur le ring. J’espère ne jamais devoir en faire. J’ai fais des cypher à New York mais ce n’était pas des battles. Juste pour montrer ton adresse et faire voir ce que tu sais faire.

Il va falloir des excuses de la part de ceux qui me mettent ça sur le dos. Pour moi, ça c’est insultant. C’est plus insultant que ce que vous venez de me demander concernant Fabe.

DWT : Ton avis sur l’idée qui circule que ton ancien groupe ait « lancé et validé le concept d’islamo-racaille »… ?
Ali (agacé) : Déjà, je n’ai rien lancé du tout. Donc il va falloir des excuses de la part de ceux qui me mettent ça sur le dos. Pour moi, ça c’est insultant. C’est plus insultant que ce que vous venez de me demander concernant Fabe. Je ne vais pas rentrer dans les polémiques en cherchant à évoquer d’où ça vient. Je suis en paix, l’embêtement ne vient qu’avec celui qui le cherche. Le terme « islamo-racaille »… A un moment, il faut laisser l’Islam tranquille. Le banditisme est clairement proscrit dans les pages donc venir mettre le terme racaille avec Islam, c’est insulter l’Islam. Ce n’est pas juste moi. Comme reprendre le terme « islamo-fascisme », c’est insultant. L’Islam est un, il n’y a pas un « Islam-bisounours » ou un « Islam-fasciste ». C’est un juste milieu, un rapport de paix. Des gens qui associent ces préfixes avec l’Islam insultent cette religion. A l’époque, quand nous sommes venus, c’est vrai que c’était dur, mais pas racailleux. J’avais même des propos contre la mentalité racaille.

La réalité des quartiers, c’est qu’il y a des gens qui prient et d’autres qui se droguent. On n’a fait que refléter une réalité à un moment.

DWT : …Mais tu cautionnais l’attitude de ton collègue de l’époque en étant dans le même groupe…
Ali : Je ne cautionnais rien du tout. La réalité des quartiers, c’est qu’il y a des gens qui prient et d’autres qui se droguent. On n’a fait que refléter une réalité à un moment. Ca ne veut pas dire que je vais cautionner l’autre réalité. Elle existe. Tu crois, tu ne crois pas, tu pries, tu ne pries pas, tu te drogues, tu ne te drogues pas. Ça été une rencontre de réalité de terrain. Ça ne veut pas dire qu’en faisant cet album, je cautionne tous les vendeurs de drogues, tous les cocaïnomanes, ce n’est pas du tout vrai. L’Islam est une religion qui m’a permis de m’améliorer humainement donc il était naturel que j’en parle. C’était à un âge de transition et de changement de conditions sociales. A un moment, on veut s’améliorer dans la vie et « s’en sortir ». Je suis quelqu’un qui à la base veut faire les choses biens. Je voulais faire un bac littéraire, on m’a dit clairement : « ce n’est pas fait pour toi ». C’était très raciste à l’époque. Donc à un moment, il y a une révolte qui se crée : « Ah bon, c’est comme ça ? Donc je vais faire les choses par moi même et je vais me battre pour moi ». Il y avait à l’époque une rage et une colère. Mais aller jusqu’à dire que j’ai ramené « le concept de l’islamo-racaille », c’est très insultant. Dans un de mes titres, « Réflexion », je parle exactement de ça en disant : « Méfie-toi, c’est toi qu’on voit quand tu médis, quand tu parles de quelqu’un sans le connaître ». Cela révèle qui tu es, profondément. Ce sont des gens qui ont parlé de moi sans me connaître. J’étais en train d’exprimer un état d’être. Le rap c’est un moyen d’expression. On vient interpeller mon âme, d’être à être. Ça fait un effet boule de neige comme quand on a inventé le terme « juifs-voleurs-d’argent ». C’est dangereux. Aujourd’hui, on trouve normal d’employer le terme « islamo-racaille ». Avant, on nous appelait les Mahométans, c’était l’orientalisme, rien de nouveau sous le soleil. C’était les barbares, les indiens coupeurs de têtes sans connaître la culture qu’il y a derrière. L’Islam est propre de toutes les accusations d’untel ou untel. Le terme « islamo-racaille », je n’y ai jamais contribué. Ca n’existe pas, c’est une fantaisie.

L’Islam est propre de toutes les accusations d’untel ou untel. Le terme « islamo-racaille », je n’y ai jamais contribué. Ca n’existe pas, c’est une fantaisie.

DWT : Que penses-tu des groupes comme X-Clan, Brand Nubian, Poor Righteous Teachers, Mos Def ?
Ali : Pour moi, les pionniers de cette mouvance culturelle et musicale sont les Last Poets et Ahmad Jamal. C’est quelque chose qui automatiquement m’a parlé. Je n’ai jamais été enfermé dans une case. C’est la musicalité qui m’interpellait. Je n’étais pas dans Brand Nubian contre Vanilla Ice, ça devient raciste. 3rd Bass, c’était excellent. Là, on est dans la culture, la sensibilité et le respect de l’artistique. Ça me parle. Toute cette époque là était joyeuse. Sérieuse tout en étant légère, c’est ce que j’ai aimé.

DWT : As-tu un album de rap préféré ou un titre culte ?
Ali : Culte non mais on va dire plutôt d’accompagnement de vie. J’étais dans un rapport d’émotion et de plaisir. L’album qui m’a plus marqué était celui de Smif-n-Wessun : « Dah Shinin ». Je l’avais écouté toute une année sans écouter autre chose. Cet album était magnifique, il m’a marqué avec les phases « I shine, you shine » (sur Wrekonize). Il y avait ce rapport à l’autre, cette chaleur avec ce rapport humain. On n’était pas dans de l’individualisme. Et aussi, ramener du raggamuffin comme KRS1 dans le rap, j’ai trouvé que c’était une très belle alchimie.

Le hip hop a été synthétisé et les disciplines ont été regroupées mais il est beaucoup plus grand que cela. Le hip hop fait partie des vrais mouvements culturels.

DWT : Es-tu sensible ou solidaire des opinions que développe Louis Farrakhan de la Nation Of Islam ?
Ali : C’est un grand leader politique. Spirituellement, ce n’est pas mon cheminement. Nous n’allons pas dans la même direction. Mais il faut comprendre le parcours de mes frères afro-américains. Il n’y avait personne pour eux avant Marcus Garvey, peut-être même avant. Alors à un moment, il a fallu se structurer. Il a fallu des organisations car une entraide était nécessaire. Ce n’était que de la récupération à l’extérieur. J’étais sensible à ses actions pour défendre les jeunes afro-américains qui se font descendre dans la rue. Il est le porte-parole de ces injustices. Il y a une chose qui va nous relier très fortement, c’est le slogan : « Pas de justice, pas de paix ». Comme je le dis dans l’album : « être pacifier ne m’a pas rendu passif ». Les injustices, il faut savoir les dénoncer. Et c’est ce qu’a fait d’un point de vue politique Louis Farrakhan. Il y a une réalité de terrain, une réalité des conditions sociales qui fait que des gens sont dans la pauvreté. A un moment, il faut une entraide sans attendre après l’autre. D’un point de vue spirituel, c’est autre chose. Il faut comprendre d’autres points de vue, comme la franc-maçonnerie, Father Divine, les raéliens, le New Age qui est le satanisme… Je ne suis pas là pour juger, ils font ce qu’ils veulent. Je ne rentre pas dans les courants. Bien sur, on a tous le souffle de Dieu en nous. Mais on a eu un prophète avec un message clair. L’Islam est une religion. Je ne vais pas faire de la politique spirituelle pour arranger les gens. Le Coran, je ne vais pas commencer à le remettre en question. Les commandements sont : « il n’y a de Dieu que Dieu, rien ne peut lui être comparable ». Je m’accroche à ça. Dieu est bon. Un des attributs de Dieu est « Salam » : la paix. Si tu la ressens, ton cœur le perçoit. Le souffle de vie que Dieu nous a donné, on doit l’entretenir. La Zulu Nation, par exemple, c’est une autre école, avec le relais social des Black Spades. L’important, c’est la contribution qu’ils ont pu amener dans le développement individuel : est-ce que tu as permis à des gens de s’épanouir et de devenir meilleur dans la vie ? Le hip hop a été synthétisé et les disciplines ont été regroupées mais il est beaucoup plus grand que cela. Le hip hop fait partie des vrais mouvements culturels.

DWT : Ton album sort chez 45 Scientific. Pourquoi ce choix ?
Ali : Avec Geraldo, au niveau de la musicalité et de l’entente, on a eu un long parcours. Et le fait d’aimer réellement la culture nous a réuni. On s’est rencontré bien avant 45, bien avant Time Bomb donc c’est quelqu’un que je connais depuis suffisamment longtemps pour me dire que c’est un ami de longue date. Cela se fait naturellement.

DWT : Quelle est ton implication aujourd’hui au sein du label ?
Ali : Je suis producteur depuis le début chez 45. C’est de l’autoproduction avec une distribution par Musicast. Il n’y a pas d’artistes en signature pour le moment. On verra… Je ne me pose pas cette question. J’avance par expérience et aventure humaine. Si je dois le faire, je le ferai. Ce n’est pas nécessité ou par pression. Un label, c’est sortir des disques mais c’est aussi être une structure de qualité. En indépendant, on peut quand même être content de ce qu’on a fait. On est plus sur la défense d’un état d’esprit.

DWT : Tu as toujours dégagé une certaine aura, une prestance, un certain charisme bien différent des autres rappeurs français en es-tu conscient ? En joues-tu auprès de tes auditeurs ?
Ali : Ça serait grave parce que cela s’appellerait « être un gourou » et que Dieu me préserve de ça. J’essaie de suivre l’exemple de mon prophète en ne parlant que quand c’est nécessaire. Je n’ai pas souvenir qu’on m’ait parlé d’aura ou de choses comme ça. Je ne préfère donc pas en parler.

DWT : Tu as des enfants, les laisseras-tu écouter du rap ?
Ali : Oui, si c’est du bon rap.

DWT : Tu le définis comment ?
Ali : Quand il n’y a pas d’insultes.

DWT : Donc pas la tendance actuelle de la trap ?
Ali : Pas de case. Si ça se trouve, il y a de la trap sans insultes mais il faut chercher (rires). J’en suis sur et certain : il faut creuser, se renseigner. Un message important aux lecteurs : ne rentrez pas dans des cases !

L’Indis, recherche du sens

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Au bout d’un moment, quand ton public pourrait avoir l’âge de tes enfants, demande-toi si tu serais capable de dire la même chose à ton fils que ce que tu racontes à ton public.

Il était évident de retrouver un jour ou l’autre L’Indis en interview sur Down With This. Et pas seulement pour la rime. C’est chose faite. Voici quelques clés pour en comprendre l’évidence. Clé numéro 1 : son frère Lavokato. Membre actif de Down With This dans les années 1990, il constitue un de nos points communs et ce n’est pas un hasard. Mais n’y voyez pas de copinage sinon DWT vous aurez déjà servi de L’Indis à toutes les sauces : « Exclu : L’Indis revient dans le game », « Exclu : L’Indis nous dévoile en avant-première un extrait de son nouvel album », etc… Ce n’est pas notre genre, même s’il l’aurait mérité. Clé numéro 2 : des valeurs communes. L’analyse, les positions et le pragmatisme de L’Indis sont autant d’atouts qui nous garantissent une interview de qualité. Pour la clé numéro 3, on pourrait faire un parallèle entre Bobigny et Aubagne, entre les YZ et les bartavelles mais vous jugerez par vous-même.

Down With This : Racontes-nous le contexte familial et social dans lequel tu as grandi ?
L’Indis : Mon père était d’origine tunisienne, l’ainé d’une fratrie de cinq enfants. Il a quitté la Tunisie dans les années 1960 pour trouver du travail en France et pouvoir envoyer de l’argent à sa famille, notamment pour que ses sœurs puissent poursuivre leurs études. Il y est finalement resté pour fonder une famille et lui offrir un meilleur cadre de vie que celui qu’il a connu là-bas. C’est pour cela que ça me fait rire lorsque je vois des jeunes qui ont la flegme de prendre le bus ou le métro pour du travail alors que nos parents l’ont fait. Par contre, eux l’ont fait en quittant leur pays natal, leur famille, leur culture, leurs mœurs, leur tradition, leur langue d’origine… Ils ont eu beaucoup de courage. Ce n’est pas facile de tout quitter comme ça. Mon père a vécu à Paris dans une chambre de bonne et a rencontré sa femme à Belleville. Ils se sont ensuite installés à Bobigny, dans le confort illusoire des HLM et se sont fait avoir comme beaucoup de gens à l’époque. Mais il ne s’est jamais adapté au climat français et est décédé à la suite de problèmes respiratoires. J’avais treize ans. Ce genre de parcours me fait réagir… J’en avais tiré deux leçons : premièrement, ne jamais prendre une cigarette, ses problèmes respiratoires ayant été déterminants pour moi, et deuxièmement, face à la volonté qu’il avait eu pour nous offrir un cadre de vie, bosser à l’école pour honorer son courage. Cela lui faisait un souci de moins.

DWT : Tu as pris la décision de rester à Bobigny et d’y installer à ton tour ta petite famille…
L’Indis : J’en parle souvent avec des balbyniens que je croise, même des anciens : quand on a grandi à Bobigny, on a une espèce d’attachement. Je ne sais pas si c’est valable pour toutes les villes, mais Bobigny colle à la peau, on a du mal à la quitter ! La dalle de Karl Marx a été détruite l’année dernière mais comme disait un rappeur, pour ne pas le citer, c’était comme un aimant : j’ai passé les deux tiers de ma vie sur cette dalle ! (rires)

Ca me fait super plaisir que vous souligniez Bobigny sur la carte du rap français car on n’en parle pas assez.

DWT : Bobigny a très tôt été représenté dans le rap comme par Ménélik, Kabal, mais aussi par ton frère, toi et Nakk ou encore 3MP et Boss’Raw. Comparé à d’autres villes de Seine Saint-Denis, comment expliques-tu que cela ait pris aussi vite à Bobigny ?
L’Indis : Ca me fait super plaisir que vous souligniez Bobigny sur la carte du rap français car on n’en parle pas assez. Dès la fin des années 1980, au centre commercial, à côté d’un disquaire de l’époque, ça breakait déjà dur. A l’époque, ce mouvement était réservé à un petit cercle. Quand on allumait la télé, on ne pouvait pas tomber sur un truc pareil, ce n’était pas grand public. II y avait un petit vivier de hip hoper sur Bobigny et donc ça a créé un truc. Prends par exemple Boss’Raw ou 357, des mecs de l’Abreuvoir, ils se sont notamment mis dedans parce que certains de leurs anciens comme les BCW étaient déjà dans la danse à l’époque. Des gars comme Skade et MC Heims, qui sera connu plus tard sous le nom de Ménélik, ont fait partie de ces anciens. Ils ont été pris tôt dans le hip hop et connaissaient déjà les sapes, les codes, les références… Tous ces trucs qui leur était réservé car il n’y avait qu’eux qui les connaissaient ! Quand je les voyais revenir de Châtelet, ça a été un peu pour moi ma source d’inspiration car j’étais trop jeune pour y aller moi même. On avait des notions dans toutes les disciplines. A l’époque, quand tu entrais dans le hip hop, c’était avec un véritable état d’esprit.

DWT : Comment te retrouves-tu avec ton frère à te mettre dans le rap et fonder votre groupe, Les 10’, au début des années 1990 ?
L’Indis : Vers 1987/1988, nous sommes tombé sur une cassette de Radio Nova que le grand frère de Nakk, si je ne me trompe pas, avait ramené. Le premier truc qui nous avait fait kiffé, c’était un passage des New Generation MC’s. On était scotché sur leur manière de jouer avec les mots. On s’est donc mis à écrire dans la foulée et on l’a longtemps fait uniquement pour s’amuser. De toute façon, à l’époque, le business de cette musique n’existait pas encore. Les seuls disques qui étaient sortis étaient ceux de Johnny Go / Destroy Man mais c’était ultra confidentiel. Pour ma part, c’est Rapattitude (ndlr : 1ère compilation sortie en 1990, lire ici) auquel j’ai été confronté en premier. Même si on faisait du rap avant ça, cela ne rimait pour nous que comme un loisir. Aucune perspective de carrière à cette époque. De fil en aiguille, on a affiné notre écriture et de concert en concert, on a fini par gagner quelques auditeurs à Bobigny, puis ailleurs.

Vers 1987/1988, (…) le premier truc qui nous avait fait kiffé, c’était un passage des New Generation MC’s. On était scotché sur leur manière de jouer avec les mots.

DWT : Le fait que ton jumeau ait participé au noyau dur de l’édition papier de DWT durant ces mêmes années a t’il favorisé une certaine maturité au sein de votre groupe à ce moment ?
L’Indis : En tout cas, ça m’a transformé. Je prenais vraiment le rap comme un loisir comme je disais dans le sens où c’était vraiment un plaisir. D’être dans Down With This, de voir que cette équipe réfléchissait, bougeait, prenait des positions et s’engageait, ça m’a donné un autre regard sur le rap. J’ai essayé d’éviter de dire des conneries, j’ai essayé de défendre mes idées. Ca m’a fait murir au niveau de l’engagement et de l’angle d’attaque. Quand mon frère était dans Down With This, je voyais que j’avais affaire à de vrais activistes, qui se bougeait vraiment. Ca m’a changé dans ma façon de travailler.

DWT : On observe depuis toujours que Nakk revient souvent à tes côtés. On peut même se demander si vous ne seriez pas des triplés plutôt que des jumeaux ! Parle-nous de cette proximité avec lui.
L’Indis : On était dans la même classe en primaire, donc on était tout le temps ensemble. On était super complice à plein de niveau. Le rap est arrivé dans notre vie et on a observé ensemble son évolution. On a surement le même regard là-dessus. Il nous est arrivé d’écrire ensemble vers 1995. On s’enfermait dans la chambre avec mon frère, on se mettait une instru, etc… On n’a plus du tout travaillé comme ça par la suite. Mais Nakk est avant tout un ami d’enfance. Pour beaucoup de gens, c’est un rappeur, comme moi, mais quand on se voit, on ne parle pas de rap.

DWT : Pourquoi cette absence remarquée des 10’ sur le mythique « 11’30 » (sortie en 1996) alors que l’on y note la présence de Nakk ?
L’Indis : C’était une époque où on était un peu plus distant. Nakk faisait ses projets avec le groupe Soldafada. On était de notre côté. C’était peut-être l’époque où nous y étions le moins ensemble. Nakk s’était très vite fait remarqué par Le Damier (ndlr : ancien collectif balbynien dont faisait partie Ménélik) et il a rapidement été intégré à Soldafada, un groupe de ce collectif. Cela lui faisait également plaisir de rapper avec des mecs qui étaient ses anciens. Il a vite fait ses preuves et a toujours voulu se surpasser. Puis cette opportunité du « 11’30 » s’est présentée à eux.

DWT : Vous signez ensuite chez Original Bombattak, puis BMG, malheureusement sans jamais rien sortir. Qu’est ce qu’évoque pour toi cette période ?
L’Indis : Inconsciemment, je me demande si l’on n’a pas tout fait pour ne rien sortir. J’ai cette impression parfois, une espèce de « volonté inconsciente » qu’on avait de ne pas mettre les pieds dedans à fond pour ne pas s’exposer ou ne pas prendre de risque. On était arrivé avec notre produit, sans arrondir les angles. Ce qui ne pouvait pas coller avec la politique artistique des maisons de disques.

On était arrivé avec notre produit, sans arrondir les angles. Ce qui ne pouvait pas coller avec la politique artistique des maisons de disques.

De plus, on n’a jamais eu les dents longues et on n’a jamais cherché à tout faire pour. Avec Nakk, on a été les premières options de Marc sur le lancement de son label à la fin des années 1990 (ndlr : reprenant le même nom que sa célèbre émission de radio, le label avait ainsi été dénommé « Bombattak »). Beaucoup d’artistes qui étaient mis en avant dans cette émission étaient signés chez Time Bomb (ndlr : label mythique). Marc nous a donc sélectionné pour accompagner la naissance de son label mais ça a fini par capoter : Nakk ayant signé ailleurs entre temps. Puis l’épisode BMG est arrivé. Ils nous ont financé des maquettes mais nous demandaient en parallèle d’arrondir les angles sur les instrus, sur quelques textes… Je n’aime pas trop en parler car ça fait super prétentieux… Mais en gros, en 1999/2000, il y avait deux maisons de disque qui se « battaient » pour nous : BMG et Delabel. Quand Laurence Touitou (ndlr : ancienne responsable de Delabel) nous a rencontré mon frère et moi, elle nous dit : « IAM arrive à 10 ans de contrat, il me faut un groupe pour les remplacer et je pense que vous avez le potentiel pour être les nouveaux IAM ». Elle était avec son collègue Luigi. Je pense que l’aspect commercial lié à notre image de jumeaux, de rappeurs blancs, à une époque où il n’y en avait pas énormément, avait joué en notre faveur. Delabel nous fait donc une proposition, BMG également. Ca se bagarrait un peu et Yona Azoulay (ndlr : ancienne directrice artistique de BMG) le savait. Elle ne devait pas beaucoup croire en nous mais comme elle voyait que ça bougeait du côté de Delabel, elle s’est dit qu’il y avait peut être un coup à jouer. On s’est donc retrouvé à enregistrer une vingtaine de morceaux qu’on avait de prêts au Studio Davout, Porte de Montreuil. On avait essayé de proposer quelque chose d’assez large à BMG tout en restant nous même mais ils nous ont imposé de refaire toutes nos instrus. En fait, Yona Azoulay essayait de nous glisser les instrus de son pote Cutee B. Elle nous disait qu’elle aurait beaucoup de mal à présenter nos morceaux en l’état à son boss, sans ces changements… Cette histoire s’est terminée au moment de l’écoute de nos maquettes. Yona Azoulay avait légitimé sa décision en s’appuyant sur un de nos de refrains dans lequel on rappait : « si je lâche pas l’affaire, c’est pour que nos potes applaudissent ». Elle avait stoppé l’écoute à ce moment-là en disant : « voilà, ils ont tout dit. En fait, ils rappent que pour leurs potes ! »… En gros, qu’on ne voulait pas d’un public autre que nos potes (rires). Cela lui semblait hyper réducteur mais l’histoire démontrera quelque temps après que le rap super intimiste allait représenter une valeur sûre dans ce business… Le problème qui se posait en fait est que ces gens cherchaient un groupe à développer alors qu’on avait déjà une expérience de dix ans dans le rap et des idées bien établies sur notre musique. Cela ne pouvait pas coller avec leurs attentes.

DWT : Vous commenciez à atteindre un certain âge. Vous vous attendiez tout de même à une possible professionnalisation de votre musique ?
L’Indis : Ben voilà, on était justement arrivé à un stade où on avait décidé d’arrêter. On était dans une période charnière de notre vie. Le rap était un loisir pour nous, on devenait « vieux » et on ne pouvait pas vivre de loisirs… D’un autre côté, est-ce qu’on avait vraiment envie d’en faire notre métier ? Il a fallu prendre une décision et on l’a prise.

Est-ce qu’on avait vraiment envie d’en faire notre métier ? Il a fallu prendre une décision et on l’a prise.

Cela dit, je ne blâme pas les mecs qui sont en maisons de disque en disant « ouais, ils font de la merde et tout ! » car ce n’est pas moi qui irai leur donner un salaire. Mais à partir du moment où tu acceptes que la musique devienne ton métier, et non un loisir, ton but est de ramener de l’argent. Tu n’es même pas obligé d’aimer tes collègues ou ton équipe ! Tu peux même te dire « je fais de la merde et je m’en fous car c’est mon boulot ». En ce qui nous concerne, on aimait trop le rap pour accepter ça. On s’est rendu compte que ce qui était pour nous un loisir était en fait pour d’autres un commerce. Ca a cassé un truc chez nous. Dans nos années, on n’avait jamais abordé cette pratique artistique comme un commerce. Puis on a commencé à découvrir les rouages des systèmes de rotation payante à moiti déguisée, etc…

DWT : Comme au moment de la sortie de votre morceau « On se reverra là-haut », avec Nakk et Wallen, qui avait pas mal été joué sur Skyrock ?
L’Indis : Ce qui s’est passé avec ce morceau, si vous voulez vraiment entrer dans les détails, c’est qu’à l’époque, Fred Musa aimait beaucoup ce morceau et le passait dans « La Nocturne » toutes les semaines (ndlr : émission « spé » de Skyrock) et ça, pendant au moins six mois. Musa essayait de convaincre Bounneau (ndlr : directeur des programmes de Skyrock) de le faire passer en rotation (ndlr : matraquage). C’était à une époque, entre 1998 et 2000, où si tu avais un morceau qui passait en rotation 24 fois, tu signais dans la semaine, et le mois suivant, tu étais disque d’or. L’époque que les puristes appellent l’âge d’or. Un jour, Bounneau convoque Marc (ndlr : directeur du label Bombattak) car il était producteur de ce morceau, et lui dit que Fred n’avait peut-être pas tort et qu’il s’apprêtait à le rentrer en rotation. Manque de pot, Bounneau a eu Sulee B au téléphone quelques jours après pour lui annoncer qu’il allait sortir l’album de Wallen. Bounneau a finalement dit à Marc qu’il allait rentrer un morceau de Wallen mais pas celui avec Nakk et nous. Quelques temps après, le morceau « Celle qui non » de Wallen, avec l’instru de Shurik’n, était matraqué sur Skyrock. Notre morceau passait donc à la trappe. On se heurtait à une succession de malchance. Mon frère me disait « à chaque fois, on a un tronc d’arbre qui nous rentre dans la jante, c’est que l’on n’est pas fait pour ça ». Mon frère est fataliste. Au bout d’un moment, il pensait que l’on ne pouvait pas lutter contre le destin. Il y a donc eu une forme de déception, mélangée avec l’âge… Pourtant on avait charbonné et on en avait fait des concerts ! On a un « parcours bâtard » car hormis des featuring, il n’y a pas de traces discographiques des 10’.

La Contrebande - Les 10 - Lindis - Zebda - La Caution - Casey - Scred Connexion - Nakk - Assassin

Compilation « Des mots vrais dans nos valises » (La Contrebande – 1999)

DWT : Le système de l’indépendance ne te semblait pas être une alternative à ce moment ?
L’Indis : C’est ça ! Mon regret aujourd’hui est qu’on n’a pas eu les couilles, ni même l’idée de jouer sur l’indépendance. Mais le problème qui se posait au niveau de l’indépendance, à ce moment, c’était que si tu n’es pas pote avec tel ou tel rédacteur en chef comme les Olivier Cachin, Arnaud Fraise, Antoine Garnier paix à son âme, Jean-Pierre Seck ou autre, tu ne pouvais pas présenter ton disque. Or, mon frère et moi n’étions pas pote avec ces gens-là. J’ai rien contre eux mais c’est vrai qu’ils mettaient en avant uniquement certains groupes et cela pouvait représenter un véritable handicap pour les ventes potentielles. Aujourd’hui, avec la force d’internet, tout ce petit système a été bouleversé et c’est d’ailleurs ce qui a favorisé mon retour et les ventes que j’ai pu faire.

DWT : Avant d’aborder ton retour, il y a quatre ans, raconte-nous ton anecdote sur la bande-originale du film de « La vérité si je mens » à laquelle tu as failli participer…
L’Indis : Comment savez-vous cela !? En gros, ils voulaient qu’on fasse un rap-couscous-merguez pour être sur la B.O., ou qu’on fasse la musique du générique, je ne sais plus. On avait été présenté au mec de Scorpio, le label qui avait en charge le projet, via Marc de Bombattak. Mais pour nous, faire du rap-couscous, c’était hors de question (rires).

DWT : On va maintenant parler de ton retour en 2010. Pour commencer, ta préférence : époque des jumeaux ou époque solo ?
L’Indis : En fait, quand mon frère a décidé d’arrêter, je ne me suis jamais dit que j’allais continuer. J’étais encore un peu plus dedans que lui car je continuais à côtoyer des artistes, de me retrouver dans des studios, etc… Je faisais donc quelques couplets, quelques featuring, mais sans plus. Je ne me voyais pas faire des morceaux sans lui. J’ai finalement repris il y a quatre ans. J’ai aujourd’hui l’impression que la période Bombattak était plus longue, car très intense, alors qu’en fait, elle n’a duré que deux ans. J’ai même fait beaucoup plus de concert en solo qu’à l’époque des 10’. Donc pour ce qui est de ma préférence entre l’époque des 10’ et celle d’aujourd’hui, c’est incomparable. Par contre, je me rends compte qu’il y a parfois beaucoup moins de compréhension que je pouvais en avoir avec mon frère. C’est dans ces moments-là que je me rends compte de la complicité ultime qu’on avait ensemble. Une complicité que je n’ai jamais retrouvé.

J’ai toujours fait écouter à Lavokato, mon jumeau, ce que je faisais pour avoir ses impressions avant que ça sorte. Il m’a fait progresser.

De toute façon, j’ai toujours fait écouter à Lavokato, mon jumeau, ce que je faisais pour avoir ses impressions avant que ça sorte. Il m’a fait progresser. Il est très dur mais très pointu. Ca m’aurait embêté qu’il ne suive pas ce que je fais, même s’il nous arrive d’être en désaccord.

DWT : Tu es arrivé, cette fois, en total indépendance. Ton retour s’est-il avéré rentable ?
L’Indis : Ca s’est avéré rentable et plus vite que je ne le pensais. Les frais investis sur mon album « Le Refuge » ont d’ailleurs été remboursé au stade des pré-commandes. Pour ce qui est du studio, tout avait été enregistré chez Char du Gouffre, avec qui on a partagé les bénéfices à part égale. Mais ça n’a pas été si simple et mon passé m’a beaucoup servi. Ce n’est que du positif vu les ventes et les concerts qu’on a fait un peu partout, surtout après six ans d’absence dans la musique.

DWT : Parle-nous de cette « écurie » dans laquelle tu gravites avec Le Gouffre…
L’Indis : C’est un gros collectif, avec quelques membres très actifs, de vrais charbonneurs. Un mec comme Char, un mec à l’ancienne, est capable de coller des stickers partout dans Paris, tout seul avec son sac à dos. C’est un vrai charbonneur et humainement un vrai moteur. Ce sont des mecs qui m’ont motivé et ça fait du bien d’être entouré par des gens qui te boostent. Ils essayent d’innover à chaque projet et ont déjà quelques surprises de prêtes qui vont arrivés bientôt.

DWT : Certains de tes morceaux comme « Barbaq de printemps », « J’ai vu » ou encore « Marche arrière » sont très empreints d’émotion ou de misère sociale… Pourquoi cette plume ?
L’Indis : Je n’ai pas forcément envie de pleurnicher mais plutôt envie de vider mon sac, c’est plus ça en fait. Je fais beaucoup de constat, surtout sur les choses qui deviennent des banalités en me demandant s’il n’y avait que moi qui les voyait. D’où l’idée du titre « Est-ce moi ? » dans mon album. Quand je vois ce qui fait rêver les enfants d’aujourd’hui, entre les télés-réalité, les GTA ou le rap qu’ils écoutent, j’ai l’impression que j’ai besoin d’être le contrepoids de ces trucs-là.

Quand je vois ce qui fait rêver les enfants d’aujourd’hui, entre les « télés-réalité », les GTA ou le rap qu’ils écoutent, j’ai l’impression que j’ai besoin d’être le contrepoids de ces trucs-là.

A une époque, quand tu racontais l’histoire de la « Belle au bois dormant » aux petites filles, elles avaient juste envie d’être habillé en princesse à la kermesse. Ce n’était pas pour autant une perspective de carrière. Aujourd’hui, des émissions type « télé-réalité » où tu deviens une star en trois jours grâce à ton prénom et que tu es connu par toute la France, enfin sauf par moi, je trouve qu’elles véhiculent le message de pouvoir devenir quelqu’un sans avoir besoin de talent, en n’étant que futile, parlant mal le français et en ne gagnant rien par le mérite. C’est une forme de dérive quand un jeune tombe là-dessus en rentrant de l’école. En ayant le sentiment de devoir être le contrepoids de ce genre de truc, même si je suis d’accord que la musique doit être du divertissement, cela génère des morceaux moins festifs chez moi. J’essaye quand même de mettre dans mon écriture quelques jolies formes, quelques jolies tournures, quelques rimes travaillées pour que ça soit plaisant. Après, il y a les choses qu’il fallait que je dise au moins une fois dans mon vie. Il y a donc des morceaux très personnels où j’ai vidé des choses qu’il y avait de très lourdes dans mon sac. C’est aussi pour ça que j’ai eu du mal à rebondir après cet album. En même temps, je n’ai pas envie de tomber dans les trucs clichés de cette musique même si j’ai grandi dans un contexte très précis. Il y a des mecs qui ont eu des jeunesses super dorées, dans des écoles privées et tout ça… Moi, j’ai passé ma vie à Karl Marx, à Bobigny, dans le hall, voir des gens vendre tout ce qui est vendable, des gens faire tout ce qui est faisable dans une cité, avoir comme meilleur pote une tête de réseau dans le domaine des braquages, etc… mais j’ai jamais eu l’idée de dire dans un rap que mon pote est un braqueur ou quoi. On sait rester discret sur certains trucs car s’ils sont vrais, en parler n’est pas la meilleure idée. Un mec comme Booba, qui brise la scolarité de nos enfants, était dans des « Private School » payé par maman et te fait croire, au travers l’image qu’il donne, que la vie est facile. Quand tu fais de la musique, tu n’as pas forcément envie d’avoir le rôle d’un messager, de moralisateur, moi je suis d’accord avec ça. Sauf qu’au bout d’un moment, quand ton public pourrait avoir l’âge de tes enfants, demande-toi si tu serais capable de dire la même chose à ton fils que ce que tu racontes à ton public. J’ai du mal avec les trucs qui ne tirent pas vers le haut.

DWT : Crois-tu à cette notion, cette classification, de « rap d’adulte » ?
L’Indis : Je ne me suis jamais posé la question. Ce qui me fait rire aujourd’hui, c’est que tu as des rappeurs de 23, 24 ou 25 ans qui racontent n’importe quoi et que tout le monde dit : « c’est pas grave, ils sont encore jeunes ». Moi, quand j’écoute ce que je faisais à 20 ou 21 ans, je parlais de truc sérieux. Quand j’ai entendu Flynt dire dans un rap qu’il ne savait pas ce qu’était le « rap conscient » et qu’il faisait juste du « rap d’adulte », je me suis qu’il avait eu le mot juste : on est des adultes !

DWT : Mais Booba est également un adulte…
L’Indis : Oui, sauf qu’un adulte a un discours responsable. Le vrai Booba, comment il est ? Il a 38 ans, il se rase la tête car en vrai, il a une calvitie, en vrai il a des poils blancs à sa barbe mais il les colore et il se fait des tatouages sur tout le corps. Donc en fait, un gamin de 15 ans a l’impression de s’identifier à un mec de 24/25 ans alors qu’en réalité, il est bientôt quadragénaire…

DWT : C’est le problème récurent des rappeurs de devoir se plier aux attentes d’un public d’une moyenne d’âge de 14 ans pour pouvoir vendre des disques…
L’Indis : Je crois sincèrement que Booba est un mec super intelligent. Il a de la culture. S’il voulait avoir une écriture subtile, il le pourrait. Mais il a bien compris que c’est plus vendeur de dire : « bim, bam, boom, la chatte à Mc Doom ». J’ai l’impression qu’il s’est dit que le plus con des cons doit pouvoir comprendre. Et c’est logique quand tu veux vendre un maximum de disques, tu vises les plus nombreux : les maléables, les simplets, etc… Le problème qui se pose avec ce genre d’artistes, c’est qu’il enfonce son public dans la connerie au lieu de l’en sortir.

Le problème qui se pose avec ce genre d’artistes, c’est qu’il enfonce son public dans la connerie au lieu de l’en sortir.

Il a adopté une attitude américaine décomplexé comme le fait comme Fifty : gros tatouages, grosses voitures, etc… Mais au final, il insulte tout le monde en disant qu’il est le meilleur et en faisant rêver des gamins avec des trucs qu’ils n’ont jamais vu comme des meufs en string qui pèsent de la cocaïne. Ces artistes-là entretiennent les clichés que les gens non-initiés au rap ont de cette musique. De plus, ils finissent par salir et dénaturer cette musique.

DWT : Penses-tu que les prochaines générations de rappeurs s’exprimeront qu’au travers d’onomatopées ?
L’Indis : On en n’est pas loin.

DWT : Vu le nombre de clips que tu as sorti, tu accordes autant d’importance à l’image qu’à la production de tes morceaux…
L’Indis : C’est surtout que quand tu fais un clip, tu touches plus de monde. C’est le but premier. Après, je considère que le clip est un œuvre à part entière. C’est notamment pour cette raison que je me suis mis à la réalisation. Il faut que ce soit une œuvre qui amène un plus et pas juste un playback ou de l’habillage. Un clip est important car il a plus de portée sur You Tube qu’un écran noir avec le son et nom du morceau. Au début, c’est pour ça que tu le fais mais quitte à faire une vidéo, autant qu’il y ait une part de créativité dans la façon dont le clip sera réalisée. Depuis quelques temps, je fais des clips pour les autres et je ne fais plus rien pour moi… C’est également une création artistique et ça me plaît.

DWT : Comme nous le savons, tu apportes un détail très soigné quant au choix de tes instrus. Tu arrives à satisfaire toutes tes attentes ou tu te heurtes à des frustrations ?
L’Indis : C’est une super bonne question. C’est super ambigu, c’est un combat en fait. C’est même un point de litige avec mon frère. Pour avoir travaillé dans les années 1990, avec du sample et du grain, notre oreille s’est familiarisée à un certain type de son alors qu’aujourd’hui, ça sonne très électronique. Mais je n’ai pas envie de passer pour un vieux con. L’artiste doit créer, prendre des risques et ne peut pas reproduire tout le temps la même recette. D’un autre côté, les musiques très modernes ne me parlent pas vraiment. Je caricature mais ça s’apparente à ce que faisait Indochine avec leurs claviers Yamaha.

Les musiques très modernes ne me parlent pas vraiment. Je caricature mais ça s’apparente à ce que faisait Indochine avec leurs claviers Yamaha.

Je n’ai pas envie de revendiquer que le rap était mieux avant, ni qu’on me prenne pour le mec old school, je me demande juste comment faire évoluer mon son. D’autant qu’on réfléchit à faire un album des 10’, ou en tout cas, un projet commun. Est-ce que ce projet doit sonner moderne ou comme il y a quinze ans ? Il ne faudrait pas enterré plutôt qu’entériner. C’est ambigu. Si ça sonne old school, j’avoue que ce n’est pas volontaire. Mais je pense aujourd’hui avoir trouvé un compromis, entre ce grain old school et la modernité, grâce à Nizi du crew Kids of Crackling. Il utilise les techniques de sampling d’avant et il ajoute certains rebondis dans la rythmique qui font que ça sonne moderne. Ce compromis m’a beaucoup plu ces derniers temps et Nizi arrive ainsi à me satisfaire.

DWT : Tu es rappeur, mais tu es surtout enseignant dans une école primaire depuis quelques années. Les deux fonctions sont-elles compatibles ?
L’Indis : Au niveau de l’emploi du temps, je mettrai toujours la priorité sur mon métier. Le rôle d’un père de famille est de ramener de l’argent, donc je mettrai toujours la priorité sur mon métier. J’essaye de faire en sorte que les deux soient compatibles. Par ailleurs, je pense que la ligne de conduite que j’essaye de faire ressortir dans mes morceaux est compatible avec la fonction d’enseignant. Certains de mes élèves sont tombés sur mes clips mais je préfère qu’ils gardent l’image d’un enseignant qui met l’accent sur l’instruction plutôt que d’un chanteur.

DWT : Tu as certainement un devoir de réserve par rapport à ta fonction d’enseignant mais que penses-tu des moyens déployés par l’éducation nationale dans les quartiers ?
L’Indis : C’est souvent un problème. Chaque gouvernement a mis en place des réformes comme si chaque gouvernement avait envie d’être le nouveau Jules Ferry ou envie de marquer l’histoire. Leur manière de trouver des moyens est souvent couplée par le fait de limiter les dépenses plutôt que de servir l’intérêt des enfants. Les syndicats se battent tous les ans parce qu’on embauche pas suffisamment de prof car l’idéal dans les écoles serait d’avoir un prof supplémentaire pour aider les élèves en difficultés. Or, dès le concours IUFM, ils n’ouvrent pas suffisamment de place d’admission au concours pour assurer le nombre de postes à pourvoir…

DWT : Autre sujet d’actualité : tu prends souvent position sur facebook contre l’horreur des massacres perpétrés en Palestine. Penses-tu que cette thématique a sa place dans le rap ?
L’Indis : La seule chose que j’ai envie de dénoncer est que je vois des êtres humains en tuer d’autres. Au delà d’une histoire de frontière ou de religion, je pense qu’il faut dénoncer ces actes. Quelque soit le pays, quelque soit la cause, c’est déguelasse. C’est con ce que je dis mais c’est juste ça. Quand je vois le gouvernement français rendre hommage à un soldat israélien qui a disparu et ne pas prendre position alors que le même jour, quatre enfants gazaouis explosent alors qu’ils jouaient sur une plage, ce n’est pas normal. Il y a un manque d’équité. Et face à tous les messages de haine que je peux voir un peu partout, c’est un message de paix que j’ai envie de véhiculer.

DWT : Tu es un observateur privilégié de ce qu’est devenu cette musique depuis la fin des années 1980 jusqu’à nos jours. Comment expliques-tu l’appauvrissement de cette dernière en France ?
L’Indis : Dans les années 1990, en tout cas avant 1996, tu ne pouvais pas te retrouver dans le hip hop si tu ne l’avais pas voulu. Dans ma cité, personne n’en écoutait, tout le monde était dans la funk. Il n’y avait que moi et il fallait être un fouineur pour continuer à être là-dedans. Tout le monde n’allait pas à Ticaret… Ce qui a intéressé les mecs de cité au rap, c’est la FF et Arsenik. Ca leur ressemblait. Et surtout, ça vendait. Tu imagines la suite…

Ce qui a intéressé les mecs de cité au rap, c’est la FF et Arsenik. Ca leur ressemblait. Et surtout, ça vendait. Tu imagines la suite…

Aujourd’hui, les mecs qui rappent dans les cités reprennent les ingrédients de Kaaris, car ils ne pensent qu’à une chose : se faire de la caillasse grâce au rap. Le gros tournant à mon sens, c’était 113 avec « Truc de fou ». C’est là que tous les mecs de cité se sont intéressés au rap, ils n’avaient pas forcément les codes, pas forcément les bases, et ne s’occupaient pas de savoir si untel ou untel rappait bien. Mais ils s’y sont intéressés et tout le monde s’est mis à rapper, à représenter sa cité. Ce tournant, c’est celui qui nous a fait passer de la culture hip hop à cette vision du rap. Et ça a ramené plus de T-max et d’YZ dans les clips pour « représenter ». Cette « nouvelle école », parfois ignare, n’a qu’un objectif : croquer. Et peu importe le message. Pour beaucoup parmi l’émergence de ces nouveaux rappeurs, être « crus » dans les textes leur suffisaient pour croire qu’ils rappaient bien. Ils n’ont pas eu tout l’apprentissage qu’on a eu sur cette culture, ce qui a fini par appauvrir cette musique. A force, on est retourné en arrière alors qu’on était arrivé à des progrès intéressants sur le plan technique, notamment grâce à des groupes comme les Sages Po’, Time Bomb, etc… Peut-être que c’était inévitable, peut être que c’est cyclique ou peut être que le rap était devenu tellement technique que ça ne parlait à plus personne…

DWT : Avec du recul, le hip hop était-il bien la culture qui devait se répandre en banlieue ?
L’Indis : …Qui « devait », du verbe devoir… (court silence) Déjà, j’avais l’impression que le rap était réservé à des mecs de rue au regard de l’image qui était véhiculée par cette musique. Je pensais que ces mecs vivaient comme nous. En gros, qu’ils vivaient ce qu’on vivait en bas de chez nous. Mais je me suis rendu compte super tardivement que ce n’était pas le cas et que ces rappeurs « engagés » et « antisystème » du jour s’empressaient de se retrouver le soir chez Castelbajac. Ils évoluaient dans des soirées mondaines alors qu’on avait l’impression qu’ils mangeaient des merguez-frites avec nous. Mais cette culture comportait beaucoup de potentiels pour les jeunes : danse, graff, etc…, et s’est répandue partout. L’esprit de compétition qui régnait à l’époque constituait aussi une forme d’attraction évidente pour les jeunes. Ca a permis à plein de mecs de pouvoir exister et de s’épanouir artistiquement. Après, quand l’argent est entré en jeu, ça a changé la donne.

DWT : On va se la faire à l’ancienne : pour terminer, ton mot de la fin ?
L’Indis : Ca fait plaisir d’être interviewé par DWT, qu’on connaît depuis plus de 20 ans et avec qui on continue de partager les mêmes valeurs et les mêmes passions. Donc Big up à DWT. J’espère que tous les artistes que ce média a soutenus au cours des années 1990 lui seront toujours disponibles et qu’ils n’auront pas la mémoire courte.

Interview Les 10 (1997)

Documents
Flynt, L'Indis, Lavokato, Les 10'

Dans nos textes, on essaye de faire réfléchir les gens pour qu’ils s’intéressent plus aux problèmes de leurs voisins plutôt qu’aux valeurs matérielles, afin de les rendre plus humains, moins nombrilistes.

Down With This : Motivations – Débuts ?
Les 10’ : On s’est connu en 1976. On a vraiment kiffé le rap grâce au rap français parce qu’on comprenait les paroles. On a commencé à en écouter en 1987 avec l’émission, qui à l’époque n’était pas régulière, de Lionel D et Dee Nasty. C’était le vendredi. On avait douze ans, on écrivait pour s’amuser, c’était pas sérieux. On ne connaissait personne qui était dedans et on ne savait pas comment se fabriquer les instrumentaux. De toute façon, on n’avait pas d’argent pour investir. A cette époque, il y avait un petit groupe de personnes sur Bobigny qui était déjà dans le tag et le rap, mais ils étaient d’une autre génération, plus vieille (ndlr : dont MC Heims, plus tard Ménelik) mais on ne les connaissait pas. Par l’intermédiaire du tag, on en a connu certains. En 1990, le groupe SDAK nous a fait notre première instrumentale. Mais il n’y a pas eu de suite. C’est vraiment en 1993, lorsqu’on a pu créer nous-même nos musiques, qu’on s’est investi à fond dans les textes. C’est là qu’on a développé notre style.

DWT : Avez-vous des relations avec certains groupes issus de Bobigny ?
Les 10’ : Il est clair que sur Bobigny, tout le monde se connaît. On a connu la plupart des mecs des groupes de la scène actuelle avant qu’ils rappent, tels que Boss’Raw avec qui on a un peu taggué, Nakk (Soldafada), Primo (DonDon) et disudoc (du Damier) qui sont des amis d’enfance, ainsi que D’ et Djamal (Kabal). Sinon, dans les nouveaux groupes, on a des bons rapports avec eux, des groupes tels que Wildstyle et Apostonik. On connaît aussi les mecs du Damier.

DWT : Vous reconnaissez-vous dans le travail d’écriture de ces groupes ?
Les 10’ : En fait, il y a différents styles à Bobigny. Il y a par exemple le Krü Koncept (Kabal, Boss’Raw…) qui ont des textes au fond plus sociaux, réfléchis et travaillés, tandis que d’autres travaillent plus la forme et le style. Nous, on essaye de se placer au milieu et d’associer les deux : le fond / la forme, la phase / la phrase, le sens / le style. Parce qu’on pense que quand tu dis quelque chose, il y a des gens qui vont t’écouter, il faut alors faire attention aux paroles. Comme tu vis des trucs, dans un environnement difficile, qu’il t’arrive des galères à toi ou tes potes, tu te dois d’en parler, et le rap est ton seul moyen d’extériorisation. De plus, le rap est avant tout une musique, donc on a une exigence artistique. Plus ton débit, ton flow (ndlr : initialement écrit « flot » dans l’édition papier…) et ta musique attireront l’oreille, plus les gens chercheront à écouter ce qu’il y a derrière. On se doit de ne pas délaisser un des deux côtés. On travaille à fond cette homogénéité et cette adéquation entre le texte et la musique, pour faire passer un certain sentiment, une sensation et pour retranscrire une certaine atmosphère. Le rap vient de la rue. Nous aussi. Il est donc obligé qu’on parle du quotidien, de la vie d’ici. D’ailleurs la plupart des gens nous disent que nos morceaux ont l’air triste. Ce n’est pas volontaire, ni recherché, c’est peut-être tout simplement parce que la vie l’est. On reproduit, retranscrit notre environnement et je pense que c’est la vocation du rap, du vrai. Pour en revenir à la question, un autre groupe peut avoir le même discours que nous en venant d’une autre banlieue. Et le fait que l’on habite dans la même ville, apporte juste qu’on a grandi dans les mêmes endroits, qu’on a connu les mêmes ambiances. Après, c’est chacun sa vision.

Notre inspiration est la réalité, la vie au quotidien, mais on évite au maximum les clichés. On parle des temps qui changent et de l’effet qu’ont l’environnement, l’argent et la télé sur les gens.

DWT : Un rappeur connu, originaire de Bobigny, a eu pour refrain « Tout baigne » (… « même pour les gens qui se plaignent »). Evoluant dans la même ville, est-ce que vous considérez vous aussi que « Tout baigne » ?
Les 10’ : Il est évident que tout ne baigne pas. Si on vit dans nos ensembles de bétons de dix-huit étages, c’est qu’on est plus ou moins tous fils d’ouvriers et que l’on n’a pas les moyens financiers d’en partir. Comme toutes les banlieues, il y a un nombre important de gens dit « immigrés », que l’Etat délaisse quelque part et qui n’a pas accès au travail. Le manque d’argent, la difficulté à trouver un emploi, les échecs scolaires poussent beaucoup de monde à avoir beaucoup de monde à avoir recours à certains business illicites. Pas mal de jeunes ont donc déjà connu l’incarcération. Ici, les enfants voient leurs parents trimer tous les jours pour des salaires de misère. Ce genre de contraintes fait que les gens d’ici n’ont pas forcément eu une belle jeunesse, ni une belle vie après. On ne peut donc pas dire que tout va bien. Mais il faut situer le texte de Ménélik dans un certain contexte, dans un moment donné : une soirée, dans laquelle il y a tous ses potes, de charmantes femmes et tout ce qu’il faut pour passer un bon moment. Il a donc voulu dire que même si la vie n’est pas si belle, lorsque l’on sort en soirée, on essaye d’oublier ses problèmes et de s’amuser.

DWT : Le rap français semble être un rayon que vous connaissez depuis pas mal d’années. Comment percevez-vous son évolution ?
Les 10’ : Il évolue et a évolué de façon bizarre, par étapes. Il y a eu une première vague vers 1989/1990, dans laquelle les majors cherchaient chacune à avoir leurs rappeurs, qu’elles ont mis en avant. Ensuite, tout le reste a été médiatiquement mis de côté. Heureusement, beaucoup n’ont pas désespéré pour autant et certains ont compris qu’il ne fallait rien attendre des grandes maisons de disques. Ainsi, après Assassin, sont nés plusieurs auto-productions. Un réseau parallèle s’est créé : fanzines, émissions de radio, productions indépendantes et points de vente. Le rap a ainsi prouvé qu’il était autonome et n’avait besoin de personne, même si ses structures n’étaient pas tout à fait au point et l’unité pas tout à fait présente. Plus tard, les mêmes qui l’ont délaissé se sont re-penchés sur le phénomène. Cette nouvelle vague médiatique fait que l’on peut désormais voir du rap à la télé, en écouter à la radio. Cela dit, il n’y a qu’un côté qui est mis en avant, ce qui crée une forme de censure. On peut voir que ces deux dernières années, le nombre d’autoprods est croissant et que certains ont, grâce aux ventes, évolué et peuvent ainsi créer leurs studios. D’un coté plus stylistique, on peut voir que l’on se rapproche du rap ricain, qui jusque-là, avait pas mal d’années d’avance sur nous. Des productions tels que celles de Mehdi (ndlr : 2Mekslow, ndlr : paix à son âme), La Cliqua, IAM nous le prouvent. On peut aussi remarquer que chaque jour, le nombre de groupes s’accroît, mais beaucoup sont attirés par le côté « mode » et ignore le fond du truc. Ce qui est dommage aussi, c’est que de plus en plus de soirées partent en couilles…

On évite de se comporter en prof et de donner des conseils. On dit ce qu’on a à dire. Après, c’est à l’auditeur de se constituer sa propre opinion.

DWT : Quels sont principaux thèmes qui forment les textes de vos morceaux ?
Les 10’ : Comme on le disait précédemment, on est des chroniqueurs urbains. On relate juste ce qu’il se passe autour de nous. On crée en trois temps : observation / description et analyse / critique. Pour écrire un texte, je prends mon walkman avec la cassette de l’instru (ndlr : réalisée par Lavokato), je m’assois sur un banc en bas de mon bâtiment et je me laisse guider par l’atmosphère que dégage le son et par ce que je vois. Dans nos textes, on essaye de faire réfléchir les gens pour qu’ils s’intéressent plus aux problèmes de leurs voisins plutôt qu’aux valeurs matérielles, afin de les rendre plus humains, moins nombrilistes. On n’essaye pas d’être mystiques ou quoique se soit. Notre inspiration est la réalité, la vie au quotidien, mais on évite au maximum les clichés. On parle des temps qui changent et de l’effet qu’ont l’environnement, l’argent et la télé sur les gens. On évite de se comporter en prof et de donner des conseils. On dit ce qu’on a à dire. Après, c’est à l’auditeur de se constituer sa propre opinion. L’ensemble est souvent gris comme le béton et le ciel avec lesquels on évolue. On peut nous comparer aux peintres impressionnistes qui peignaient ce qui était en face d’eux, en transmettant l’émotion qu’ils dégageaient de cette vision.

DWT : Pour conclure, avez-vous un truc en particulier à rajouter ?
Les 10’ : Quand les gens seront reconnaître le bon, le vrai peura, celui que les institutions ne laissent pas passer, alors tous les petits groupes qui taffent dans le bon sens seront récompensés. Ne lâchons pas l’affaire. Aux states, il y a une quinzaine de maxi qui sortent par semaine. J’espère qu’un jour, ce sera le cas ici aussi. Dédicace à toutes les cités de Boboche, le centre : Karl, Paul, Ch’minv et Salv, l’Abreu et tous les quartiers de la banlieue parisienne et de province. C’est pareil partout.

Propos recueillis en 1997 par Nobel – Photos par © Alain Garnier

Flynt, sans salir la profession

Interviews
Flynt, interview, itinéraire bis

Mais quand j’ai pu voir des rappeurs comme Oxmo, NTM ou Orelsan sur scène avec des musiciens, je trouve que ça gâche le truc. Je me suis dis : merde, c’est dommage…

Larry Flynt est un personnage scandaleux. Propriétaire d’une petite boite de strip-tease, animé d’une ambition sans limites, il lance, dans les années 1970, un concurrent au mauvais goût délibéré du magazine Playboy, qu’il baptise Hustler. Cette publication s’illustre par son audace et son immoralité, provoquant la réaction des ligues de vertu, qui ne tardent pas à lui intenter un procès. Larry s’en moque…
Flynt, le rappeur-producteur, c’est tout le contraire. C’est un mec normal, lucide, sensé, bien ancré dans son temps. Grand rappeur par les textes, pas assez par la visibilité, il fait partie des mecs attachants du milieu. Bref, une rencontre intelligente qui fait du bien par les temps qui courent. Flo

Down With This : Quelques bougies de plus, quel bilan fais-tu des années qui viennent de s’écouler ?
Flynt : Mon premier album « J’éclaire ma ville » a été une belle aventure. Quand tu sors un album ça simplifie pas mal de choses, pour faire des concerts notamment. Je n’avais pas de tourneur mais des dates venaient à moi grâce à l’album. Une bonne vingtaine de dates quand même. C’était nouveau d’un coup pour moi de faire des concerts d’une heure, une heure et demie. Quand tu es tête d’affiche, les gens viennent pour toi, alors ça se prépare consciencieusement. Ce disque a eu un joli succès. Je n’ai pas d’objectifs particuliers sur le prochain à part l’emmener sur scène lui aussi et qu’il plaise au public. Je sais à peu près à quel moment je serai en équilibre et j’aimerai au moins ne pas perdre d’argent. De toute façon, je ne pourrai pas en vendre plus que j’en ai fabriqué. Et puis je n’ai pas de titre qui va rentrer sur Skyrock, ni de titre qui va tourner en playlist quelque part… J’ai injecté très peu d’argent dans la promotion. Je crois à 100% en mon disque mais je sais que dès le départ, la portée est limitée. A part ça, le bilan de ces dernières années est très positif pour moi, d’un point de vue personnel et familial d’abord, et artistiquement, je suis content de m’être obstiné à faire mon disque, d’être arrivé au bout. Je suis content du résultat.

Mon nouvel album est un projet que j’ai commencé à préparer fin 2009. Ca s’est étalé sur trois ans, le temps d’écrire, de réaliser, de générer de l’argent, de tout coordonner, d’être satisfait du travail, de préparer la sortie comme je la voulais, de trouver des partenaires…

DWT : Tu as une certaine « pression » sur ce deuxième album ? Il n’est pas évident pour tous les MC’s de garder leur poids de forme sur la durée…

Flynt : Il y a une attente. Une attente que je vois, que je lis, que j’entends et que je ressens aussi. De toute façon, la pression, je pense que tu l’as tout le temps quand tu fais de la musique. Quand j’ai fait mon premier solo, j’avais la pression. A mon premier maxi aussi. Ca fait partie du truc. Je me mets moi même la pression, avant un concert par exemple. J’aime bien donner quelque chose de qualitatif de manière générale. La pression que je me mets est même plus forte que la pression du public, je suis sûr… En étant producteur sur ce disque, j’ai d’ailleurs ressenti une grosse pression. Je suis en indé, j’ai tout produit moi-même, j’avais vraiment pas envie de me vautrer. J’étais en co-prod avec Label Rouge sur le premier album mais il y a des choses qui se sont mal passées et je n’ai plus eu envie de travailler avec eux. Mon nouvel album est un projet que j’ai commencé à préparer fin 2009. Ca s’est étalé sur trois ans, le temps d’écrire, de réaliser, de générer de l’argent, de tout coordonner, d’être satisfait du travail, de préparer la sortie comme je la voulais, de trouver des partenaires… La vraie pression, elle était là. Du coup ça m’a peut-être ôté de la pression au niveau artistique. De toute façon, qui m’aime me suive. Mon objectif ça a toujours été de faire mieux que le premier album.

J’ai fait ce que je savais faire comme j’avais envie de le faire, sans tenir compte des goûts et des politiques des radios.



DWT : Le niveau étant bien présent te concernant, pourquoi Skyrock ne jouerait-elle pas son rôle sur ce genre de projet ?

Flynt : Ca me semble évident. Je ne sais pas ce qu’ils pensent de moi mais ce n’est pas la même cuisine… Je n’ai pas le discours et la démarche pour être diffusé chez eux et eux, ça ne les intéresse pas de me diffuser. Tout le monde est content en fait. Que peut-on attendre de Génération ou Skyrock pour un type comme moi ? Je ne vais pas dire que je ne veux pas passer dans la playlist, mais mes titres restent des titres pour la nocturne de Fred ou « Parlez-vous français » de Pascal Cefran. C’est déjà pas si mal, ils jouent mes titres. Ca a toujours été le cas depuis le début, j’ai un relai et un soutien de leur part à ce niveau là. Je pense simplement que ce que je fais n’est pas adapté pour leur playlist. C’est presque normal de mon point de vue quand tu connais leur politique et quand tu connais la mienne. Je ne suis ni résigné, ni frustré, ni révolté par rapport à ça. C’est une réalité. Ils ont une direction artistique, j’ai la mienne… Je ne rentre pas dans ce cadre là. Mais je ne fais pas mes morceaux par rapport à eux. Je m’en fous et je n’ai pas eu cette volonté de leur plaire en particulier en réalisant mon nouveau disque. J’ai fait ce que je savais faire comme j’avais envie de le faire, sans tenir compte des goûts et des politiques des radios.

J’ai quand même eu rendez-vous un jour avec un directeur artistique d’un sous-label de maison de disques, il y a quelques mois. On m’avait convaincu d’y aller mais ça s’est très mal passé…

DWT : L’indépendance est un choix ou tu serais intéressé par une signature en maison de disques ?
Flynt : Par rapport à ce que je fais, à qui je suis, mon caractère, ma manière de voir les choses, ce n’est pas vraiment compatible je pense. Je n’ai frappé à aucune porte et ne l’ai jamais souhaité, même après « J’éclaire ma ville ». J’ai quand même eu rendez-vous un jour avec un directeur artistique d’un sous-label de maison de disques, il y a quelques mois. On m’avait convaincu d’y aller mais ça s’est très mal passé… De toute façon, mon projet de sortie était déjà déterminé : je savais que ça serait en indé avec une distribution en indé. Mais je trouvais intéressant d’aller le rencontrer… Le discours de ce D.A. m’a conforté dans ma position : on n’est pas du tout sur la même longueur d’onde. Quand eux voient blanc, moi je vois noir. Il y a des gens qui sont partis en maison de disques et qui en sont revenus dégoûtés en disant qu’ils étaient mieux quand ils étaient en indé. Je suis persuadé que ce serait la même pour moi… Je suis très bien comme ça. Ca me correspond tout à fait. Je n’ai aucune frustration par rapport à ça. Mais qui vivra verra…



DWT : Le succès d’estime, les ventes, la gestion du temps ont l’air d’être un combat au quotidien pour exister en indé. Quels sont tes rapports avec l’auto-prod ?
Flynt : Je le vis comme un mec obstiné qui veut sortir son disque coûte que coûte, qui va au bout et qui passe par toutes les étapes pour le faire. Ca se passe bien. J’ai un distributeur qui aime mon disque, qui me fait confiance et en qui j’ai confiance. J’ai travaillé avec des professionnels à toutes les étapes de mon projet. Je ne suis pas le plus à plaindre. C’est sûr que c’est difficile car tu as des contraintes qu’il faut bien intégrer, notamment financières. Il faut être très organisé et il faut croire en soi, être obstiné, ne jamais lâcher et être bien entouré. Et puis l’industrie du disque a changé, c’est encore plus difficile qu’il y a cinq ou dix ans. Mon objectif, c’est de faire des concerts, je fais un peu tout ça pour ça. Je sais qu’au bout je vais vivre de belles choses, enfin je l’espère.

Aujourd’hui, un petit jeune qui arrive a pleins d’outils à sa portée, plein de stratégies et de moyens différents pour se faire connaître. Mais au final, il devra sortir un album.

DWT : En 2012, le format album est-il toujours une « nécessité » pour un artiste ou penses-tu que l’on peut exister d’une façon moins « conventionnelle » comme sortir un titre régulièrement par exemple…

Flynt : Je ne me suis même pas posé la question. Pour moi l’album c’est le Graal. Mais chacun voit midi à sa porte. J’espère que le format album a encore de beaux jours devant lui… Aujourd’hui, un petit jeune qui arrive a pleins d’outils à sa portée, plein de stratégies et de moyens différents pour se faire connaître. Mais au final, il devra sortir un album. Moi je ne pense qu’à ça depuis plus de trois ans. Je ne pense pas à faire un clip ou un buzz en allant clasher un mec ou en faisant des featurings à droite à gauche. Je ne pense qu’à mon deuxième album, il n’y a que ça qui m’intéresse…

DWT : A propos de clash, es-tu dans l’exercice de l’impro ?
Flynt : Pas du tout. Ce n’est pas mon truc. Je préfère un texte mûr que j’ai validé plutôt que de dire quelque chose sans véritable sens. Et puis je traîne avec des grands spécialistes de l’improvisation comme Nasme, AKI, 2Spee Gonzales… alors je laisse les pros s’en charger !

C’est trop réducteur de présenter les MC’s en fonction de leur quartier… Mais dans le rap, il faut savoir d’où tu viens… limite si on ne sait pas d’où tu viens c’est bizarre, comme si tu n’étais pas un vrai rappeur…


DWT : Le 18ème est un arrondissement historique pour le hip hop en France. Des groupes comme Assassin ou la Scred Connexion sont encore bien présents dans les têtes. Comment vis-tu cette « appartenance » ?
Flynt : Il n’y a pas qu‘eux !! Je vais te dire un truc, je ne représente pas le 18ème et je ne prétend pas le faire. Je représente ceux qui se sentent représentés, d’où qu’ils viennent. Je tente de m’affranchir un peu de ces codes propres au rap. Savoir d’où tu viens, de quel quartier, de quel arrondissement, de quel département, ça fait partie des codes du rap. Le 18ème, c’est ma vie, mon enfance, ça fait partie de mon parcours. Les gens savent que je viens du 18ème parce que je l’ai clamé haut et fort avec la compilation « Explicit Dixhuit » dont j’étais co-producteur. Mais à part ça, être le porte drapeau du 18ème, ce n’est pas mon projet. Comme dit C-Sen : « Tu veux savoir d’où j’viens ? du ventre de ma mère, enfoiré ». Je suis parisien. Je n’ai pas de prétention, ni de pression par rapport au fait que j’ai grandi dans le 18ème. Je ne me sens pas héritier de quoi que ce soit même si le 18ème est une vraie école pour le rap. C’est trop réducteur de présenter les MC’s en fonction de leur quartier… Mais dans le rap, il faut savoir d’où tu viens… limite si on ne sait pas d’où tu viens c’est bizarre, comme si tu n’étais pas un vrai rappeur… Je suis 100% pur parisien mais je ne l’ai pas choisi. Je revendique ma filiation au 18ème mais tu ne m’entends pas le rabâcher dans chaque morceau comme certains le font avec leur département. Si je pouvais, je vivrai à New York ou en Thaïlande à cette heure-ci, crois-moi.

DWT : As-tu par contre un sentiment d’appartenance à ce que l’on appelle le hip hop français ? Il y a des gens que tu suis plus particulièrement ?
Flynt : Le mouvement est très divisé je trouve. Et puis très varié aussi, tu trouves vraiment de tout aujourd’hui. Je peux aimer des choses très différentes, des gens qui font du rap plus racailleux  et des gens qui font du rap plus proche du mien. Maintenant, dire que j’ai une appartenance à une catégorie, à un mouvement…, je sais pas, je m’en fous un peu.

j’ai fait des études, je fais le ménage et la lessive chez moi, je m’occupe de ma famille, je bosse. J’ai une vie simple et je souhaite qu’elle soit le plus équilibrée possible.

DWT : Tes morceaux sont très représentatifs de l’actuelle génération de trentenaires…

Flynt : Je fais ce que j’appelle du rap d’adulte. Du rap qui représente ma vie à un instant T. Je ne triche pas quand j’écris. Je ne mens pas. Il y a des gens qui doivent vivre la même chose que moi au même âge, ça doit leur parler. Je le dis dans mes morceaux : j’ai fait des études, je fais le ménage et la lessive chez moi, je m’occupe de ma famille, je bosse. J’ai une vie simple et je souhaite qu’elle soit le plus équilibrée possible. Je n’ai pas de problème avec la justice ou la police, pas de problème de santé, de logement, d’intégration. J’ai des papiers, un emploi ça dépend. Je ne considère pas que j’ai de gros problèmes. Ca n’empêche pas de faire du rap et de dire des choses vraies, qui parlent aux gens…

DWT : Le prolétariat est un thème qui revient souvent dans ton travail. Les conditions de ton enfance ont surement joué un rôle dans cette influence…
Flynt : Ma mère m’a élevée seule avec son salaire d’institutrice. Mon père, d’origine polonaise, est décédé quand j’étais très jeune. Je n’ai manqué de rien mais on ne roulait pas sur l’or. J’ai eu une belle enfance. J’ai poursuivi des études en communication jusqu’à bac +5, à Paris III. Comme quoi, tu peux avoir des diplômes et vouloir faire du rap. Maintenant, prolétaire oui, même encore aujourd’hui, enfin de la classe moyenne quoi… Je travaille, j’arrive à rouler ma bosse. Ca va, je m’en sors.Je n’ai pas confiance en ceux qui font de la politique. Peu importe leur bord, ce sont tous les mêmes pour moi. Au fond, j’y comprends rien…

DWT : As-tu un rapport de militant dans ton implication au travail musical ou au contraire as-tu une vision beaucoup plus large artistiquement en ne t’interdisant aucun son, aucune thématique ?
Flynt : Je ne me considère pas comme un militant. Dans le rap peut être un peu mais pas dans la politique. Sur mon deuxième album, j’ai essayé de m’affranchir de tout ça car je n’ai pas de culture politique. Je m’en fous. C’est peut être une erreur de ma part. Je n’ai pas confiance en ceux qui font de la politique. Peu importe leur bord, ce sont tous les mêmes pour moi. Au fond, j’y comprends rien… Militant pour le bon rap, oui. Je ne suis pas particulièrement ouvert artistiquement, j’ai l’habitude de dire que je ne suis ni ouvert ni fermé… Mes thèmes sont inspirés de ce que je vis. Dans ce deuxième album, j’ai des morceaux sur le rap, sur les clichés, sur la famille, l’amour, la haine, l’amitié, le voyage, la ville, la réussite. Et il y a des thèmes que je n’ai pas encore su traiter.

Mais quand j’ai pu voir des rappeurs comme Oxmo, NTM ou Orelsan sur scène avec des musiciens, je trouve que ça gâche le truc. Je me suis dis : merde, c’est dommage…

DWT : Que penses-tu du comportement récurrent de la part de certains artistes du rap d’avoir recours à des musiciens ou un band pour leur live ?

Flynt : Cette « évolution » chez certains ne m’intéresse pas du tout. Par hasard, je l’ai déjà fait et avec plaisir. Mais quand j’ai pu voir des rappeurs comme Oxmo, NTM ou Orelsan sur scène avec des musiciens, je trouve que ça gâche le truc. Je me suis dis : merde, c’est dommage… La plupart pense que c’est bien mais je préfère voir un MC et un DJ. C’est sûr que ça fait joli sur scène. Moi, je ne le veux pas. Tu as une liberté qui est autre avec un band c’est vrai. Peut être que je me trompe mais c’est peut être un truc de maison de disque pour ouvrir un peu plus le public… Moi, Flynt en tant que spectateur, ça ne m’intéresse pas plus que ça. En tant que MC, ça ne me parle pas non plus. De toute façon, je ne pourrai pas me le permettre financièrement.

DWT : L’extrait « Haut La Main » qui annonce la sortie de ton album est un track qui défonce…
Flynt : Merci, même si le son a surpris pas mal de gens parce qu’il est assez différent d’un sample de soul avec un petit piano. C’est un morceau qui fait le lien avec « J’éclaire Ma ville ». Il est dédié à mon public, il parle de ma démarche et il parle de ma façon de voir la réussite.

J’aurai pu arriver d’abord avec ce featuring (Orelsan), je ne l’ai pas fait. On m’avait dit de le faire, le mec a des millions de vues sur You Tube… (…) Alors qu’on ne vienne surtout pas m’emmerder avec ça.

DWT : Ton nouvel album contient un featuring avec Orelsan… As-tu reçu des critiques vis-à-vis de ce choix ?
Flynt : Orelsan est un très bon rappeur qui écrit très bien, il est sympathique et professionnel. Il y a beaucoup de gens de mon public qui commencent à s’offusquer parce que j’ai fait un morceau avec lui. Je le lis sur les réseaux sociaux. Je l’ai rencontré en studio par hasard, il y a plus de deux ans, j’allais voir un pote et il était là… J’avais aimé son premier album. Il a aussi aimé le mien. On a discuté. C’était à l’époque de son histoire avec les « Chiennes de garde ». J’ai trouvé ça scandaleux qu’on lui prenne la tête alors qu’il y a des mecs qui parlent à tout bout de champ de drogue et de violence à qui on ne casse pas les couilles. C’est un mec professionnel, il s’est impliqué. Je suis très content de ce titre mais ce n’est pas non plus la locomotive de mon album. J’aurai pu arriver d’abord avec ce featuring, je ne l’ai pas fait. On m’avait dit de le faire, le mec a des millions de vues sur You Tube… J’aurai donc pu commencer par faire le clip avec lui. J’aurais pu aller à « Planète Rap » quand il m’a invité récemment… Mais je n’y suis pas allé… J’avais déjà une grosse journée et je devais faire des courses pour mes mômes avec qui j’avais prévu de rester avec… Alors qu’on ne vienne surtout pas m’emmerder avec ça. Limite, c’est un peu déplacé…

DWT : Tu n’as pas rencontré de difficultés au niveau du business, avec sa maison de disques ?
Flynt : Ca n’engendre rien du tout. Qu’ils ne viennent surtout pas me faire chier. Ils ne m’ont rien demandé. Je ne leur ai rien demandé non plus. J’ai invité Orelsan, pas sa maison de disques.

DWT : Quels sont les personnes avec qui tu aimerais collaborer sans que tu en aies eu la possibilité jusqu’à présent ?

Flynt : Plus jeune, je rêvais de faire un feat avec Le Rat Luciano… Je l’ai fait, même si le morceau n’est jamais sorti. Pour l’instant, il est entre les mains du producteur. Ce n’est plus de mon ressort.

Pour moi : « peace, unity, love and havin’fun », ce n’est pas qu’une légende, ni pour faire joli ou un truc has been. Même si ça peut faire sourire de dire ça.

DWT : On sent une teinte similaire dans l’ensemble de tes textes, sont-ils guidés par des valeurs ou une éthique particulière ?
Flynt : J’ai un morceau qui s’appelle : « Les clichés ont la peau dure ». Il y a beaucoup de clichés qui collent à la peau du rap et de ses acteurs. Je ne me reconnais pas là-dedans. J’ai écrit ce couplet dans mon album (il se met à rapper) :
« Si tes principes fondamentaux sont le respect et la tolérance / 
Quelles que soient les différences, de culture et de croyance / 
Ta manière de vivre n’est pas guidée par l’indécence / 
Tu n’fais pas insulte à la misère lorsque tu dépenses / 
Tu aimes tes enfants et condamne tout type de maltraitance / 
Tu as recours à la violence uniquement pour ta défense / 
Tu réalises ton influence tu as conscience de l’impact de tes paroles de tes faits et gestes et de tes actes
 / Tu dénonces l’injustice, rejette la discrimination
 / Ton but n’est pas de nuire pour asseoir ta domination
 / Ta démarche est pacifique envers tous ceux qui t’entourent
 / Tu n’fais pas partie de ceux que l’égoïsme rend sourd / 
Tu veux repousser tes limites, plus haut, plus loin, plus fort / Ta détermination s’amplifie après chaque coup du sort
 / Professionnel et honnête dans la gestion de tes affaires
 / Manipuler et exploiter ne sont pas dans ton vocabulaire / Tu sais encourager, écouter, transmettre et partager / Tu joues un rôle positif au sein de sa communauté
 / Parmi les mots que tu affectionnes entraide et solidarité sont en bonne place
 / Tu prends parti contre la haine, le crime, ton attitude est classe… / …La liste est longue alors j’en passe, au moins retient aç
 / Qui qu’tu sois, d’où qu’tu viennes et quoi qu’tu fasses / Si t’es tout ça à la fois, y a pas plus hip hop que toi
 / Si t’es tout ça à la fois, y a pas plus hip hop que toi »…
(Flynt reprend l’interview) Voilà plutôt ma définition du hip hop, c’est tout ce que je viens d’énumérer là. Pour moi : « peace, unity, love and havin’fun », ce n’est pas qu’une légende, ni pour faire joli ou un truc has been. Même si ça peut faire sourire de dire ça. Je pense qu’à la base, le hip hop est guidé par de vraies valeurs, qui ont été un peu perdues de vue avec le temps et avec le succès planétaire du rap.

Mon discours ne tend pas à tirer les gens vers le bas. C’est comme ça que j’ai compris et que je vis le hip hop.

DWT : Peux-tu étendre ta sensibilité du hip hop aux valeurs de l’Universal Zulu Nation ?
Flynt : Pas plus que ça, c’est assez éloigné de ma réalité, de mon quotidien. J’étais trop jeune à l’époque. Je ne me sens pas héritier de ça mais c’est vrai que c’est quelque chose d’orienté vers le positif, qui ne tire pas les gens vers le bas. Le hip hop n’appartient à personne, tu es libre de faire ce que tu veux. Moi j’essaie d’évoluer modestement en faisant le bien que je peux autour de moi. Mon discours ne tend pas à tirer les gens vers le bas. C’est comme ça que j’ai compris et que je vis le hip hop.

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